L’hypocrisie des détracteurs de Snowden

Pendant que les autorités américaines continuent de fustiger Pékin et Moscou qui, selon Washington, adoptent une attitude déloyale vis-à-vis des Etats-Unis dans le scandale d’espionnage électronique provoqué par Edward Snowden, Steve Wozniak, cofondateur de la société Apple et concepteur des premiers Apple, vient de mettre son grain de sel dans cette discussion.

Au-delà de son soutien à M. Snowden, Steve Wozniak a souligné que les programmes secrets de l’Agence nationale de sécurité américaine qu’il a démasqués démontrent que la liberté aux Etats-Unis n’existe plus.

« Nos autorités prétendent qu’elles nous espionnent au nom de la lutte contre le terrorisme », a-t-il dit. Mais c’est un processus qui nous fait perdre nos libertés, car notre vie privée, y compris notre courrier électronique, n’existe plus ».

Certes, William Hague, ministre britannique des Affaires étrangères, estime que les services secrets des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne agissent, en l’occurrence, pour défendre les libertés civiles, alors que dans certains autres pays, ces procédés ne sont utilisés, selon lui, que pour mieux contrôler leurs peuples. Cependant, M. Hague s’est bien gardé d’expliquer pour quelle raison les services secrets britanniques avaient espionné les communications des personnalités telles que le ministre des Finances turc ou le président russe de l’époque Dimitri Medvedev, qui ont participé à la réunion du G20 en Grande-Bretagne en 2009. Ces personnalités étaient-elles également soupçonnées de terrorisme ?

Or, sir Tim Berners-Lee, célèbre créateur britannique de « la toile d’araignée mondiale », trouve qu’une telle position des gouvernements occidentaux est absolument hypocrite. « L’Occident ne doit pas sermonner les autres régimes qui contrôlent leur population et pratiquer simultanément l’espionnage en ligne », a-t-il dit.

Il n’en demeure pas moins que malgré les témoignages de plus en plus nombreux de soutien à Edward Snowden qu’on enregistre à travers le monde, l’opinion occidentale dans sa majorité hésite à prendre sa défense. Il semblerait toutefois qu’en Europe, les gens commencent à se poser des questions sur les motivations de M. Snowden qui a fait ce qu’il a fait sans être à la solde d’un pays précis et qui, en fait, s’est sacrifié au nom de la vérité pour ouvrir les yeux de ses contemporains sur le revers du progrès technologique.

Dimitri de Kochko, politologue et journaliste français, nous a donné son avis à ce sujet.

« Comme vous pouvez vous en douter, il y a une influence assez forte des médias et des idées américaines, des officiels américains, en tout cas dans la presse française. Comme vous pouvez vous en rendre compte, ça n'a fait que se renforcer pendant ces dernières années. Donc, bien évidemment, les commentaires « anti-Snowden » en quelque sorte sont assez nombreux. Mais il n’empêche que dans l’opinion et évidemment parmi nos confrères journalistes, les avis sont beaucoup plus mitigés, c’est, vous savez, comme Julian Assange ou bien Michael Moore, qui ont considéré carrément comme un héros Edward Snowden. On peut dire qu’on lui est reconnaissant de donner des preuves de ce dont on se doutait depuis un certain temps. Les grandes oreilles de la NSA, c’est pas vraiment nouveau. Vous savez bien qu’ils écoutaient les communications téléphoniques, ils surveillaient Internet. Maintenant, ça dépend jusqu’à quel point. Evidemment, ce qu’a révélé Edward Snowden, c’est très important, on verra sous quel régime et de quelle façon on sera traité y compris en violation de la constitution américaine pour ce qui concerne les citoyens des Etats-Unis et pour ce qui est des étrangers vous le savez, parce que les Américains considèrent les étrangers comme des sujets de non droit. Mais je ne suis pas sûr qu’il s’agisse uniquement d’une farce. On verra bien jusqu’où iront les autorités américaines et de ce point de vue, je souhaite à M. Snowden d’arriver à se protéger. C’est vrai que c’est une initiative qui dans notre monde est quelque chose d’exceptionnel et qui mérite, pour tous ces différends attachés à la liberté d’expression et à la protection de la vie privée, un grand coup de chapeau. Il n’est payé par personne, c’est l’initiative d’un individu qui s’est révolté au nom même des valeurs américaines auxquelles les dirigeants américains ne croient pas une seconde, et c'est au nom de ces valeurs de protection de la vie privée, de liberté etc., qu’il a dénoncé les pratiques qui sont antidémocratiques et qui vont contre l’individu ».