L’Union européenne autorise l’exportation de pesticides toxiques qu’elle interdit sur son territoire
Plus de 80 000 tonnes de pesticides toxiques voire mortels ont été exportées à l'étranger
L’Union européenne (UE) autoriserait l’exportation de pesticides qu’elle a pourtant interdits sur son territoire. C’est du moins ce que révèle un rapport des ONG Public Eye et Unearthed, qui accuse l’Union européenne d’hypocrisie en autorisant les entreprises à commercialiser à des citoyens extra-communautaires des produits qu’elle juge trop dangereux pour les Européens.
Des produits hautement toxiques interdits sur le territoire de l’UE
C’est un nouveau rapport accablant produit par les ONG Public Eye et Unearthed. En ligne de mire, « l’hypocrisie d’un système législatif qui permet aux sociétés agrochimiques de continuer à inonder des pays comme le Brésil, l’Inde ou le Maroc de substances jugées trop dangereuses pour être utilisées dans l’UE« . En effet, selon ce rapport, en 2018 l’UE a autorisé l’exportation de 81 615 tonnes de pesticides interdits d’utilisation sur le territoire européen car jugés trop toxiques.
Parmi ces produits, le paraquat est interdit dans l’UE depuis 2007 car il représente un danger d’empoisonnement mortel pour les agriculteurs qui l’utilisent, mais également une exposition chronique à ce pesticide, même faible, peut favoriser la maladie de Parkinson. Ensuite, le dichloropropène, classé cancérogène probable, est très utilisé dans les champs de tomates au Maroc. Enfin, la cyanamide, interdite en 2008 au sein de l’UE car classée comme cancérogène probable et accusée de porter atteinte à la fertilité, est exportée depuis l’Allemagne au Chili, Pérou et Afrique du Sud.
Des firmes européennes particulièrement pointées du doigt
Des firmes européennes sont particulièrement pointées du doigt dans le rapport. Selon ce texte, Syngenta, groupe suisse fabriquant du paraquat, est numéro un de ce commerce. En effet, il représente à lui seul 28 000 tonnes, soit plus d’un tiers, des exportations. En Suisse, le paraquat est interdit depuis 1989, soit 18 ans avant que l’UE ne l’interdise à son tour. Pourtant, la marque continue de produire son dangereux pesticide dans ses usines d’Huddersfield, en Angleterre. Les firmes allemandes Bayern, BASF et Alzchem, ainsi que l’italienne Finchimica, sont également épinglées dans ce rapport.
Ces firmes exportent principalement leurs pesticides au Brésil, en Ukraine, au Maroc, au Mexique et en Afrique du Sud. Le Royaume-Uni est en tête des pays exportateurs, suivi par l’Italie, l’Allemagne, les Pays-Bas et la France. Les ONG s’indignent : « Les risques sanitaires ou environnementaux sont dramatiques. » Un officiel de la Commission européenne tente de se justifier : « Un règlement européen de 2009 empêche, de façon générale, de mettre sur le marché et d’employer tout pesticide contenant des substances non autorisées », toutefois ce règlement « s’applique seulement au sein de l’UE ». « Ainsi, la production, le stockage ou le transport de tels produits destinés à des pays tiers ne sont pas soumis à autorisation », poursuit-il.
Selon la Convention de Rotterdam, initiée par l’Organisation des Nations unies (ONU) en 1998 et dont l’UE est signataire, les pays exportateurs s’engagent à respecter les restrictions éventuelles de pesticides des pays importateurs. Toutefois, au sein de la Commission européenne, on explique qu’interdire ces pesticides à l’exportation « ne conduirait pas automatiquement les pays tiers à cesser l’usage de ces produits : ils pourraient en importer d’ailleurs ». Une pratique qui reste donc tout à fait légale. En France, le Conseil constitutionnel a validé l’interdiction future, en 2022, de production et d’exportation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances bannies par l’UE.
Source : Le Monde
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