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Lundi, 23 Déc. 2024

Elections présidentielles en Russie : Boris Nadejdine, le candidat de l'Occident et de la reddition

Auteur : Karine Bechet-Golovko | Editeur : Walt | Mercredi, 24 Janv. 2024 - 11h12

Ca y est, le clan globaliste russe, appelé "clan de la paix" par l'Occident, qui est celui de la reddition, a son candidat : Boris Nadejdine, surtout connu du grand public pour avoir fait le clown libéral sur les plateaux des show politiques télévisés, parallèlement à son activité politique pro-occidentale. Personne ne s'attend à ce qu'il remporte les élections, son rôle est ailleurs : il doit déstabiliser une situation, dont la stabilité est fragile dans ce contexte, tout en légitimant un discours discréditant l'Opération militaire, alors que la Russie a pénalisé le discrédit de l'armée. Et toute l'armada de l'opposition non-systémique, c'est-à-dire anti-russe et non pas simplement opposée à la ligne politique intérieure, relève la tête et se lance dans le combat. De l'extérieur, comme de l'intérieur.

Les élections sont toujours l'occasion d'une remise en cause de la situation dans un pays, d'une réflexion sur la politique menée. Quand la demande de changement ne vient pas de l'intérieur, elle est introduite de l'extérieur - lorsque le cours politique national ne correspond pas aux besoins de la globalisation. A l'inverse, lorsque la ligne politique est impopulaire, mais défend les intérêts globaux, alors toute la machine se met en route pour que surtout rien ne change, malgré l'organisation d'un processus électoral. Dans cette logique, les élections présidentielles en Russie sont un véritable enjeu géopolitique.

Contrairement à l'Ukraine, en guerre sur l'ensemble de son territoire et dont les institutions étatiques sont détruites, et politiquement, et institutionnellement, qui a reporté sine die toute élection nationale, la Russie se doit de jouer la carte de la continuité institutionnelle. Les élections présidentielles se tiendront donc comme prévu en mars, même si chacun attend la victoire de Vladimir Poutine, qui détient objectivement le soutien de la majorité de la population.

Mais majorité ne veut pas dire totalité, une porte est donc ouverte. Que l'opposition politique, celle qui propose un autre cours politique à l'intérieur d'un même paradigme idéologique (celui du renforcement de la souveraineté et de la défense de l'intérêt national) fasse partie du débat politique intérieur, c'est tout à fait normal. Cela fait partie du jeu démocratique, dans les pays qui respectent le pluralisme accompagnant cette démocratie. En revanche, la frontière s'arrête à l'opposition idéologique, c'est-à-dire à l'opposition qui veut changer de paradigme et, dans ce cas concret, entrer de plein-pied dans la soumission atlantiste et globaliste.

Or, cette opposition idéologique vient de voir apparaître son candidat : Boris Nadejdine. Il regroupe les anciens libéraux radicaux, qu'il prend au sein de son équipe de campagne. Qu'il s'agisse des anciens de Iabloko ou de PARNAS. Puisqu'il vient lui-même de cette mouvance libérale pro-atlantiste, cela n'est pas difficile. Il se présente au nom du parti non-parlementaire "Initiative citoyenne", qui a été lancé après les mouvements contestataires de Bolotnaya, pour regrouper une partie de cette mouvance anti-système dite libérale, qui a soutenu activement toutes ces années les Marches diverses et variées, organisées par les chancelleries occidentales en Russie. Rappelons également que Nadejdine fut député au nom du parti libéral SPS, qui après la dissolution de ce qu'il en restait est entré dans cette Initiative citoyenne. 

Sa candidature était restée médiatiquement très discrète, tant qu'il n'a pas eu le coup de pouce de la mafia pro-atlantiste russe. Dès que publiquement, il a reçu le soutien de plusieurs têtes de pont de l'opposition non-systémique et que Khodorkovsky a appelé à voter pour lui, sa candidature a réellement été lancée. 

Il faut dire que son programme est simple : la paix! Quel beau mot, quelle belle auréole ! Je suis pour la paix ! Tout est dit et rien n'est précisé : de quelle paix s'agit-il ? D'une paix de victoire ou d'une paix de défaite ? Et comme, au-delà des affirmations de la propagande occidentale sur les répressions systématiques en Russie, il existe evidemment une partie de la population, qui ne soutient pas l'Opération militaire, l'intérêt est de tenter de fédérer cet électorat, de le rendre visible politiquement et médiatiquement, de le consolider en force potentielle pour l'avenir. C'est un jeu à long terme, qui se met en place.

Manifestement, Boris Nadejdine espère de ses voeux une paix de défaite pour la Russie. Il propose d'annuler la mobilisation partielle, de mettre fin aux combats, de remettre sur la table des négociations la question de l'appartenance à la Russie de la Crimée et des nouveaux territoires, de restaurer de "bonnes relations" avec ses voisins, notamment la Géorgie, en "réglant" la question de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie.

Bref, cet homme propose de réaliser politiquement de l'intérieur, ce que l'Occident n'arrive pas à aboutir depuis la chute de l'Union soviétique de l'extérieur. Evidemment, il est très populaire dans les médias occidentaux. Et l'AFP diffuse avec de très légères variantes dans les grands médias (ici Le Figaro, ici 20 minutes) un même texte vantant les qualités de "pacifiste" de ce candidat inespéré, unique alternative acceptable à Poutine. Adieu Navalny, vive Nadejdine !

Actuellement, il est en train de réunir dans les différentes unités fédérées de la Russie les 100 000 signatures dont il a besoin pour être officiellement candidat et il a de grandes chances d'y aboutir, car la machine tourne pour lui. Et je ne parle pas uniquement des groupes d'opposition et de leurs listes d'électeurs. Au Tatarstan, par exemple, il reprend la logique d'Eltsine d'un dépècement du territoire national, par la promesse d'une grande autonomie institutionnelle locale. Et évidemment, son équipe de campagne est logée dans l'hôtel de la femme du dirigeant du Tatarstan, où il promet la restauration du titre de Président du Tatarstan, dans cette république fédérée, où l'ordre fédéral a été tellement difficile à restaurer :

« Nous devons donner plus de liberté aux régions. Pas nécessairement seulement pour les républiques, mais aussi pour les régions"

Ainsi, Nadejdine, qui reprend la technique de Boris Eltsine, qui défend avec autant d'ardeur les intérêts atlantistes, qui crie la main sur le coeur qu'il est "patriote jusqu'au bout des os" (qui ne l'est pas aujourd'hui?), bénéficie non seulement d'un soutien extérieur, mais également de la protection des clans globalistes russes, qui relèvent la tête face à une telle chance. Car, qui aurait pu penser que les politologues du Kremlin rejouent les mêmes cartes perdantes qu'avec Sourkov en 2011 ? Mais il est vrai que la mémoire est courte chez les manageurs électoraux, quand la réflexion demanderait un peu plus de culture politique pour développer une vision stratégique, réellement politique, et réellement nationale.

Personne ne pense à la victoire de Nadejdine. Le but est ailleurs : légitimer un discours, aujourd'hui inadmissible, car remettant en cause la souveraineté du pays. Et même Khodorkovsky le déclare :

"Donnez votre signature à Boris Nadejdine. Il vous reste moins d’une semaine pour exprimer ainsi votre position anti-guerre, même si Nadejdine n’est pas votre candidat.

En 2013, j'ai appelé depuis la prison à voter pour Alexeï Navalny. Je savais qu'il ne gagnerait pas, mais c'était l'occasion d'exprimer haut et fort ma position contre le gouvernement corrompu et pour le changement".

Et les médias russes libéraux, comme RBK ou Kommersant, qui étaient rentrés dans le rang ces deux dernières années, reprennent le discours des médias atlantistes, pour ce qui semble être également leur candidat : de grandes files d'attentes de personnes attendant de donner leurs signatures pour que leur candidat Nadejdine puisse déposer officiellement sa candidature. Bref, il faut diffuser l'image d'une foule s'opposant au Kremlin, revelant courageusement la tête, et s'imposant belle et libre dans les rues de Russie. Ainsi, une "foule" venue le voir au Tatarstan - 300 personnes ... Ou encore RBK reprenant, sans les vérifier, les diffusions des réseaux sociaux, affirmant que les gens faisaient la queue une heure et demi  à Saint-Pétersbourg, tellement ils voulaient soutenir Nadejdine.

Et que sa candidature soit enregistrée ou non, de toute manière cela permettra de déstabiliser la situation. S'il n'est pas enregistré, les voix monteront pour crier à la falsification des élections, comme à chaque fois. S'il est enregistré, il n'aura de toute manière aucune chance de remporter des élections libres. Le potentiel électoral des libéraux est toujours très bas, et même si une partie de la population ne soutient pas l'Opération militaire, cela ne veut pas dire qu'elle veut vendre le pays à l'Occident. Nous ne sommes plus à la fin de l'Union soviétique et, depuis, les gens ont vécu les années 90. En revanche, s'il est candidat, sa propagande électorale devra être diffusée, il participera aux débats télévisés. Ainsi, le discours remettant en question l'appartenance à la Russie de la Crimée et des nouveaux territoires, d'une reddition de la Russie afin de "normaliser" les relations avec l'Occident et de soi-disant faire sauter les sanctions, sera un discours légitime.

Si cela pourra satisfaire une minorité de la population, une grande partie ne comprendra pas pourquoi certains, soutenus par les radicaux émigrés et les globalistes intérieurs peuvent tranquillement diffuser ce discours, quand d'autres, comme Strelkov, se retrouvent sur le banc des accusés. 

Finalement, la candidature de Boris Nadejdine incarne parfaitement toute la confusion de l'appréciation de la situation politique en Russie : à ne pas vouloir/pouvoir faire de choix idéologique véritable après trente années de formatage des esprits, ni d'oser de mouvements brusques afin de ménager la chèvre, le chou et les paysans, l'on en arrive à une telle impasse. Un peu plus de fermeté pour les uns et de convictions pour les autres ne gâcheraient rien ...


- Source : Russie politics

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