Aliments détox : « Les industriels de l’agroalimentaire n’ont aucune limite »
Surfant sur la mode du « bien-être » et de la santé, l’industrie agroalimentaire propose désormais toute une gamme de produits dont les étiquettes vantent les effets positifs pour le corps et l’esprit. Pourtant, dénonce foodwatch dans une nouvelle campagne, ces affirmations sont souvent mensongères et strictement commerciale. Nous avons interrogé Mégane Ghorbani, chargée de campagne au sein de l’ONG, qui nous explique pourquoi.
Mr Mondialisation : Les produits « détox », « santé », « bien-être » se multiplient. Pourquoi se méfier de leurs prétendues vertus ?
Mégane Ghorbani : Il faut s’en méfier tout simplement parce que ces promesses santé reposent la plupart du temps sur du vent. Avec notre nouvelle campagne, foodwatch épingle une vingtaine de produits – aliments et boissons très plébiscités par les consommateurs – promettant de soi-disant vertus pour la santé.
En réalité, 2.000 de ces allégations sont en attente de validation par la Commission européenne depuis… 2012. Pendant ce temps, le flou profite aux industriels qui sont autorisés à les utiliser. Pour nous, cette aberration a assez duré. Nous lançons donc une pétition qui cible un exemple emblématique : Eléphant (Unilever) et son infusion qui pousse le bouchon jusqu’à affirmer « Détox, pas d’intox ». Pas d’intox ? Nous n’en sommes pas si sûrs…
Mr Mondialisation : Vous lancez une campagne pour alerter sur le sujet. Quelles sont les « promesses santé » les plus problématiques que vous rencontrez ?
Mégane Ghorbani : Entre une infusion Eléphant qui prétend détoxifier, des granulés Ricola qui vous promettent une ‘bonne nuit’, cette ‘margarine’ qui affirme stabiliser votre cholestérol, mais dont il faut manger six tartines pour espérer un effet, un smoothie Innocent ‘Energise’ presque aussi sucré qu’un Coca-Cola ou cette décoction à base de graviola vendue par biologiquement.com qui affirme être anti-cancer, on réalise que les fabricants peuvent allègrement gonfler leur chiffre d’affaires sans être contraints de tenir leurs promesses.
Mr Mondialisation : Mais n’existe-t-il pas une réglementation contraignante à ce sujet ?
Mégane Ghorbani : En théorie oui, au niveau européen. Le problème c’est que la Commission européenne n’est pas allée jusqu’au bout de la réglementation et des actions à entreprendre pour éviter que les fabricants profitent d’allégations en attente ou encore d’allégations autorisées pour vendre des produits trop sucrés.
Les industriels de l’agroalimentaire n’ont aucune limite… si les autorités ne leur en posent pas. Du coup, nous sommes allés interpeller les autorités à Bruxelles pour qu’elles se saisissent enfin du dossier et protègent les droits des consommateurs.
Mr Mondialisation : Comment le consommateur peut-il, face à un produit, faire la part entre le vrai et les arguments marketing ?
Mégane Ghorbani : C’est très difficile de savoir si les promesses faites sur les emballages sont fiables ou pas tant qu’il n’existe pas un cadre clair, posé par les autorités. D’autant que certains n’hésitent pas à outrepasser les limites des allégations santé. C’est le cas du site biologiquement.com qui vend littéralement une quarantaine de produits comme étant « anticancer » : des feuilles de graviola corossol, de l’extrait de feuilles de thé vert, des myrtilles en gélules, des mûres blanches bio séchées, etc. foodwatch vient d’ailleurs de porter plainte contre ce site.
Mr Mondialisation : Que préconisez-vous pour améliorer l’information ?
Mégane Ghorbani : Nos demandes s’adressent d’une part aux industriels et d’autres part aux autorités. Du côté des industriels (fabricants et distributeurs), ce n’est pas parce qu’une pratique n’est pas interdite qu’elle est légitime pour autant. C’est d’ailleurs pour cela que nous invitons un maximum de personnes à signer notre pétition. Du côté des autorités, elles devraient renforcer les règles pour éviter le flou dont les consommateurs paient le prix.
Vidéo: Foodwatch devant la Commission européenne : allégations en attente, ça suffit !
Pour aller plus loin :
– l’enquête Foodwatch : foodwatch.org
– « Tout compte fait », présenté par Julian Bugier : « Aliments santé : comment démêler le vrai du faux ? » – une enquête en partenariat avec foodwatch : france.tv
Image d'illustration: Crédit image : Soulcié / Foodwatch
- Source : Mr Mondialisation