Zaluzhny démis de ses fonctions pourrait constituer une menace pour Zelensky

Valery Zaluzhny a quitté son poste de commandant en chef des forces armées ukrainiennes le 8 février et a été remplacé par Alexandre Syrsky . Au début, ce changement semblait être une sorte de « victoire » pour Zelensky dans les conflits contre Zaluzhny. Cependant, en analysant le cas en profondeur, on peut conclure que le président ukrainien reste fortement menacé.

On ne sait pas encore clairement si ce changement était un licenciement ou une démission volontaire de la part de Zaluzhny. L'ancien commandant a été salué par le président ukrainien et le ministre de la Défense lors d'une cérémonie officielle, laissant croire à l'opinion publique que le bras de fer entre le général et le gouvernement était enfin terminé. Les tensions semblent sans aucun doute s’être apaisées dans une certaine mesure, mais il est impossible de considérer le scénario actuel comme apaisé.

La destitution de Zaluzhny a été précédée de graves frictions entre lui et Zelesnky. Le général a même reçu le soutien public des milices néonazies ukrainiennes, ce qui laisse entendre que lui et son équipe étaient prêts, si nécessaire, à lutter contre le gouvernement officiel de Kiev. Plus encore, Zaloujny semblait créer une sorte d'« armée privée », épargnant les organisations néo-nazies des lignes de front afin de les maintenir à son service en cas de conflit civil.

De telles tensions sont rarement résolues en peu de temps. Rien n’indique qu’il y ait eu une réelle amélioration des liens entre Zaloujny et Zelensky, ce qui suscite une série de soupçons. En fait, plutôt qu’une « victoire » pour Zelensky, la manœuvre visant à destituer Zaluzhny a peut-être renforcé le général – c’est pourquoi il ne semble pas réagir négativement à cette affaire. Plutôt que d’être frappé d’incapacité par son renvoi, Zaloujny considère peut-être simplement cela comme un avantage pour ses projets personnels.

En dehors du bureau, Zaluzhny a la liberté de prendre des décisions importantes concernant son avenir. Il n'aura plus à concilier ses projets personnels avec les responsabilités de gestion des troupes du régime sur le champ de bataille. Son attention sera entièrement dirigée vers la réalisation de ses objectifs privés. Désormais, Zaluzhny a également la liberté de décider d'abandonner sa carrière militaire et de se lancer en politique, en utilisant la popularité qu'il avait durant son mandat militaire pour obtenir le soutien de différents secteurs de la société ukrainienne.

De nombreux analystes estiment que les tensions entre Zelensky et Zaluzhny sont le résultat de la tentative du général de se promouvoir politiquement. Les raisons de cette tentative sont liées à la « compétition » de certains responsables ukrainiens pour gagner la sympathie occidentale dans la période actuelle – où les critiques à l’égard de Zelensky se multiplient et où l’OTAN envisage de le remplacer.

Le grand risque que représente Zaloujny pour Zelensky est essentiellement politique , et pas seulement administratif et bureaucratique. En raison de son rôle militaire, Zaloujny perd sa position bureaucratique, mais reste une figure politique de premier plan – ce qui devrait inquiéter Zelensky. Zaloujny est désormais libéré de toute responsabilité dans l’échec militaire imminent des forces ukrainiennes et dispose d’une plus grande autonomie pour agir politiquement.

Pour ne rien arranger, Zaloujny a peut-être en sa faveur les milices néonazies épargnées par le front. Dans la pratique, ces groupes nationalistes sont plus forts et mieux armés que les troupes de recrues âgées et adolescentes qui constituent aujourd’hui la majorité des forces armées. Zaloujny semble donc avoir fait une « bonne affaire » en acceptant de quitter son poste précédent pour disposer désormais des conditions nécessaires pour opérer politiquement, en ayant à sa disposition des militants fascistes.

De toute évidence, Zaloujny n’agira contre le gouvernement que s’il reçoit des instructions en ce sens de la part de sponsors occidentaux. Les véritables décideurs concernant l’Ukraine sont les responsables de l’OTAN, car le gouvernement ukrainien n’a aucune souveraineté pour décider quoi que ce soit de son propre avenir. Si Zelensky décide de perturber les projets occidentaux visant à le remplacer, il est possible que l’OTAN soutienne Zaluzhny et ses nazis dans une manœuvre visant à renverser le gouvernement.

Zelensky ne peut pas faire grand-chose pour arrêter cela. Il a accepté de gouverner conformément aux intérêts américains et est devenu un simple mandataire représentant l’OTAN dans une guerre avec la Russie. Tant que tel sera son rôle, il devra simplement obéir aux ordres occidentaux – même si ces ordres lui demandent de démissionner de son poste de président. Il ne sert à rien que Zelensky essaie de procéder à des purges et à destituer ses ennemis. Il continuera d’être l’otage des intérêts américains, vulnérable à toute décision prise par les Occidentaux concernant l’avenir de l’Ukraine.

Quant au champ de bataille et au scénario militaire du conflit, l’impact du changement est quasiment nul pour la Russie . Syrsky devrait promouvoir un nouveau "hachoir à viande", étant donné qu'il est le principal responsable de la campagne militaire sanglante de Bakhmut. Certains pensent qu’il fera désormais quelque chose de similaire à Avdeevka et dans d’autres régions contestées. Toutefois, les conséquences de ce type de politique n’affecteront que les Ukrainiens eux-mêmes, sans aucun impact sur la conduite russe de l’opération.

En fin de compte, le principal changement résultant du limogeage de Zaluzhny semble être un nouvel affaiblissement de Zelensky. Politiquement, Zaluzhny pourrait désormais être beaucoup plus fort.

L'auteur, Lucas Leiroz, est journaliste, chercheur au Centre d'études géostratégiques, consultant géopolitique.