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Dimanche, 05 Mai 2024

Européennes : un gagnant - l'Allemagne - et un perdant - la France...

Auteur : Christian Vanneste | Editeur : Walt | Mardi, 27 Mai 2014 - 20h32

Pour qu’il y ait démocratie, il faut qu’il y ait un « demos » (un peuple). Ceci implique d’abord qu’une grande partie de la population se sente mobilisée. L’abstention est un premier signe du retrait de la population du jeu démocratique. Il en perd évidemment de sa légitimité. Presque 60 % d’abstentions, cela signifie que l’élection n’est pas considérée comme valable par une majorité d’électeurs.

En second lieu, la démocratie est le régime qui repose sur l’expression d’une volonté générale. Les élections européennes sont totalement étrangères à ce principe. Chaque pays vote en fonction d’un contexte politique qui lui est propre. Les Allemands ont voté pour le parti de Mme Merkel, les Français contre celui de M. Hollande et aussi contre une Europe dont ils ne veulent pas. Les Portugais ont préféré les socialistes de l’opposition à la droite au pouvoir. Les Grecs ont voté contre l’Europe, mais à l’extrême gauche. Pas la moindre volonté générale dans une prétendue Union européenne qui n’existe pas politiquement. Le Parlement européen est un décor.

Enfin, à défaut de dessiner immédiatement une majorité de gouvernement, illusoire dans les institutions européennes, on peut au moins s’en tenir à l’idée d’une représentation des citoyens. Or, les électeurs français ont élu des gens qu’ils ne connaissent nullement, sur la base de circonscriptions artificielles. Aucun lien réel ne sera maintenu dans les cinq ans qui viennent entre les élus et les électeurs. Ces derniers ignoreront les activités de leurs députés et ceux-ci pourront négliger leurs électeurs. Or, la démocratie doit reposer sur une relation de proximité totalement absente ici.

Ce tableau particulièrement sombre d’une non-démocratie s’achève, en France, par la nette victoire d’un parti – le Front national – qui refuse justement ce système et n’a, dans le fond, pour but que d’aller au Parlement européen pour en casser le décor. Que l’un des pays fondateurs de la construction européenne ait envoyé un tel message devrait provoquer dans notre caste politique une intense et salutaire réflexion. Dans le noyau dur d’origine, il y a le gagnant (l’Allemagne) et le perdant (la France). Cet échec n’est pas dû à l’Europe, mais à la politique menée par l’oligarchie médiocre et prétentieuse qui nous gouverne. L’Europe, et singulièrement l’euro, sont devenus pour la France des pièges, trappe à désindustrialisation, trappe à déclin, trappe à identité.

Le score du Front national exprime ce double sentiment de rejet des politiques menées nationalement et de refus de l’Europe telle qu’elle se construit. À court de pauvres arguments pour appâter l’électeur repu ou déçu, on a fait miroiter l’élection par le Parlement du président de la Commission. Mais celle-ci demeurera, heureusement, l’émanation des gouvernements nationaux. Et si aucune majorité nette ne se dégage, il est possible qu’aucun des candidats pressentis ne soit l’heureux élu.

L’élection qui s’est terminée dimanche a donc un mérite : celui d’avoir montré que l’Europe est un simulacre, voire une caricature de démocratie. Puissent les vainqueurs du jour être capables de provoquer une rupture véritable. Mais la force de ce système absurde est précisément d’anesthésier le résultat, fût-il significatif, obtenu dans un pays. La non-démocratie européenne est bien protégée contre les risques de la vraie démocratie.


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