Les bibliothèques parisiennes victimes du naming!
La Mairie delanoiste s’est fait une spécialité depuis quelques années : renommer des établissements qui portaient des noms de quartier ou de rue au profit de personnalités les plus diverses. Pourtant les usagers ne s’en plaignaient pas, bien au contraire, car ils situaient immédiatement les bibliothèques en question.
Mais cette pratique prend désormais des proportions hilarantes, ce dont se gaussent les bibliothécaires de la ville !
Les Parisiens connaissaient ou savaient situer les bibliothèques aux noms aussi évocateurs que Vivienne, Temple, Port Royal, Maine, Plaisance, Beaugrenelle, ou Saint Fargeau. Ils doivent maintenant se creuser la tête pour localiser Charlotte Delbo, Marguerite Audoux, Rainer Rilke, Collette Vivier, Aimé Césaire, Andrée Chedid ou Oscar Wilde.
Douze fois déjà depuis l’élection de Bertrand Delanoë (et la nomination de Christophe Girard à la culture) cette frénésie du naming a frappé les bibliothèques parisiennes. Et cela ne semble pas près de s’arrêter si l’on en croit la Mairie de Paris. Dans les prochaines semaines ce sont encore quatre établissements, pas moins – Baudoyer, Mouffetard, Porte Montmarte et Clignancourt - qui vont être débaptisés puis prendre respectivement les noms d’Arthur Rimbaud, Mohamed Arkoun, Jacqueline de Romilly et Robert Sabatier. Comme on le voit pour donner un nom à ses bibliothèques, Paris ne fait « pas dans le quartier ».
Toutefois cette course à l'échalotte commence à exaspérer jusque dans les rangs de la majorité municipale. Ainsi la présidente du groupe écologiste au Conseil de Paris, Danielle Fournier, n’a pas hésitée à « exprimer son inquiétude quant à la surenchère de la mémoire observée actuellement parmi les éluEs du Conseil de Paris qui, dès la disparition de figures marquantes, proposent qu’un lieu parisien lui rende hommage et induisant un risque de saturation de l’espace public. ». L’élue rajoute sévère « pour ma part, je trouve qu’on a une sorte d’encombrement de l’espace public, une saturation des interpellations pour le passant, pour le visiteur. »
Il est vrai que donner le nom d’une personnalité à un bâtiment permet au Maire de Paris de l'inaugurer une deuxième fois, de prononcer un beau discours et de prendre de bien belles photos. Il peut aussi exploiter ces cérémonies à des fins communautaires comme pour la bibliothèque Aimé Césaire : « Je dédie cette bibliothèque aux antillais de Paris » avait ainsi déclaré Delanoë.
Cela offre aussi parfois l’opportunité d’attirer du « people » comme Jean d’Ormesson qui a fait bicher Christophe Girard lors de l’inauguration d’Oscar Wilde (ex-Saint Fargeau) ou de faire pousser la chansonnette au chanteur -M- pour la (ré)inauguration de la bibliothèque Beaugrenelle rebaptisée du nom de sa tante.
C’est surtout l’occasion d’en tirer un bénéfice politique à défaut d’avoir un bilan en matière culturelle vu l’état des bibliothèques municipales dont certaines, faute de personnel, doivent désormais réduire leurs horaires d’ouverture.
Même les nouveaux équipements n'échappent pas à la malédiction municipale. Ainsi les bibliothèques Vaclav Havel et Jacqueline de Romilly, dont les inaugurations étaient prévues pour ce printemps 2013, voient leurs ouvertures repoussées sine die. La raison? Un gestion des chantiers des plus mergitur.
Attention tout de même, le nom d’une bibliothèque doit rester dans les canons du politiquement correct en vigueur dans la municipalité parisienne. Ainsi la bibliothèque Glacière dans le XIIIe arrondissement avait-elle eu l'audace de proposer de se faire rebaptiser du nom de Léo Malet. Retoqué ! Ce dernier, malgré le fait qu’il a écrit avec « Brouillard au pont de Tolbiac » un des plus beau roman ayant pour cadre le quartier, eu sans doute le tord d’être un peu trop « anar de droite » pour l'Hôtel de Ville. Depuis la bibliothèque Glacière attend toujours d'être rebaptisée.
Jusqu'où vont se nicher la com' et le sectarisme !
- Source : Delanopolis