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Mercredi, 20 Nov. 2024

Éthique médicale : indépendance professionnelle ou soumission ?

Auteur : Docteur Amine Umlil | Editeur : Walt | Mardi, 19 Nov. 2024 - 13h04

Si le congrès AIMSIB 2024 de Lyon a remporté un très grand succès, ce fut grâce à la qualité exceptionnelle de nos différents orateurs. Une prise de parole a particulièrement marqué l’auditoire, c’est celle d’Amine Umlil, docteur en Pharmacie, ancien praticien hospitalier en charge de la pharmacovigilance pour l’hôpital de Cholet et mis à pied depuis des lustres pour avoir publiquement douté de la politique gouvernementale des temps de Covid, ainsi que de la licéité juridique des injections géniques qui s’y rattachaient. Rejugé en appel ce 12 novembre après avoir été condamné à deux ans de suspension, voici sa présentation d’une limpidité rare quant à la protection que les ordres professionnels «devraient» déployer pour protéger les lanceurs d’alerte. Mais dans la vraie vie depuis 2020… Bonne lecture.

AIMSIB

*

par le docteur Amine Umlil

Je remercie les membres de l’AIMSIB (Association internationale pour une médecine scientifique indépendante et bienveillante) pour leur invitation et leur chaleureux accueil.

Les questions soulevées par nos confrères lors des précédentes interventions de ce matin démontrent la nécessité du retour aux principes fondamentaux qui guident les professions médicales et notamment celles du médecin et du pharmacien. En effet, la solution d’un désaccord puise sa source dans ces règles objectives professionnelles qui fixent le cadre de nos métiers.

Six ans après le début de mon exercice professionnel, j’étais déjà confronté à ce qu’un médecin inspecteur régional du travail qualifiait de «Conflit avec la hiérarchie et l’institution portant sur des valeurs éthiques». Ce conflit concernait la sécurisation du circuit du médicament, et plus particulièrement le refus de cette hiérarchie d’engager la mise en conformité règlementaire. Pourtant, celle-ci était exigée par les pouvoirs publics dans ce domaine qui génère en moyenne 20 000 morts par an ; 20 000 décès dont la moitié est évitable. Dès ces années 2000, j’avais saisi le décalage entre la norme et l’effectivité de sa mise en œuvre. La norme est souvent parfaite, mais son exécution est parfois arbitraire.

Qu’est-ce que l’éthique ?

"L’éthique est personnelle. La morale est professionnelle. La loi est la règle".

L’éthique est la source de la déontologie. L’éthique est une philosophie de conduite, une façon de penser d’une personne. Elle n’exprime pas nécessairement la déontologie.

La morale, elle, est le fondement de la déontologie. C’est un ensemble de devoirs définis par une profession donnée.

La déontologie peut donc être considérée comme la science des devoirs qui traduit une façon d’agir des professionnels.

Quant à la loi, elle correspond à l’expression de la volonté générale, ou plutôt à la volonté des représentants élus. Une telle définition devrait être entendue sans oublier que le droit est parfois construit sur des fictions juridiques et que les décisions rendues par les juges, qui sont censés être la bouche de la loi, peuvent parfois créer des situations d’insécurité juridique.

En l’espèce, dans le domaine qui nous concerne aujourd’hui, le titre de votre Congrès, intitulé «Éthique médicale : Où allons-nous ?» appelle des interrogations sur la responsabilité médicale individuelle, sur la philosophie actuelle qui guide la façon de penser des médecins notamment – et des autres professions médicales telles que les pharmaciens et les sage-femmes – face à un problème transversal qui implique l’intervention de plusieurs acteurs du système de santé, en particulier de l’État. Et comme je n’ai jamais pu serrer la main de l’État, je dirais plutôt l’intervention des représentants de l’État.

Ici, les codes de déontologie des médecins et des pharmaciens définissent, avec d’ailleurs plus ou moins de précision, les morales professionnelles. Ces codes sont consacrés par le code de la santé publique dans sa partie règlementaire au moyen de décrets et deviennent donc le règlement.

"En 2022, l’Ordre des médecins rappelle la pyramide des normes : «Le code de déontologie précise ainsi des dispositions réglementaires concernant un exercice professionnel. Elles sont subordonnées à d’autres textes plus importants, notamment la Constitution et les lois»".

Je complèterai cette affirmation en rappelant que ce code de déontologie doit également respecter le droit européen et les conventions internationales.

Ces codes de déontologie peuvent être perçus comme une synthèse entre les philosophies individuelles des médecins et pharmaciens, la morale professionnelle, et la volonté du pouvoir règlementaire.

Ce compromis, qui accepte de limiter l’éthique médicale d’essence individuelle, appelle à s’interroger notamment sur le sens et la portée de l’indépendance professionnelle du médecin et du pharmacien.

D’où le titre proposé de mon intervention : «Éthique médicale : indépendance professionnelle ou soumission ?». J’aurais pu l’intituler «Éthique de la responsabilité ou éthique de la soumission ?».

Autrement dit, finalement, qui prend la décision finale d’agir dans un sens ou dans l’autre : le professionnel de santé médecin ou pharmacien ? L’administration ? L’autorité sanitaire ? L’autorité politique ? L’opinion publique construite par les médias ? Le patient et plus généralement la personne concernée par un acte de soin à visée préventive, diagnostique ou curative ?

Vivant dans une société dite civilisée, il y a lieu de se référer d’abord et en priorité à la loi dans son sens le plus large, et en particulier au code de la santé publique qui consacre les codes de déontologie.

Ce code de la santé publique s’ouvre par une première partie qui s’intitule «Protection générale de la santé» et par un chapitre préliminaire «Droits des personnes».

Cette protection du public est confiée au binôme médecin-pharmacien. Le premier établit le diagnostic et prescrit non seulement les soins notamment médicamenteux mais également l’organisation. Le second constitue la première barrière de sécurité en cas d’une erreur dans cette prescription. Aujourd’hui, je n’envisage pas de développer la relation médecin – pharmacien mais je répondrai à vos éventuelles questions sur ce point.

En 2011, selon le président du Conseil national de l’Ordre des médecins, «Pour ne plus jamais revivre le drame du Médiator», les médecins «se doivent d’être suffisamment indépendants pour faire preuve d’un esprit critique accru vis-à-vis de toute tentative d’ingérence dans leurs décisions». «La transparence et l’indépendance du médecin sont les piliers de notre déontologie médicale», ajoute-t-il dans cet écrit publié fin 2011.

Cette indépendance du médecin est protégée par le code de la santé publique dans sa partie règlementaire et par le code de la sécurité sociale dans sa partie législative.

L’indépendance du pharmacien est garantie par plusieurs articles règlementaires du code de la santé publique et par un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne datant de 2009.

Pour les médecins et pharmaciens hospitaliers, un article législatif du code de la santé publique consacre cette indépendance vis-à-vis des directeurs des établissements de santé.

Dans l’un des Bulletins de l’Ordre des pharmaciens publiés en 2010, la présidente du Conseil national plaide pour une garantie réelle de l’indépendance professionnelle du pharmacien. «L’indépendance professionnelle est une règle fondamentale des professions réglementées, un pilier essentiel de leur déontologie» confirme-t-elle. Et surtout, elle livre le but poursuivi par cette indépendance : «Elle n’est pas garantie pour le confort et le bénéfice du professionnel mais pour la protection du public» et pour «garder sa confiance».

Protéger le public et préserver sa confiance en son médecin et son pharmacien sont donc les deux objectifs principaux de cette indépendance confiée, par la loi, à ces deux acteurs majeurs du circuit du médicament.

Comme le rappelle cette présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens, cette indépendance «doit être matérielle, économique et intellectuelle».

Cette indépendance doit être mise en œuvre de façon constante dans chacun de nos actes professionnels. Et en particulier, elle doit jaillir avec éclat dans des situations qui peuvent menacer la dignité de la personne humaine.

Nombreuses sont les situations qui menacent cette indépendance, et par conséquent la protection du public. Ces menaces sont admises par la présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens qui relève : «nous le savons, si l’indépendance du professionnel de santé est largement admise dans son principe, dans la réalité, elle peut être menacée». Et elle précise ces situations propices aux tentations d’immixtion extérieures ou de soumission libre – consciente ou non – ou sous contrainte du professionnel lui-même : «En période de contrainte économique, les choix des professionnels peuvent être plus facilement influencés, voire dictés par la volonté d’acquérir des avantages concurrentiels, le captage d’informations à «fort enjeu commercial», par certains choix publics comme privés d’organisation et de gestion, ou par des pressions financières (venant d’investisseurs, de fournisseurs, de tiers…)». Et en pareilles circonstances, cette présidente rappelle, ordonne, à chaque pharmacien :

«À chacun, en toutes circonstances, de rester très attentif à décrypter les éventuels enjeux cachés de certains discours ou à se positionner avec responsabilité à l’encontre de choix non-conformes aux intérêts des patients, qu’on pourrait lui proposer ou même être tenté de lui imposer».

Le professionnel n’est donc, en principe, pas seul face à ces intrusions. Il est défendu par son Ordre professionnel.

«La création des Ordres professionnels a répondu historiquement au souci de protéger la société contre des professionnels sans compétence ou sans scrupule. Un Ordre représente aussi, pour une profession, un bon moyen de garantir son indépendance vis-à-vis de la puissance publique (…)». Voilà ce que disait la revue Prescrire en 2008.

Ledit président du Conseil national de l’Ordre des médecins confirme que l’Ordre est le «Garant (…) de l’indépendance médicale».

Tout comme ladite présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens qui soutient que «Les Ordres des professions réglementées ont reçu la mission légale de garantir l’indépendance des professionnels. C’est dans ce cadre qu’ils agissent».

C’est donc cette mission principale, consacrée dans la partie législative du code de la santé publique, qui fonde la légitimité de ces Ordres professionnels, et justifie leur existence.

Trois indépendances se dessinent dès à présent : une indépendance interne à la profession, une indépendance externe à l’égard des pouvoirs publics et une indépendance culturelle propre au professionnel.

L’effectivité de l’indépendance du médecin produit ses effets notamment lors de la prescription d’un acte de soin à visée préventive, diagnostique ou curative.

En 2023, le vice-président du Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative, rappelle que les libertés médicales accordées aux médecins sont des «principes déontologiques fondamentaux». Elles sont garanties aux médecins «dans l’intérêt des assurés sociaux et de la santé publique». En particulier :

«La liberté thérapeutique et le secret professionnel sont au cœur de l’art médical» précise-t-il.

Il confirme : «La liberté thérapeutique et le secret professionnel doivent, sans nul doute, demeurer les pivots de l’indispensable indépendance professionnelle des médecins et des autres professionnels de santé. Ils constituent d’ailleurs, comme cela a été dit, autant de droits et de garanties pour les malades». En 2022, et selon l’Ordre des médecins, cette indépendance est garantie quand l’acte professionnel est «déterminé seulement par le jugement de sa conscience et les références à ses connaissances scientifiques, avec comme seul objectif, l’intérêt du patient». Cette indépendance «fonde la confiance du patient». Il précise qu’il s’agit d’une indépendance «professionnelle et morale».

En 2022, l’Ordre des médecins affirme que le médecin «doit tenir compte de l’état de la science médicale» en précisant, sans détour, que ces données «devenues complexes sont de plus en plus formalisées et susceptibles d’aider le médecin dans ces décisions». Elles ne sont donc qu’«une aide» proposée au médecin.

L’Ordre ajoute : «Il va de soi que les indications qui en découlent ne s’imposent pas sans nuance. Ce sont des indications générales qui seront habituellement suivies. Elles peuvent cependant être inapplicables à un patient pour des raisons particulières et le médecin pourra alors s’en affranchir, de préférence en le justifiant».

Cette indépendance professionnelle et morale du médecin jaillit donc sur sa «liberté de prescription». Elle l’irrigue sans interruption. Les avis et les recommandations des autorités sanitaires et politiques ne bénéficient donc que d’une présomption simple de conformité aux données acquises de la science. Cette présomption n’est donc pas irréfragable et peut être renversée par une preuve contraire.

Tout médecin, comme tout pharmacien, peut donc contester, de façon méthodique et argumentée, les recommandations établies par ces autorités sanitaires et politiques telles que la Haute autorité de santé (HAS), l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), l’Agence européenne du médicament (EMA), le ministère de la Santé, etc.

Plusieurs exemples sont disponibles.

Auprès du Conseil d’État, les pharmaciens et les médecins, comme ceux de l’association pour une formation médicale indépendante (FORMINDEP), sont admis à critiquer ces recommandations comme le montre une décision de 2011.

Ce droit est même admis pour les laboratoires pharmaceutiques tels que les laboratoires Servier comme l’a reconnu le Conseil d’État en 2013.

En janvier 2018, les médecins et les pharmaciens de la revue indépendante Prescrire publient un article dans lequel ils soutiennent concernant la Haute autorité de santé : «Son qualificatif de «haute autorité» n’est toujours pas justifié». Lors d’une évaluation de 110 documents (guides) élaborés par cette Autorité entre 2007 et 2017 (10 ans), la revue constate que seulement 7 guides sont «intéressants» (6%) ; 21 «acceptables» ; 57 «inutiles» ; 23 «pas d’accord» ; près de 52% de ces documents sont jugés comme n’étant «pas un support solide de soins de qualité» ; 21% de ces documents ont «des défauts majeurs ou susceptibles de nuire à la qualité des soins».

En 2018, cette revue Prescrire critique même la politique de santé publique basée sur l’extension de l’obligation vaccinale de 3 à 11 vaccins chez les enfants ; alors même que ces vaccins sont mieux évalués que ceux contre la Covid-19.

En 2023, cette revue Prescrire vient critiquer publiquement la recommandation de la Haute autorité de santé visant à généraliser la vaccination contre la grippe chez les enfants.

En 2023, un confrère pharmacien d’officine est admis, par le Conseil d’État, en sa demande d’annulation de l’instruction du ministre de la Santé du 28 octobre 2021 relative au contrôle de l’obligation vaccinale contre la Covid-19 des professionnels de santé libéraux. Le Conseil d’État juge que «le ministre chargé de la santé a ajouté aux dispositions de l’article 14 de la loi du 5 août 2021» une «règle nouvelle». Il juge que le ministre a «ainsi fixé une règle nouvelle entachée d’incompétence».

En 2011, ledit président de l’Ordre des médecins appelle ces derniers à rester vigilants face aux recommandations des autorités sanitaires et politiques et appelle à la «Refonte du fonctionnement des agences et des autorités sanitaires…».

Et comme déjà souligné, l’Ordre des pharmaciens appelle aussi ces derniers à se positionner avec responsabilité à l’encontre de choix publics comme privés non-conformes aux intérêts des patients qu’on pourrait lui proposer ou même être tenté de lui imposer.

En 2022, concernant «la liberté de prescription» du médecin, l’Ordre des médecins confirme donc que cette liberté de prescription est également soumise aux «données acquises de la science» mais que, parfois, l’application de ces données générales à un patient particulier «amène» le médecin «à nuancer la règle» ; et que dans ce cas, «il est souhaitable que cet écart soit argumenté par des raisons objectives».

Les restrictions que peut connaître ce «principe fondamental qui va de pair avec l’indépendance professionnelle et la responsabilité du médecin» sont justifiées, selon l’Ordre des médecins, par deux éléments : d’une part le développement de médicaments «nouveaux – très puissants, dangereux ou réservés à des indications particulières –» ; et d’autre part des «considérations économiques» comme cela est consacré par le code de la Sécurité sociale.

L’Ordre des médecins admet que les «protocoles» établis par la Haute autorité de santé «ne dégagent pas les médecins de leurs responsabilités envers les patients».

L’Ordre des médecins constate que «ces «données acquises de la science» ne représentent pas pour autant des références claires, simples, indiscutables et définitives. Le propre de la science est d’être exposée à contradiction et de pouvoir évoluer».

L’Ordre des médecins ajoute : «cette science médicale ne doit pas se voir attribuer une portée absolue. Elle donne des indications générales guidant le médecin face à un patient particulier et n’impose pas qu’on les applique sans esprit critique».

L’autorisation de mise sur le marché (AMM) d’un médicament peut être également en décalage avec les données acquises de la science.

Comme le révèle une étude du Centre national hospitalier d’information sur le médicament (CNHIM) concernant le contenu de l’annexe I d’une autorisation de mise sur le marché (RCP : Résumé des caractéristiques du produit), même si le code de la santé publique définit ce contenu, force est d’y constater des anomalies. En effet, en 2003, 55% des anomalies détectées exposaient les patients à un risque d’erreurs médicamenteuses, dont certaines potentiellement graves. Au 15 février 2003, seulement 22% des anomalies signalées avaient été corrigées par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS, devenue Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM)) ; 14% n’avaient fait l’objet d’aucune modification malgré l’édition d’une nouvelle version dudit RCP ; et 64% des RCP erronés n’avaient pas encore été mis à jour.

Citons un autre exemple. Suite à une déclaration de pharmacovigilance, j’étais invité par le médecin directeur du Centre régional de pharmacovigilance (CRPV) à instruire le dossier et le présenter en 2008 devant les membres de ladite AFSSAPS et les représentants des laboratoires fabricant du Flécaïnide. Le jour même, la demande d’ajouter dans la rubrique «Effets indésirables» la mention des pneumopathies interstitielles a été acceptée. Mais, ce n’est que 3 ans après, soit en 2011, que cet effet indésirable grave est apparu dans la notice de ce médicament.

D’ailleurs, deux articles règlementaires du code de la santé publique invitent le médecin à prescrire selon les «données acquises de la science», et non pas selon l’autorisation de mise sur le marché (AMM).

En se fondant sur les dispositions d’un article législatif du code de la santé publique, l’Ordre des médecins reconnaît au médecin le droit de prescrire un médicament hors AMM : «En l’absence de médicaments appropriés à l’état du patient disposant d’une AMM ou d’une autorisation temporaire d’utilisation, des prescriptions hors AMM peuvent être effectuées».

En 2016, la revue Prescrire publie un article intitulé «Palmarès 2015 des nouveaux médicaments : 3 médicaments anciens primés dans des indications nouvelles». On peut lire notamment ceci : «L’utilisation hors AMM du Kétoconazole oral depuis une trentaine d’années a été régularisée par une autorisation dans le syndrome de Cushing, maladie rare mais grave. Il est efficace chez plus de la moitié des patients mais requiert une surveillance particulière en raison de sa toxicité hépatique et de nombreuses interactions avec d’autres médicaments».

En 2015, cette revue Prescrire rappelle que «des médicaments anciens restent le traitement de référence, ou le deviennent, parce que l’évaluation de leurs effets progresse». Comme exemple de «progrès thérapeutique» dans le traitement de la gale, elle cite l’Ivermectine : «D’anciens médicaments sont parfois évalués dans de nouvelles situations cliniques. Ainsi, l’ivermectine (Stromectol®), initialement utilisée comme antihelminthique, apporte un progrès pour le traitement des patients ayant une gale commune».

L’Ordre des médecins rappelle : «Dans tous les cas, le médecin doit assurer au patient les soins que nécessite son état et il pourra même en répondre devant les tribunaux. S’il n’a pas une obligation de résultat, il a une obligation de moyen».

En 2022, l’Ordre des médecins rappelle l’un des premiers principes de la médecine française : celui de «la primauté de la personne (…) Il est affirmé dès l’article 2» du code de la déontologie du médecin. Il précise que «Tout d’abord le médecin est au service de «l’individu» avant d’être à celui de «la santé publique».

En 2022, l’Ordre des médecins rappelle : «L’individu passe, en France, avant la collectivité». Il précise ce qui est consacré par la Convention d’Oviedo : «l’intérêt et le bien de l’être humain doivent prévaloir sur le seul intérêt de la société ou de la science». Il s’agit de la Convention pour la protection des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine.

L’Ordre des médecins ajoute que «le médecin doit se garder, dans cette action de santé publique, des effets pervers d’une prévention collective autoritaire».

Le 7 décembre 2023, le ministre de la Santé affirme que la politique sanitaire, basée sur les «interdictions» et les «obligations», ne relève pas de «La santé publique».

Le post (anciennement tweet) de ce Ministre sur le réseau social X (anciennement Twitter) est le suivant : «La santé publique, ce n’est pas dire aux gens comment ils doivent vivre. Ce n’est pas un monde d’interdictions et obligations. Les mots justes sont : transparence, responsabilité et civisme. C’est au nom de ces principes que je redis l’importance de la vaccination grippe – Covid».

Ce post décrirait comment conduire une population à choisir librement ce qui lui a été déjà imposé.

Le médicament est un produit spécial à deux facettes inséparables qui rappellent étrangement celles d’une pièce de monnaie : le bénéfice et le risque.

Concernant ce risque thérapeutique, l’Ordre des médecins soutient que «l’imprudence thérapeutique médicale ou chirurgicale est sanctionnable» mais que «cependant la prise de risque est un facteur de progrès» si elle respecte certaines conditions : «que ce risque soit identifiable, évalué par le médecin, proportionné à la gravité de la maladie, annoncé avec loyauté au patient, afin que celui-ci donne un consentement éclairé».

Il admet qu’«il s’agit de décisions difficiles, laissées à la conscience et à la compétence de celui qui soigne».

Il ajoute que le médecin «est aidé par les enseignements reçus, sa formation, les principes de la technique et la valeur de son expérience».

L’Ordre des médecins admet même que le médecin peut, dans des circonstances exceptionnelles, s’écarter du code de déontologie : «En cas de circonstances exceptionnelles, notamment lors de l’intervention en situation de catastrophe, marquée par une inadéquation brutale entre l’ampleur de la demande et les possibilités d’y répondre, le médecin reste soumis aux principes fondamentaux de la déontologie et de l’éthique médicale et doit, en toutes hypothèses, s’efforcer d’en respecter l’esprit. Lorsqu’il est amené à s’affranchir de dispositions formelles du code de déontologie, il doit le faire de façon proportionnée aux contraintes liées à la situation à laquelle il doit faire face. Il ne saurait faire l’objet de sanctions disciplinaires en cas d’éventuels manquements relevés dans le cadre de ces circonstances exceptionnelles et dans les conditions sus-rappelées».

L’Ordre des médecins rappelle que «l’engagement du médecin consiste, selon les termes de la Cour de Cassation (arrêt Mercier du 20 mai 1936), à donner des soins «non pas quelconques, mais consciencieux, attentifs et, réserve faite de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science»».

D’ailleurs, en 2018, la Chambre disciplinaire de première instance d’Île-De-France de l’Ordre des médecins a même jugé concernant l’intervention publique d’un médecin «En ce qui concerne le moyen tiré de la tenue de propos mensongers [concernant des vaccins] : «Considérant qu’à supposer même qu’ils seraient mensongers, ainsi qu’il est prétendu, les propos en cause ne sauraient être regardés comme constitutifs d’un manquement déontologique susceptible d’être sanctionné disciplinairement».

Ce médecin a été condamné pour ne pas avoir déclaré, au public, ses liens d’intérêts ; mais pas sur ces prétendus propos mensongers : «Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le 9 février 2017 le Dr (…) était l’invité de France Info à 6h45, puis de RTL matin à 7h18 ; que l’objet de ces interventions était de commenter une décision récente du Conseil d’État obligeant le Gouvernement à mettre en cohérence «vaccination obligatoire» et «offre vaccinale» ; qu’il est constant qu’en ces 2 occasions et en violation des obligations sus rappelées le Dr (…) n’a pas fait mention de ses liens d’intérêts, qui sont patents, avec les fabricants de vaccins Pfizer, GSK, Sanofi Pasteur MSD et Novartis ; qu’il sera fait une juste appréciation de la gravité de ce manquement en prononçant à l’encontre du Dr (…) la sanction de l’avertissement». En 2022, cette sanction est confirmée par la Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins.

L’Ordre des médecins précise que les «exigences pesant sur le médecin qui participe à une action d’information, au titre des dispositions précitées, se sont fortement accrues au cours des dernières années, notamment en raison de l’attente des citoyens que les informations qui leur sont dispensées ne se trouvent faussées par aucune forme d’intérêts ou de liens d’intérêts».

Revenons sur le risque. L’Ordre des médecins rappelle que «l’adage «Primum non nocere» ne doit pas être compris de façon trop stricte qui condamnerait le médecin à l’impuissance (son abstention pourrait être également nocive)».

En 2022, l’Ordre des médecins, lui-même, considère que soigner le malade en toutes circonstances est également l’une des conditions de sauvegarde de ladite dignité de la personne humaine :

«La déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948 pose en principe que «tous les êtres humains naissent et demeurent libres et égaux en dignité et en droits». Parmi ces droits irrécusables se situe le droit aux soins (et non le droit à la santé, confusion fréquente)» ;

«Le praticien doit honorer le contrat moral qui le lie à un patient, répondre en conscience à une confiance et accomplir un devoir qui lui est propre. La société lui a confié un rôle privilégié : donner des soins aux personnes malades, mais aussi, être le défenseur de leurs droits, des personnes fragiles ou vulnérables (mineurs, majeurs protégés, personnes âgées handicapées ou exclues des soins …), lutter contre les sévices quels qu’ils soient et quelles que soient les circonstances. Il doit être un acteur vigilant et engagé dans la politique de santé publique, qu’il s’agisse de la prévention, de l’épidémiologie ou de l’éducation à la santé. Toutefois, le médecin doit se garder, dans cette action de santé publique, des effets pervers d’une prévention collective autoritaire» ;

«L’exercice de la médecine comporte une double exigence : morale, car cette activité implique altruisme et dévouement, et scientifique, car elle impose, comme un devoir, la compétence. Celle-ci est acquise par une formation, initiale et continue, de haut niveau» ;

«(…) les qualités exigibles du médecin du fait de la mission qui lui est confiée par la société. Il est personnellement responsable de ses actes avec, en corollaire, la nécessité de préserver son indépendance professionnelle. Cette indépendance, assurée dans l’intérêt des patients, est la clef de voûte de l’exercice médical, qui ne saurait dépendre d’influences personnelles ou matérielles ou de liens vis-à-vis d’employeurs, d’organismes payeurs, de partenaires industriels ou même humanitaires, etc.» ;

«Le médecin est responsable de la personne qui se confie à lui. Son indépendance professionnelle (article 5) doit le soustraire à toute pression ou injonction, à toute influence ou à tout sentiment qui pourrait porter préjudice au patient».

L’Ordre des médecins rappelle également que la sauvegarde de la dignité de la personne humaine passe par notamment la délivrance d’une information loyale, claire et appropriée qui permet de garantir un consentement libre et éclairé.

Ce consentement constitue un véritable obstacle éthique, moral et légal à l’indépendance professionnelle du médecin. Car, ce consentement, placé par les juges au rang des libertés fondamentales, est le garant de la sauvegarde de la dignité de la personne humaine. Vicier ce consentement revient à exclure la personne de l’espèce humaine.

La partie législative du code de la santé publique consacre la fin du paternalisme médical : «Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé».

En 2006, un autre président du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens plaide pour «Dire la vérité» : «Professionnels de santé, nous n’avons pas le choix : nous avons, dans le domaine de notre exercice, un devoir de vérité avec nos patients, nos confrères, les autres professionnels et les institutions qui sont nos partenaires», dit-il. Et cette vérité est fondée sur «notre savoir professionnel». Un savoir que nous devons «restituer, en toute loyauté, au malade, pour l’aider à en apprécier les apports et les limites».

J’ai donc répondu à la question posée. Finalement, la décision est, selon la loi au sens large, prise par la personne lors du colloque singulier qui l’unit à son médecin.

En général, c’est donc la personne qui prend la décision finale concernant sa santé. Cela semble une évidence d’autant plus lorsque l’on prend le temps de lire les nombreux travaux publiés dans le domaine de l’éducation à la santé. Dans un ouvrage intitulé «L’éthique est-elle risquée ?», l’auteur observe que «Si les personnes suivent les prescriptions éducatives au prix de frustrations vitales d’importance, on peut se demander si les bienfaits sanitaires produits en aval – de qualité essentiellement probabiliste d’ailleurs – valent une telle mutilation».

Un autre auteur souligne que «La connaissance scientifique de l’être humain ne trouve son sens qu’en étant confrontée à la connaissance qu’ont les gens d’eux-mêmes et de leur réalité de vie. L’éducation pour la santé vise donc l’amélioration des relations humaines plus que la modification des comportements».

D’autres publications révèlent l’importance des déterminants de la santé qui s’intéressent à tous les facteurs qui influencent la santé de la population. Dans ce cadre, le système de soins ne compterait que pour 25%, la biologie et le patrimoine génétique que pour 15%. L’environnement social et économique, lui, représenterait 50%.

Dans les facultés et hautes écoles françaises, nous apprenons que «les atteintes à la dignité ont un pouvoir pathogène identique à celui des microbes et des parasites».

Ce qui précède nous invite à s’interroger sur le sens et la portée du mot «Santé», sur ce qu’est réellement la santé des êtres humains et sur la souveraineté corporelle d’une personne humaine.

Je vous rappelle que, selon notre corpus juridique, le corps humain demeure inviolable. Et que l’intervention médicale n’est que l’exception à ce principe, à cette valeur sociale protégée par notamment le code pénal.

Dans l’absolu, et selon les termes d’un arrêt rendu par la justice au XIXe siècle : «Les lois qui protègent la vie des hommes sont d’ordre public».

Aux représentants des respectables institutions telles que les Ordres professionnels, j’ai envie de dire : Patere legem quam fecisti (Respectez la règle que vous avez faite).

Enfin, il y a lieu de se souvenir qu’une chose a un prix. Mais, que l’être humain, lui, a une dignité dont la sauvegarde a été confiée notamment au médecin.

Je vous remercie de votre attention.

Docteur Amine Umlil

Intervention au congrès de l’AIMSIB le 21 septembre 2024


- Source : AIMSIB

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