Bachar el-Assad a déjà gagné
Les prévisions sur la chute imminente du régime syrien et les annonces fracassantes sur l’effondrement dans “quelques jours ou semaines” du pouvoir damascène ont complètement disparu de la littérature occidentale. Dans les chancelleries, les salles de rédaction et les Think Tank en Occident, on entend de plus en plus murmurer que Bachar el-Assad ne tombera pas. Dans les capitales qui soutiennent le régime syrien depuis le début de la crise, on affirme carrément que le président syrien a déjà gagné la guerre. Cela ne signifie pas que les combats vont cesser du jour au lendemain, ils pourraient se poursuivre pendant des mois, voire plus. Mais l’objectif initial qui était de renverser le président Assad n’a pas été atteint… et ne le sera pas.
Force est de constater que près de deux ans après le début des troubles, Bachar el-Assad est toujours là, dans sa capitale, qu’il n’a jamais quitté, contrairement aux rumeurs répandues dans le cadre de la guerre psychologique. Des visiteurs libanais qui l’ont rencontré en fin de semaine dernière au palais présidentiel décrivent un homme “confiant dans son armée et son peuple”, sûr de “la victoire de l’Etat sur les terroristes”, et déterminé à lutter jusqu’au bout pour préserver l’unité, la souveraineté et l’indépendance de son pays.
L’assurance de M. Assad est confortée par une série d’indices révélateurs, qui n’échappent pas aux analystes alertes et aux experts chevronnés. Ces facteurs sont d’ordre militaire, politique, populaire et économique.
Une armée populaire
Sur le plan militaire, l’armée est restée soudée derrière son chef et fidèle à son idéologie. En dépit des moyens financiers, de renseignement et psychologiques colossaux déployés, le nombre de défections d’officiers est modeste, de l’aveu même des spécialistes occidentaux. L’armée a modifié sa stratégie, qui consiste désormais à ne plus s’accrocher au terrain lorsque les enjeux militaires sont limités ou carrément insignifiants. Elle tient en revanche toutes les grandes villes, les nœuds de transport et les sites stratégiques et névralgiques, soit plus de 70% du territoire. Elle a adapté ses tactiques pour faire face à une guérilla urbaine, ce qui lui a permis de repousser des offensives menées parfois par des milliers de rebelles bien armés et entraînés et disposant d’un matériel de communication sophistiqué, livré par les Occidentaux. Les vastes offensives des rebelles, à travers lesquelles ils espéraient inverser les rapports de forces à Alep et à Damas, se sont soldées par des échecs, laissant sur le terrain des milliers d’hommes.
La situation militaire s’est améliorée davantage avec la création d’une force populaire de 60.000 hommes, appelée Armée de défense nationale, dont l’entrainement est terminé. Un autre contingent de 60.000 hommes est en passe d’achever son entrainement. Le directeur de l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH, opposition) Rami Abdel Rahmane, a reconnu que cette armée “regroupe les Comités populaires, des civils favorables au régime qui ont pris les armes dans leurs quartiers pour empêcher les rebelles de l’Armée syrienne libre (ASL) d’y pénétrer”. Beaucoup d’éléments de cette nouvelle formation sont membres ou sympathisants du parti Baas au pouvoir, femmes et hommes de toutes confessions, a-t-il expliqué à l’AFP.
Vendredi 21 janvier, le site de Russia Today, citant un officier syrien, a indiqué que cette nouvelle force “défendra les quartiers contre les hommes armés afin de permettre aux troupes régulières de se consacrer aux combats”.
Hadi Abdallah, un militant anti-régime à Qoussair, a indiqué à l’AFP que l’Armée de défense nationale est déjà active dans la province de Homs. “Le nombre des combattants du régime a augmenté ces derniers jours, alors que l’Armée de défense nationale est entrée en action”, a-t-il dit.
Les troupes loyalistes sont en passe de sécuriser la campagne de Damas et la province de Homs dans un proche avenir, repoussant les groupes armés loin de la capitale et des grandes villes de la région.
A Hama, l’offensive rebelle annoncée avec fracas n’a pas pu se développer. A Daraa, seules quelques poches subsistent, notamment à Bosra el-Harir. La Jordanie, effrayée par la montée en puissance des mouvements extrémistes à sa frontière nord, avec les risques que cela comporte pour la stabilité du royaume, ne s’est pas impliquée dans le trafic d’armes et de combattants via sa frontière, à l’instar de la Turquie. Au contraire, Amman a renforcé son contrôle et arrête les extrémistes qui vont se battre en Syrie.
Ce n’est pas le cas de la Turquie, qui constitue la principale base d’entrainement et de repli pour les groupes armés, ce qui rend la situation dans le nord syrien plus difficile. Mais malgré la proximité de la frontière turque, les grandes villes, comme Idleb, Raqqa et la majeure partie d’Alep restent sous le contrôle de l’armée. De plus, les Kurdes ont choisi d’affronter les rebelles partout là où ils se trouvent, pour les empêcher d’occuper leurs régions.
Sur le plan populaire, les exactions commises par les rebelles et les extrémistes ont provoqué l’exaspération de la population qui appelle de ses vœux au retour du calme, de la paix et de la discipline, que seul l’Etat peut leur procurer. A Alep, les habitants manifestent toutes les semaines pour réclamer le retrait des miliciens de leurs quartiers. Ailleurs, il n’est plus rare de voir des civils coopérer avec l’armée et les services de sécurité pour traquer les terroristes. Ce changement d’humeur populaire, Bachar el-Assad l’a mentionné devant ses visiteurs et estime qu’il s’agit d’un développement capital dans la guerre contre le terrorisme.
De solides alliances
Sur le plan politique et diplomatique, la vigilance russe empêche l’Occident d’instrumentaliser les Nations unies pour lancer une guerre contre la Syrie ou instaurer des sanctions internationales, comme ce fut le cas pour l’Irak de Saddam Hussein.
La Russie et l’Iran fournissent également une aide économique et des facilités financières, qui permettent à certains pans de l’économie syrienne de continuer à fonctionner au ralenti.
Tous ces facteurs, surtout la résistance militaire et politique du régime, ont découragé les Etats-Unis, qui se sont résignés à commencer une longue négociation avec la Russie pour tenter de trouver une solution politique à la crise, surtout que la montée en puissance des qaïdistes du Front al-Nosra commence à inquiéter Washington.
La baisse de l’enthousiasme de l’Amérique s’est naturellement traduit par un refroidissement de l’engagement de l’Arabie saoudite, qui aurait fermé les robinets. Cela expliquerait les plaintes des rebelles syriens qui affirment manquer de financement.
Seul le Qatar et la France campent sur leur position. Mais ce qu’une coalition arabo-internationale menée par les Etats-Unis n’a pas réussi à faire, ces deux pays ne parviendront certainement pas à le réaliser.
Samer R. Zougheib
Source : moqawama.org