Pascal Lamy favorable à des boulots « pas forcément payés au smic »
Un remaniement d'accord, mais pour quoi faire ? Invité mercredi de l'émission « Questions d'info », sur LCP, en partenariat avec Le Monde, France Info et l'AFP, Pascal Lamy n'y va pas par quatre chemins. Il plaide pour l'audace, la transgression.
« Je sais que je ne suis pas en harmonie avec une bonne partie de mes camarades socialistes, mais je pense qu'à ce niveau de chômage il faut aller vers davantage de flexibilité, et vers des boulots qui ne sont pas forcément payés au smic », lance-t-il.
L'ancien directeur général de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), proche de Jacques Delors, est conscient de briser un tabou. Il sait à quel point l'idée d'un smic jeune est mal ressentie en France, mais il invoque le niveau du chômage qui « gangrène » la société et l'échec des « solutions traditionnelles ».
« Je connais des gamins de 15 ans dont les parents n'ont jamais eu de boulot. Pour moi, c'est le signe d'une gangrène. Une société où ceci peut se produire, sans qu'il y ait la révolution, c'est vraiment très inquiétant », s'indigne-t-il, avant d'ajouter : « Un petit boulot, c'est mieux que pas de boulot. »
« DEPUIS VINGT ANS, ON SERT AUX FRANÇAIS LA MÊME HISTOIRE »
L'auteur de Quand la France s'éveillera (Odile Jacob) presse François Hollande, qu'il connaît bien, d'engager sans tarder une pédagogie de la mondialisation.
« Les Français ont besoin d'un récit de la France dans le monde », plaide-t-il. Le vote Front national est, selon lui, un vote « de peur » qui traduit « des anxiétés considérables sur le cours du monde. Or, ces anxiétés sont en grande partie infondées, parce que quand on regarde ce qui se passe ailleurs, chez les Suédois, les Canadiens, les Allemands, il y a des tas de moyens de se redresser, à condition de voir le monde tel qu'il est. »
Pascal Lamy déplore que, « depuis vingt ans, on ser[ve] aux Français la même histoire » selon laquelle « leur pays rayonne sur une planète qui est en train de pourrir sous l'effet d'une mondialisation catastrophique ». « Aussi longtemps qu'on ne changera pas cela, les Français resteront ce qu'ils sont aujourd'hui : les champions du monde du pessimisme, de la déprime », assure-t-il.
Le remaniement ministériel annoncé ce mercredi appelle, selon lui, un nouveau discours suivi de décisions rapides. « Il faut donner un coup de rein pour traiter ces problèmes profonds que sont le chômage, la perte de compétitivité et la médiocre rentabilité des dépenses publiques. »
Le nouveau gouvernement n'est pas au bout de ses peines, car le montant des économies budgétaires à réaliser atteint, selon Pascal Lamy, « au moins 60 milliards d'euros d'ici 2017 » compte tenu des nouveaux allègements de charges prévus dans le pacte de compétitivité. Jusqu'à présent, Bercy préférait évoquer le chiffre de 50 milliards d'euros.
- Source : Le Monde