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Lundi, 16 Sept. 2024

Gaza et journalisme : un naufrage sans retour

Auteur : Alain Marshal et Raffaele Oriani | Editeur : Walt | Mercredi, 14 Août 2024 - 13h43

Les massacres quotidiens à Gaza exposent l’hypocrisie abyssale des élites occidentales, champions autoproclamés de la défense des droits de l’homme, mais emmurés dans un silence dévot face à ce génocide diffusé en direct. En occultant les crimes d’Israël, les médias s’en rendent complices. La lettre de démission du journaliste Raffaele Oriani est un acte courageux contre ce déclin moral collectif.

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Face aux atrocités indescriptibles perpétrées par l’armée israélienne à Gaza, les prétendues élites de « l’Occident civilisé » — politiciens, journalistes, artistes, syndicats, associations, etc. — si promptes à défendre les droits de l’homme urbi et orbi et à condamner le 7 octobre, se sont littéralement évaporées, révélant ainsi leur faillite morale et leur absence d’humanité.

Nous assistons au premier génocide de l’histoire revendiqué ouvertement par ses auteurs (voir Cour internationale de justice : les intentions génocidaires d’Israël à Gaza) et diffusé en direct aux yeux du monde entier, du moins sur les réseaux sociaux, car les médias préfèrent détourner le regard de ces images accablantes qui condamnent non seulement Israël, mais aussi leur propre lâcheté. En choisissant d’ignorer les massacres quotidiens, de déformer les faits (en occultant +100 ans d’histoire de colonisation de la Palestine, en parlant de « guerre Israël-Hamas » ou de « chiffres du Hamas » pour le dénombrement des victimes, etc.) ou de rapporter a minima, de manière aussi épisodique que dérisoire (non plus pour informer, mais dans le seul but de sauver la face), les horreurs infligées aux hommes, femmes et enfants de Gaza, ces journalistes deviennent les complices actifs de crimes de guerre voire de crimes contre l’humanité.

Face à cet effondrement moral collectif, la démission du journaliste italien Raffaele Oriani est un rare acte de courage et de dignité. Après douze ans passés à La Repubblica, l’un des principaux quotidiens italiens, réputé progressiste, Oriani a choisi de quitter son poste en janvier 2024, en signe de protestation contre le manque d’éthique d’une presse européenne aux ordres. Sa lettre de démission est un éloquent témoignage d’intégrité professionnelle et un triste reflet du déclin moral terminal de l’Occident.

Comme l’a exprimé avec force Aaron Bushnell, membre de l’US Air Force, avant de s’immoler par le feu devant l’ambassade d’Israël à Washington DC,

« Beaucoup aiment se demander ce qu’ils auraient fait à l’époque de l’esclavage. Ou sous le régime de Jim Crow dans le Sud ? Ou durant l’apartheid ? Que ferais-je si mon pays commettait un génocide ? La réponse est que vous le faites en ce moment même ».

Tant les soldats que les journalistes jouent un rôle central dans toute guerre, et il est important de rappeler que Julius Streicher, éditeur et journaliste pro-nazi, fut condamné à la pendaison lors du procès de Nuremberg.

Voici la traduction intégrale de la lettre d’Oriani, véritable réquisitoire contre le silence assourdissant de la  presse occidentale face à l’extermination méthodique du peuple palestinien.

Sur ce qui s’est passé (et ne s’est pas passé) le 7 octobre, voir La vérité sur le 7 octobre : Tsahal a déclenché la directive Hannibal (Haaretz) et Norman Finkelstein : les accusations de crimes sexuels contre le Hamas sont infondées.

Alain Marshal

[Il Venerdì est un magazine hebdomadaire de La Repubblica fondé en 1987. C’est un des principaux magazines d’information italiens.]

Chères et chers collègues,

Je vous écris pour vous informer que c’est à contrecœur que je mets fin à ma collaboration avec Il Venerdì. Pendant douze ans, ce fut un honneur de voir mes articles publiés dans les pages du journal La Repubblica. Cependant, je dois maintenant prendre mes distances, car le massacre en cours à Gaza est accueilli avec une étonnante réticence par une grande partie de la presse européenne, y compris La Repubblica (aujourd’hui, le massacre de deux familles est enterré à la dernière ligne de la page 15).

Depuis 90 jours, je ne sais plus où j’en suis. Des milliers de personnes meurent et sont mutilées, prises dans une vague de violence qu’on ne peut qualifier de simple « guerre » qu’avec un niveau de complaisance inquiétant. Je crois que nous avons rarement été témoins de quelque chose d’aussi brutal, d’aussi visible pour tous. Il ne s’agit pas d’Israël, de la Palestine ou de la géopolitique, mais des limites de notre intégrité éthique.

Dans plusieurs décennies peut-être, beaucoup se demanderont où nous étions, ce que nous faisions et ce que nous pensions alors que des dizaines de milliers de personnes étaient ensevelies sous les décombres. Le 7 octobre était la honte du Hamas ; tout ce qui s’est passé depuis le 8 octobre est notre honte collective. Ce massacre est rendu possible par une complicité médiatique à laquelle nous participons tous. Dans l’impossibilité de changer la situation et le cœur lourd, je dois me retirer.

Raffaele Oriani


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