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Dimanche, 22 Déc. 2024

A Nous Paris en plein délire techno-scientiste

Auteur : Agoravox | Editeur : Stanislas | Dimanche, 14 Juill. 2013 - 06h36

Vous connaissez l’hebdomadaire A nous Paris ? Non, aucune idée ? Mais si, vous savez le magazine que l’on trouve par piles entières sur les présentoirs du métro parisien lorsqu’à côté, ceux contenant les directs matins sont désespérément vides dès 9h du matin.

Vous savez, le magazine insipide au papier rêche tendance petit bourgeois- hipster – branchouillé - jeune cadre dynamique ? Le magazine des bons plans déco Roche Bobois à 3500€ la chaise ou encore des bars branchés de la capitale à 14€ le cocktail ?

Un magazine finalement tellement loin du mode de vie réel du Francilien lambda que sa lecture en reste confidentielle. Et bien, un beau matin, rentrant d’une soirée arrosée qui s’était prolongée, je décidai de jeter un pavé dans la mare de l’indifférence générale à l’égard de ce « journal » et de lui rendre ses lettres de noblesse en…le lisant.

Autant le dire tout de suite, la couverture m’a tout de suite attirée. Ce n’était pas tant le titre du style slogan publicitaire « Visions High-Tech » ni même la photo d’une jeune asiatique filiforme avec un chapeau à consistance de peau d’orque et un vêtement plexi transparent, c’étaient plutôt les sous-titres à la limite de la caricature technophile « Techno Habillez-vous intelligent ! » ou encore « Réseaux sociaux Télé et deuxième écran, une relation d’avenir », des sous-titres somme toute lourds de sens ou plutôt de contre-sens, puisque l’on se demande déjà ici si les technologies présentés comblent des besoins ou le vide du désir. Pourquoi regarder deux écrans en même temps ? Pourquoi des vêtements intelligents ?

Bien sûr, ce n’est pas le très fashion magazine A vous Paris qui nous aidera à nous questionner. Au contraire, un seul point de vue ici, monolitique, un obus en quelque sorte, soyez trendy, soyez geek !

Embrayons maintenant sur le fond des articles.

 

  1. Les Google glass ou la déréalisation des rapports humains

Les Google Glass raflent la palme du délire technologique. Contrairement aux autres accessoires présentés ci-dessous, les Google glass sont utiles, trop utiles même, et c’est bien sûr à cet endroit que réside le principal danger, à savoir que cet accessoire devient un appendice « indispensable » à la vie de tous les jours consacrant l’aliénation de l’homme à la machine. La liste des fonctionnalités donne le tournis, mis à part les traditionnels GPS, appareil photo, vidéo, dictaphone…il y a aussi la recherche encyclopédique et surtout le google now qui consiste à acquérir tout type d’informations. Plus besoin de s’organiser, les lunettes le font pour vous. Ainsi, on devient complètement assisté par la machine qui gère une partie de notre vie à notre place. Autre inquiétude : le repli sur soi. En effet, les Google Glass nous incitent à nous concentrer sur leur espace visuel et à nous détourner de la réalité, un peu comme ces personnes accrocs à ce qui se passe sur l’écran de leur smartphone dans le métro.

On sait aujourd’hui que les technologies de communication ne rapprochent pas les gens, bien au contraire. En France, la solitude n’a jamais été aussi grande (13% en 2013 dans les grandes villes contre 8% en 2010) et pourtant il n’y a jamais eu autant d’utilisateurs de réseaux sociaux.

Cela me rappelle un épisode de cette série des années 90, Au-delà du réel, qui racontait à chaque épisode des histoires indépendantes les unes des autres assez lucides sur notre société et ses risques certaines fois. Il y a cette ressemblance troublante entre cet épisode ou y est décrit un système d’information électronique (le stream) contenant tous les savoirs possible auxquels tous les êtres humains sont connectés grâce à un implant cérébral. Un jour, un virus affecte le système qui se met à surcharger les cerveaux d’informations tuant des millions d’humains. Bien sûr un héros apparaît (un ancien exclu car déconnecté) et sauve l’humanité obligeant celle-ci à se tout réapprendre notamment, la lecture (bah oui plus besoin de lire quand on reçoit les infos directement dans le cerveau). Ce système, c’est une évolution possible de l’idéologie Google Glass finalement.

Rappelons pour terminer que la critique du journaliste A nous Paris concerne la sacro-sainte « vie privée » (notamment lorsque les utilisateurs des lunettes prennent des photos des autres à leur insu), alibi incantatoire bien futile et surtout hypocrite lorsque l’on sait que notre vie « privée » a été très largement écornée que ce soit par les systèmes d’espionnage ou les réseaux sociaux que les médias ont très largement vantés.

 

  1. Fundawear : le complément parfait à Google Glass

Les Google Glass accélèrent la fuite du réel pour le joyeux monde des écrans plats. Quoi de mieux pour agrémenter cette déralisation que le Fundawear ? Ce projet de Durex consiste à intégrer des capteurs dans les sous-vêtements afin de permettre à sa (ou ses ?) dulcinée(s) de déclencher des vibrations à distance grâce à une application. Cette invention triviale prend tout son sens si l’on conçoit le fait que les individus ont de moins en moins de liens avec les autres. Pourquoi faire l’amour si l’on peut avoir des « relations » à distance ? Autant optimiser son temps. De cette manière, le geek tendance peut passer plus de temps sur les réseaux sociaux à augmenter le nombre de ses conquêtes…virtuelles.

 

  1. « La wearable Tech sportive » : quand le corps devient une machine à optimiser

Dans cette dernière rubrique, on trouve tout un tas de gadgets dont l’utilité reste à prouver. Ainsi en est-il pour les baskets Adidas parlantes, ou encore le bracelet Fuelband qui « capte en permanence notre activité sportive pour la transformer en fuel points » (Que celui comprend cette phrase me fasse signe). Encore un bracelet dénommé « flex » permet de déterminer le nombre de calories brûlés par jour (nécessitant de rentrer des données sur ce que l’on a ingéré au cours de la journée). On retrouve ici l’idéologie du sport et de la croissance de la performance physique d’ailleurs étroitement corrélé à la croissance économique. Il ne s’agit plus ici de manger pour se faire plaisir en suivant une culture de la table mais de contrôler son alimentation le plus possible pour être le plus fort, le plus rapide, le plus intelligent, le plus tout court. Il est loin le temps des amateurs qui déterminaient des distances sur un terrain d’athlétisme pour faire leur séance de fractionné. La mathématisation et l’électronique nous permettent d’optimiser l’entraînement et sa productivité et donc de réaliser un gain de temps. Ce n’est pas anodin, le règne de la techno-science nous entraine dans une accélération sans fin comme l’indique Hartmut Rosa : « Un homme de 35 ans a déjà vécu trois fois la vie de son grand-père. Trois amours, trois jobs, trois déménagements ».

 

Conclusion

A nous Paris est une parfaite illustration de la collusion des médias et du complexe techno-scientiste qui s’est depuis longtemps émancipé de la réponse aux besoins réels de l’Humanité. L’éloge est grand et la critique minime quand bien même le développement de certains produits posent de lourdes questions sur notre avenir. Je pense surtout aux Google Glass et je ne peux m’empêcher de le mettre en relation avec un sketch de télé bien qui résume avec astuce et humour les risques de ce type de technologies.


- Source : Agoravox

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