Giec : Comment cette structure a imposé son autorité scientifique
Tel est pris qui croyait prendre. C’est l’histoire du Giec, Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat, depuis sa création en 1988. Une décision prise par le G7 (Etats-Unis, Japon, Allemagne, France, Grande-Bretagne, Canada, Italie) sous la pression de Ronald Reagan et Margaret Thatcher. Ces derniers ne voulant pas voir une agence de l’ONU, soupçonnée de militantisme écologique, mettre la main sur l’expertise climatique. S’il est ouvert à tous les membres de l’ONU, et son secrétariat pris en charge par l’Organisation météorologique mondiale, les décisions majeures du Giec sont donc prises en réunion plénière, par un vote des délégations gouvernementales où l’on recherche le consensus.
Hybride.
Le résultat de l’opération doit faire se retourner dans leurs tombes les deux chefs de file de la révolution fiscale en faveur des plus riches. Organisation hybride – scientifique dans son fonctionnement, mais dont les «résumés pour décideurs» sont approuvés par des délégations gouvernementales -, le Giec voit ses rapports difficilement contestables par les pouvoirs politiques, puisqu’ils les signent.
En 1988, le souci climatique émerge des laboratoires des sciences du climat. L’élévation des teneurs de l’atmosphère en gaz à effet de serre (GES) ne fait plus de doute. Les premiers calculs montrent que le changement climatique provoqué par le doublement de la teneur en CO2 serait proche de celui qui sépare une ère glaciaire d’une ère chaude. En 1987, les équipes de Jean Jouzel et Claude Lorius ont publié les analyses des carottes de glace forées par les Russes à la station Vostok (Antarctique) révélant les liens passés entre teneurs en GES et évolution du climat. Or, le sommet de 1992 de l’ONU, à Rio de Janeiro, se profile.
Sur quelles bases va-t-il rédiger sa convention climat ? Le Giec doit répondre à cette question. Ses rapports établissent la synthèse des travaux scientifiques sur le climat, les conséquences possibles des changements climatiques et les moyens disponibles pour maîtriser les émissions de GES. Ils seront publiés en 1990, 1995, 2001, 2007 et 2010. Chacun a scandé la prise de conscience du changement climatique et les négociations internationales liées à la convention climat signée lors du sommet de Rio.
Polémiques.
La vie du Giec aurait pu n’être qu’un fleuve tranquille. Le processus d’écriture des rapports, lourd et transparent, met en réseau des milliers de contributeurs et relecteurs bénévoles, la plupart étant des scientifiques actifs et reconnus au niveau mondial. Il n’évite pas certaines erreurs, rares. Pourtant, le Giec s’est trouvé plongé dans des polémiques violentes, en particulier en 2009 et 2010.
Accusé de mentir aux gouvernements, d’exagérer les risques du changement climatique, d’imposer une science truquée, d’empêcher le débat entre spécialistes… Le résultat de campagnes virulentes, orchestrées par différents lobbies, économiques et politiques. Aux Etats-Unis, l’industrie et les milieux les plus conservateurs ont consacré des millions de dollars à ce combat. En France, il n’a guère eu de relais, en dehors de la croisade de Claude Allègre, dont le succès médiatique fut inversement proportionnel à la qualité des arguments.
Aujourd’hui, le Giec n’est guère contesté pour sa description prudente des résultats scientifiques, qui risque plus de sous-estimer que de surestimer les risques. Sa vision de l’économie est plus constestable, à l’image d’une science économique accusée de n’avoir pas prévu la crise de 2008. Pourtant, son organisation et ses missions restent débattues et pourraient évoluer en 2015 lors de réunions prévues pour le lancement du prochain rapport. En septembre, Thomas Stocker, coprésident du groupe I du Giec, proposait d’espacer les rapports généraux de huit à dix ans. Et d’établir des rapports sur des sujets plus ciblés, exigeant des collaborations étroites entre les différents groupes.
- Source : Cybercomnet