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Syrie: au tour des rebelles de faire défection

Auteur : Ruth Sherlock et Mounadil al Djazaïri | Editeur : Stanislas | Samedi, 27 Juill. 2013 - 21h34

Je vous propose en traduction intégrale un article dont des extraits sont déjà disponibles sur internet, chez Allain Jules par exemple.

Cet article expose une démarche importante du gouvernement syrien qui consiste à encourager les défections parmi les membres des groupes de combattants rebelles.

Grosso modo, c’est un dispositif qui ressemble à celui de la «concorde civile» qui a contribué à l’arrêt presque complet des hostilités en Algérie. Il rappelle aussi la « paix des braves» que le général de Gaulle avait proposée aux moudjahidine de l’Armée de Libération Nationale (ALN).

La «concorde civile » a fonctionné en Algérie, non sans grincement de dents, tandis que l’offre gaullienne n’avait rencontré pratiquement aucun écho.

C’est que la valeur de ce dispositif ne lui est pas entièrement intrinsèque mais dépend beaucoup de la situation militaire et politique sur le terrain.

La « paix des braves » avait trouvé en face d’elle un FLN et une ALN unis sur une ligne politique claire assise sur un large soutien populaire.

La « concorde civile » avait permis d’éponger des maquis disparates (dont certains étaient sans doute des contre maquis), sans objectif politique précis, si ce n’est réaliste dans le contexte plus général d’une population lasse des tueries et des destructions. Par ailleurs, sans être vraiment devenu démocratique, le système politique est resté ouvert au multipartisme, certains partis ayant même accepté de composer avec le pouvoir en place. A quoi il faut ajouter que la hausse des prix des hydrocarbures a permis de donner satisfaction à une partie de la base sociale de l’ex Front Islamique du Salut… Gare à une éventuelle future chute des prix des hydrocarbures, vu que le pays vit encore largement sur le mode rentier.

La situation syrienne est assez proche de celle de la guerre civile en Algérie, à la différence près que les forces rebelles ont adopté une stratégie de prise de contrôle des villes, et même des grandes villes là où l’opposition armée en Algérie était surtout active dans les campagnes.

C’est cette stratégie de contrôle des zones urbanisées qui a donné son caractère spectaculaire au conflit syrien avec ces images de villes en partie détruites.

Cette stratégie nous informe au demeurant sur la nature des principaux acteurs proprement syriens de l’opposition armée : tout simplement d’anciens militaires de carrière dont le projet s’inscrit certes en opposition avec le régime en place mais sur un principe qui n’est pas différent d’autres épisodes plus anciens de défections, parfois dans le cercle familial même de l’actuel chef de l’Etat.  Ce qui a changé, c’est le contexte régional qui leur a ouvert des perspectives inespérées (le fameux "printemps" arabe).

Ces gens là n’on bien sûr aucun projet démocratique.

Leurs fantassins sont par contre des citoyens Syriens, Les relations de ces derniers avec le commandement de l’Armée Syrienne Libre (ASL) restent cependant lâches et leurs motivations comme leurs affiliations peuvent varier, parfois en fonction de qui paye, soit que ces fantassins combattent pour l’argent, soit plus simplement qu’ils ont des familles à nourrir.

Ce sont ces combattants qui sont les plus susceptibles de céder à la tentation de l’offre d’amnistie gouvernementale. Parce que, si on en croit l’article, certains d’entre eux considèreraient non seulement que la bataille est perdue mais que le sens du combat actuel ne correspond pas du tout à ce qui les avait motivés au début.

En tout cas, c’est avec ce levier de l’amnistie que l’armée syrienne a pu obtenir la reddition d’une bonne partie des combattants assiégés dans al Qusayr. Et c’est aussi pour cette raison que la bataille d’al Qusayr n’a pas tourné à la boucherie que d’aucuns prédisaient.

La stratégie de «concorde»» rencontre cependant en Syrie des obstacles qui n’existaient pas dans la guerre civile en Algérie : la présence de nombreux combattants étrangers, dans l’encadrement notamment ainsi que l’afflux d’argent et d’armes venus aussi de l’étranger. Ce soutien matériel et le soutien politique de la part de puissances importantes, aussi bien dans le monde que dans la région entretiennent en effet l’espoir des dictateurs de substitution 

Ce qui semble à peu près clair, c’est que le rôle de l’ASL sur le terrain est maintenant assez réduit et que même son allégeance à la direction politique (la coalition au nom à rallonge) est pour le moins sujette à caution tandis que le noyau dur et efficace de la «rébellion» syrienne est constitué d’organisations «islamistes»les combattants étrangers continuent d’affluer.  

Des rebelles syriens passent dans le camp du gouvernement

Par Ruth Sherlock, The Daily Telegraph (UK) 24 juillet 2013 traduit de l’anglais par Djazaïri

Beyrouth: Des centaines d’hommes qui avaient pris les armes contre le président Bachar al-Assad font de nouveau défection pour repasser du côté du gouvernement.

Déçus par la tournure islamiste prise par la «révolution» en Syrie, épuisés après plus de deux années de conflit et ayant le sentiment d’être en train de perdre, un nombre croissant de rebelles acceptent une amnistie négociée offerte par le régime d’Assad.

Dans le même temps, les familles des combattants qui se retirent du combat ont entamé discrètement leur retour dans le territoire contrôlé par le gouvernement, considérée comme un endroit sûr pour vivre tandis que le régime continue une offensive militaire intense contre les zones tenues par les rebelles.

Cette évolution est un signe d’une plus grande confiance en lui du régime, qui a mis en place ce qu’il appelle un «ministère de la réconciliation" avec pour tâche de donner la possibilité à d’anciens opposants de revenir du côté du gouvernement.

Ali Haider, le ministre chargé de ce dossier, a déclaré: «Notre message est:« Si vous voulez vraiment défendre le peuple syrien, déposez vos armes et venez défendre la Syrie dans le droit chemin, à travers le dialogue. "

M. Haider, qui a une réputation de modéré au sein du régime, a mis en place un système dans lequel les combattants de l’opposition déposent leurs armes en échange d’un sauf conduit vers des zones tenues par le gouvernement.

Les combattants rebelles reconnaissent en privé être au courant de l’offre d’amnistie, et que certains hommes ont choisi de l’accepter, même si ils disent que les effectifs concernés ne représentent encore qu’une petite proportion de ceux qui luttent contre le gouvernement.

 «Je me suis battu pour la révolution, mais maintenant je pense que nous avons perdu ce pour quoi nous nous battions",  déclare Mohammed, un rebelle musulman modéré de la ville septentrionale de Raqqa qui a refusé de donner son nom de famille. "Maintenant les extrémistes contrôlent ma ville. Ma famille a déménagé vers la zone gouvernementale, car notre ville est trop dangereuse. Assad est terrible, mais l’alternative est pire."

La prévalence des groupes islamistes extrémistes dans les zones tenues par les rebelles, en particulier dans le nord, a amené certains combattants de l’opposition à «abandonner» leur cause.

Ziad Abu Jabal est originaire de l’un des villages de la province de Homs dont les habitants ont récemment convenu de cesser de combattre le régime. «Quand nous avons rejoint les manifestations, nous voulions avoir plus de droits droits", dit-il.. "Après avoir vu la destruction et la puissance des djihadistes, nous sommes arrivés à un accord avec le gouvernement."

M. Haider  dit avoir assisté à une cérémonie mardi après-midi au cours de laquelle 180 combattants de l’opposition ont rejoint les forces de police du gouvernement, d’où ils avaient fait auparavant défection.

Bien qu’il n’ait pas été possible de vérifier cette affirmation, lorsque le Daily Telegraph de Londres avait  visité le siège du ministère de la réconciliation à Damas le bureau était bondé de membres de familles de rebelles qui combattent dans la banlieue de la ville qui affirmaient que leurs hommes voulaient rentrer.

Un négociateur du ministère, qui n’a donné comme nom que  Ahmed, était en train d’organiser la défection d’un commandant rebelle et de 10 de ses hommes dans le secteur de la Ghouta.

 

 «Il nous a fallu trois mois de négociations et ceci a valeur de test", a-t-il dit. "Si tout se passe bien, le commandant dit que 50 autres suivront."

Il a décrit les mesures prises pour permettre le retour des combattants prêts à déposer les armes. Tout d’abord, dit-il, un négociateur doit traverser la ligne de front pour une réunion dans le territoire tenu par les rebelles. «Nous devons espérer que le commandant rebelle ordonne à ses tireurs embusqués de ne pas nous tirer dessus.»

Les transfuges potentiels reçoivent des documents qui leur permettent de passer les contrôles de l’armée syrienne avant de rejoindre un lieu sûr en attendant que les officiels puissent faire retirer leurs noms des listes de personnes recherchées tenues par les administrations plus dures que sont le ministère de la défense et les services de renseignements.

Les rebelles «ne s’étaient pas engagés pour appartenir aux organisations islamistes extrémistes qui ont maintenant gagné en influence,» dit-il. «Ils veulent maintenant retourner à une vue normale.»

Dans les jours qui avaient précédé la prise de la ville de Qusayr le mois dernier, le Daily Telegraph avait vu des médiateurs à la frontière libanaise travailler avec l’armée syrienne pour obtenir une amnistie pour les combattants qui acceptaient de se rendre.

Le téléphone sonnait avec les appels désespérés des parents des rebelles. «Ces mères savent que c’est la dernière chance pour leurs fils. S’ils ne déposent pas les armes maintenant, ils mourront parce qu’ils sont en train de perdre la bataille,» affirme Ali Fayez Uwad, le médiateur.


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