Contre-espionnage français : de drôles de priorités...
François Mitterrand affirmait: «La France est en guerre contre les USA, et le drame est que les Français n’en ont pas conscience».
Le changement, c’est maintenant. La DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur) devient donc la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure). Ainsi, cette DGSI aurait vocation à devenir « le pendant policier du célèbre service d’espionnage extérieur, la DGSE, dépendant de la Défense », et présent partout dans le monde « où les intérêts français sont en jeu », à en croire Le Parisien de ce dimanche dernier.
Et ce quotidien de donner la parole à Philippe Bertrand, patron du nouveau service en question : « Ainsi, nous pouvons travailler aussi bien sur les dérives urbaines et le communautarisme religieux, que sur les mouvements d’ultra gauche et d’ultra droite. À titre d’exemple, nous avons travaillé dernièrement sur le mouvement de protestation contre l’écotaxe, la Manif pour tous, et la détection des filières djihadistes. »
Fort bien. Voici donc les priorités du gouvernement en place en matière de sécurité intérieure : les punks à chien et les mères de famille nombreuse. Les premiers font désordre dans le paysage, mais ne dérangent fondamentalement pas grand monde. Les secondes ? D’ici qu’elles prennent d’assaut le palais Bourbon à grands coups de poussette, les chats se verront pousser des plumes. Ah oui, on allait oublier les « dérives urbaines », les djihadistes et les enfants putatifs de Mohamed Merah…
Les « dérives urbaines » ? C’est le travail de la police. Les « djihadistes » ? C’est déjà plus compliqué, même si relevant plus de l’assistanat social que des services secrets. D’ailleurs, et pour demeurer dans le sujet, les rapports entre Mohamed Merah et ces mêmes services auraient été, de l’avis général, plus que troubles. Quant au reste, personne, au sommet de l’État, n’a attendu que la DCRI se transforme en DGSI pour que les « mosquées à risque » soient fliquées en permanence. Bref, nos services bossent sur la question depuis belle lurette.
Plus inquiétant, en revanche, est le silence persistant de nos services quant aux véritables périls menaçant l’intégrité nationale – soit l’espionnage économique –, qu’il soit le fait des Américains ou des Chinois. À ce titre, prière de se reporter au brillant livre de Frédéric Charpier, « L’économie, c’est la guerre ! » (Seuil), dans lequel on apprend qu’en France, plusieurs dizaines de milliers de taupes venues de Pékin et Washington, infiltrées au plus haut niveau de ce qui demeure de notre dispositif industriel, renseignent leur patrie d’origine.
Là, c’est du lourd. Du vrai. Et pas de la poudre de perlimpinpin. Mais en France, on aime à se faire peur. Une gauche qui voit un nouveau 6 février 1934 en puissance dans la Manif pour tous. Une droite estimant que, derrière le moindre clodo alternatif, pointe le fantôme de Lénine. Et les autres persuadés que, dissimulé sous sa capuche de marque, le Beur dealant dans les cités annonce une sorte de Reconquista à l’envers.
Manifestement, les vrais enjeux sont ailleurs. Et les grands médias n’en parlent pas ; ce qui est un moindre mal. Mais que les responsables de ces services censés assurer la veille de ce qui reste de nos frontières n’en pipent mot, voilà qui est proprement désolant. Dès 1987, François Mitterrand affirmait : « La France est en guerre contre les USA, et le drame est que les Français n’en ont pas conscience. » Phrase confirmée par Roland Dumas à l’auteur de ces lignes. Il y a là définitivement de quoi méditer.
- Source : Nicolas Gauthier