Le discours de Xi Jinping au Forum de Boao et les reportages biaisés sur le sujet
Un article de Reuters sur un discours du président chinois Xi Jinping révèle comment les reportages « occidentaux » biaisent la vision des problèmes mondiaux :
« Le président chinois Xi Jinping a appelé mardi à un rejet des structures de pouvoir hégémoniques dans la gouvernance mondiale, dans un contexte de tensions croissantes entre Washington et Pékin sur un éventail de plus en plus large de sujets, notamment des violations présumées des droits de l’homme …
S’exprimant lors du Forum annuel de Boao pour l’Asie, Xi a critiqué les efforts déployés par certains pays pour “construire des barrières” et “découpler”, ce qui, selon lui, nuirait à tout le monde et ne profiterait à personne …
La Chine appelle depuis longtemps à une réforme du système de gouvernance mondiale afin de mieux refléter un éventail plus large de perspectives et de valeurs de la communauté internationale, y compris les siennes, plutôt que celles de quelques grandes nations ».
La phrase en caractères gras est erronée. La Chine n’a pas demandé une « réforme du système de gouvernance mondiale », mais à un retour au système de gouvernance mondiale existant, que « l’Occident » a eu tendance à ignorer ces dernières années.
Voici la section pertinente de son discours :
« Nous devons nous consulter sur un pied d’égalité pour créer un avenir de bénéfices partagés. La gouvernance mondiale doit refléter l’évolution du paysage politique et économique dans le monde, se conformer à la tendance historique de paix, de développement et de coopération gagnant-gagnant, et s’occuper des besoins réels pour relever les défis mondiaux. Nous devons suivre les principes de consultation étendue, de contribution conjointe et d’avantages partagés, défendre le véritable multilatéralisme et rendre le système de gouvernance mondiale plus juste et équitable. Nous devons sauvegarder le système international centré sur l’ONU, préserver l’ordre international fondé sur le droit international et défendre le système commercial multilatéral avec l’Organisation mondiale du commerce en son centre. Les affaires mondiales doivent être traitées par le biais d’une vaste consultation, et l’avenir du monde doit être décidé par tous les pays travaillant ensemble ».
La « sauvegarde », la « préservation » et le « maintien » des lois et organisations existantes ne constituent pas un « appel à la réforme » du système de gouvernance mondiale, mais un appel à un retour à ses fondements, qui ont été établis après la Seconde Guerre mondiale. L’auteur de Reuters prétend, comme certains politiciens « occidentaux », que ces fondements n’existent plus.
L’article de Reuters continue ainsi :
« [La Chine] s’est également heurtée à plusieurs reprises aux principaux acteurs de la gouvernance mondiale, en particulier les États-Unis, sur toute une série de questions allant des droits de l’homme à l’influence économique de la Chine sur d’autres pays …
“Le monde veut la justice, pas l’hégémonie”, a déclaré Xi dans des remarques diffusées pendant le forum …
“Un grand pays devrait ressembler à un grand pays en montrant qu’il assume davantage de responsabilités”, a-t-il ajouté …
Bien que M. Xi n’ait pas nommé de pays dans ses remarques, les responsables chinois ont récemment fait référence à “l’hégémonie” des États-Unis dans leurs critiques publiques de la projection mondiale du pouvoir de Washington en matière de commerce et de géopolitique ».
Qui sont, s’il vous plaît, les « principaux acteurs de la gouvernance mondiale » ? Si les États-Unis sont peut-être un « grand acteur », la Chine l’est beaucoup plus par sa population et sa puissance économique. Et qui sont les autres « principaux acteurs », à part les États-Unis ? L’Inde et la Russie viennent peut-être à l’esprit, mais ces deux pays ont émis les mêmes critiques que la Chine à l’égard d’un système centré sur l’Occident.
L’extrait de Reuters ci-dessus omet également la citation la plus importante du discours de Xi :
« Nous ne devons pas laisser les règles fixées par un ou quelques pays être imposées aux autres, ni permettre à l’unilatéralisme de certains pays de donner le ton au monde entier. Ce dont nous avons besoin dans le monde d’aujourd’hui, c’est de justice, pas d’hégémonie. Les grands pays doivent se comporter d’une manière qui corresponde à leur statut et faire preuve d’un plus grand sens des responsabilités ».
Reuters transforme ainsi ce passage :
« Alors que l’administration Biden rallie d’autres alliés démocratiques pour durcir leur position à l’égard de la Chine, Pékin cherche à renforcer ses liens avec ses partenaires autocratiques et ses voisins économiquement dépendants en Asie du Sud-Est ».
Il s’agit d’un tour de passe-passe rhétorique visant à mettre les États-Unis du côté de la « démocratie » et à associer la Chine à des « partenaires autocratiques ».
D’une part, bon nombre des « partenaires » des États-Unis, notamment au Moyen-Orient, sont des « partenaires autocratiques », voire pire. La Chine elle-même est une démocratie :
« Les élections en Chine sont basées sur un système électoral hiérarchique, dans lequel les Congrès du peuple locaux sont élus directement. Tous les niveaux supérieurs d’assemblées populaires, jusqu’à l’Assemblée populaire nationale (APN), le corps législatif national, sont élus indirectement par l’assemblée populaire du niveau immédiatement inférieur ».
Le forum de Boao n’est pas chinois, il est international. Il a été initié par les anciens dirigeants des Philippines, de l’Australie et du Japon – tous trois des démocraties. Les 26 pays fondateurs de la « réponse de l’Asie à Davos » sont pour la plupart des démocraties.
Dans son discours, Xi Jinping cite la démocratie comme une « valeur commune de l’humanité » :
« Nous devons prôner la paix, le développement, l’équité, la justice, la démocratie et la liberté, qui sont des valeurs communes de l’humanité, et encourager les échanges et l’apprentissage mutuel entre les civilisations pour promouvoir le progrès de la civilisation humaine ».
L’objectif du forum de Boao n’est pas de faire du racolage auprès des autocrates. Sauf, bien sûr, si l’on considère les hommes d’affaires américains de haut niveau qui y participent comme tels :
« Un grand nombre de chefs d’entreprise américains participeront à la conférence, notamment Tim Cook (Apple Inc.), Elon Musk (Tesla Inc.), Stephen Schwarzman (Blackstone Group Inc.) et Ray Dalio (Bridgewater Associates) ».
En résumé : L’article de Reuters sur le discours de Xi à Boao est encadré par une mentalité « occidentale » et coloré par l’idéologie hégémonique « occidentale ». Il laisse de côté l’essentiel du discours, puis ajoute des éléments qui font croire au lecteur que cet événement international de haut niveau est exclusivement chinois, ce qui transforme son contexte.
Cet article n’informe pas, c’est de la propagande.
Traduit par Wayan, relu par Hervé pour le Saker Francophone
- Source : Moon of Alabama (Etats-Unis)