Alors que les mensonges sur les attaques au gaz en Syrie s’effondrent, les Etats-Unis et le Royaume-Uni passent à des accusations de « guerre cybernétique » russe
Lundi, les agences de renseignement américaines et britanniques ont publié un rapport conjoint accusant Moscou d’une « guerre cybernétique » non spécifiée contre l’Occident. Les médias américains étaient remplis d’avertissements hystériques selon lesquels la Russie aurait piraté des « millions » d’appareils portables ainsi que des infrastructures cruciales.
C’est le New York Times qui résuma le mieux le ton adopté dans la couverture médiatique, disant que le rapport des agences de renseignement était : « la version informatique d’un exercice d’attaque aérienne de la guerre froide, demandant aux citoyens de changer leur mot de passe pour un autre plus compliqué plutôt que de se jeter sous la table ».
Cette campagne coordonnée intervient alors que s’effondre le prétexte officiel du bombardement illégal des État-Unis, de la France et de la Grande-Bretagne contre la Syrie alliée de la Russie vendredi dernier — l’assertion que le gouvernement d’Assad a perpétré une attaque chimique dans l’est de la Ghouta le 7 avril.
Dimanche, The Independent publiait un reportage sur le terrain du célèbre journaliste Robert Fisk, expert en politique au Moyen-Orient, qui a visité Douma, la ville de la Ghouta où une attaque au gaz aurait eu lieu.
Fisk s’est entretenu avec le Dr Assim Rahaibani, qui travaille à la clinique médicale où ont été filmées les vidéos largement diffusées montrant des enfants arrosés avec de l’eau, ostensiblement pour soulager l’inhalation de gaz toxiques. Il cite Rahaibani ainsi :
« J’étais avec ma famille dans le sous-sol de ma maison à trois cents mètres d’ici la nuit, mais tous les médecins savent ce qui s’est passé. Il y avait beaucoup de bombardements [du gouvernement] et la nuit les avions survolaient toujours Douma — mais cette nuit là, il y avait du vent et d’énormes nuages de poussière ont commencé à entrer dans les sous-sols et les caves où vivaient les gens ».
« Les gens ont commencé à arriver ici souffrant d’hypoxie, perte d’oxygène. Puis quelqu’un à la porte, un ‘casque blanc’, a crié ‘Gaz !’ Et une panique a commencé. Les gens ont commencé à jeter de l’eau les uns sur les autres. Oui, la vidéo a été filmée ici, c’est vrai, mais ce que vous voyez, ce sont des gens souffrant d’hypoxie, pas d’intoxication au gaz ».
Ce récit est sensiblement similaire aux déclarations des autorités russes, qui ont accusé les Casques blancs (White Helmets), l’organisation « rebelle » anti-Assad financée par la Grande-Bretagne, d’organiser une attaque au gaz sous les ordres des services secrets britanniques. Fisk note qu’au moment où il est arrivé à Douma, les Casques blancs étaient déjà partis rejoindre les combattants du groupe islamiste fondamentaliste Jaysh-al Islam, qui a fui Douma pour Idlib dans le cadre d’un accord négocié avec la Russie.
L’article de Fisk démasque de façon éclatante les mensonges des gouvernements de la France, de la Grande-Bretagne et des États-Unis, qui n’ont fourni aucune preuve pour étayer leurs accusations contre le régime d’Assad. Le récit des gouvernements impérialistes a été immédiatement diffusé par des médias corrompus qui fonctionnent sans vergogne comme le département de propagande de l’État.
Comme le « World Socialist Web Site » l’a souligné dès le début, l’incident était une provocation organisée par la CIA pour servir de prétexte à une intervention impérialiste, continuant l’opération de changement de régime menée depuis sept ans contre Assad, l’allié de la Russie, au cours de laquelle Washington a armé et financé des islamistes de droite, devenus ses mandataires.
Le reportage de Fisk est en même temps une condamnation accablante des médias patronaux comme de diverses organisations pseudo de gauche, telles que l’Organisation socialiste internationale, qui ont régurgité tous les prétextes mensongers des gouvernements sans lever le petit doigt pour enquêter. Les médias ont réagi au rapport de Fisk en l’enterrant. Dans les 24 heures qui ont suivi sa publication, ni le Washington Post ni le New York Times, qui en 2005 avaient qualifié Fisk de « correspondant étranger sans doute le plus célèbre de la Grande-Bretagne », n’ont publié ou même fait référence au reportage sur place de Fisk.
Le gouvernement américain réagit à chaque répudiation de ses mensonges en en concoctant de nouveaux. L’accusation d’attaque chimique avait suivi directement l’effondrement des allégations non étayées, britanniques et américaines, que la Russie aurait tenté d’assassiner en Angleterre son ancien agent Sergei Skripal et sa fille Yulia en utilisant une substance neurotoxique. Tous deux sont en passe d’être parfaitement rétablis, bien qu’ils aient prétendument été empoisonnés par le gaz militaire le plus meurtrier qui soit.
Le rapport du FBI et du National Cyber Security Center (NCSC) du Royaume-Uni paru hier intitulé « Des cyber-acteurs sponsorisés par l’État russe ciblent les équipements réseaux », n’est pas plus crédible. Comme les précédentes accusations portées par les services de renseignement contre Moscou, il n’y a pas un seul élément de preuve dans le document pour les étayer.
Sur ses 21 pages, environ 15 fournissent des informations génériques sur les failles de sécurité des réseaux informatiques couramment exploitées par ce que le rapport appelle des « cyber-acteurs ». Elles donnent des conseils aux usagers et aux administrateurs réseau pour améliorer la sécurité numérique. Il s’agit notamment de ne pas utiliser « le même mot de passe sur plusieurs appareils », d’éviter les protocoles de communication non cryptés et de remplacer le matériel et les logiciels de sécurité obsolètes.
Les six premières pages contiennent les seules références à la Russie, mais ne fournissent aucun détail, et encore moins de preuves, d’activités spécifiques. Toutes les accusations portées contre Moscou commencent par des phrases telles que : « Le FBI et la NCSC ont une grande confiance dans le fait que » ; « Les gouvernements américain et britannique évaluent » ; ils « ont reçu des informations de plusieurs sources que… », etc.
Rien de tout cela n’a empêché les médias des États-Unis et du Royaume-Uni d’amplifier consciencieusement les dernières accusations. Un article publié en première page du New York Times, « La mise en garde des États-Unis et le Royaume-Uni sur des Cyberattaques comprennent des domiciles privés », cite les commentaires de Rob Joyce, un assistant spécial du Président et coordinateur de la cybersécurité pour le Conseil national de sécurité, déclarant que les Russes « cherchent à exploiter la popularité croissante des appareils connectés à Internet » que « vous et moi avons chez nous ».
En disant plus qu’il ne voulait, l’article indique que le document gouvernemental « était en préparation depuis longtemps » et qu’il n’était pas « une réponse à des événements récents ». En d’autres termes, les agences de renseignement attendaient le moment opportun pour le publier. Sa diffusion a plusieurs buts.
D’abord, créer un état de panique dans la population pour faciliter une escalade majeure de la confrontation avec la Russie. Deuxièmement, contrecarrer la méfiance populaire vis-à-vis des médias et le scepticisme envers ce qui est largement vu comme un nouveau prétexte pour une guerre de plus contre un pays du Moyen-Orient et, troisièmement, réprimer le sentiment anti-guerre et légitimer la répression des droits démocratiques et la censure d’Internet sous pavillon de lutte contre la cyber-guerre russe et les « fausses nouvelles ».
Le lien entre la poussée vers la guerre et la censure de l’Internet a été mis en évidence par les déclarations des responsables du Pentagone suite à l’attaque de la Syrie. Le secrétaire américain à la Défense, James Mattis, a averti vendredi qu’il y aurait une augmentation de la « désinformation » russe en réponse aux frappes américaines et alliées. La porte-parole du Pentagone, Dana White, a déclaré que l’affirmation des Russes que la défense aérienne syrienne avaient abattu 71 des 105 missiles lancés sur la Syrie faisait partie d’une campagne de désinformation « qui a déjà commencé ». Elle dit qu’il y avait eu sur 24 heures « une augmentation de 2000 pour cent des trolls russes ».
Ces affirmations visent à faire de toute déclaration contredisant le récit officiel du gouvernement et de l’armée américaine de la « désinformation » étrangère et essentiellement traître.
Le rapport du FBI vise sans aucun doute aussi à alimenter la campagne en cours des agences de renseignement et du Parti démocrate exigeant que Trump aggrave encore la confrontation avec la Russie. Le Times et les autres médias alignés sur le Parti démocrate ont attaqué l’annonce par l’Administration Trump hier que les États-Unis n’imposeraient pas de nouvelles sanctions à la Russie, contredisant ainsi les déclarations de Nikki Haley, l’ambassadrice américaine aux Nations Unies.
Le Times cite le démocrate Eliot Engel de la Commission des Affaires étrangères de la Chambre, qui avait déclaré : « Je suis indigné de ce que le président Trump ait annulé les sanctions contre la Russie pour le soutien qu’elle donne au régime d’Assad ». Nikolas Kristof, chroniqueur du Times, a fait la promotion des guerres impérialistes au nom des « droits de l’homme », a félicité sur MSNBC l’archi-réactionnaire Haley contre Trump, déclarant qu’elle était « bien plus appréciée que n’importe quel autre membre ou presque de l’administration dans la politique étrangère ».
- Source : WSWS