Une personne sur 10 chez les 16-34 ans n’a pas obtenu un emploi à cause de son profil Facebook
Atlantico : Selon le fournisseur d’études web On device research, une personne âgée de 16 à 34 ans sur dix dans le monde s’est déjà vu recalée pour une embauche en raison du contenu visible de son compte social. Facebook, Twitter, Google+ : les réseaux sociaux peuvent-il constituer un frein à l’embauche ? Pourquoi ?
Lise Werle : Les étudiants, lorsqu’ils arrivent en école de commerce savent très bien ce que sont les réseaux sociaux, ils les utilisent quasiment tous. Pourtant, beaucoup moins maitrisent leur e-réputation. Et c’est une notion que nous essayons de leur inculquer. Être présent sur les réseaux sociaux est un choix qu’il faut assumer et pour cela, il faut en connaître toutes les conséquences.
Ce que nous leur expliquons, c’est qu’ils doivent connaître ce que Google dit d’eux, car ce sera aussi un réflexe du côté recruteur. Il faut se mettre à la place de l’autre. Dans ce cas, les réseaux sociaux ne sont pas un frein à l’embauche, mais un des éléments du dossier qu’il faut travailler, au même titre que le CV, la lettre de motivation et le mail qui les accompagne.
Les réseaux sociaux sont-ils devenus des outils de premier plan dans le processus d’embauche ?
Aujourd’hui, les réseaux sociaux professionnels (Linked in, Viadéo, …) sont indéniablement utilisés par les recruteurs, et encore ce n’est pas vrai pour tous les métiers ni pour tous les secteurs ! Il y a certains avantages à recruter avec les réseaux sociaux professionnels : sur internet, on ne peut pas mentir librement sur ses expériences, le réseau voit tout et agit comme une sorte de filtre (vos collègues, maîtres de stage, etc.).
Pour le recruteur, c’est une garantie – au minimum cela lui permet de valider les informations présentes sur le CV papier. C’est aussi souvent source d’informations complémentaires : si le candidat a de bonnes recommandations, ou s’il a d’autres centres d’intérêts, s’il tient un blog, fait des photos, … C’est une preuve supplémentaire d’une expertise particulière, d’une capacité rédactionnelle et avant tout d’une ouverture à d’autres centres d’intérêts. Aujourd’hui tous les CV se ressemblent il faut savoir se valoriser, et « marketer sa candidature ». C’est l’objectif de nos séminaires professionnels : sonder les étudiants pour qu’ils arrivent à mettre en évidence leurs forces dans leur candidatures : que ce soit sur papier, sur internet ou encore le jour de l’entretien.
C’est avant tout pour lui, un outil de sourcing incroyable, actualisé quasiment en temps réel, qui permet en plus de rentrer en contact avec les candidats.
Des petits nouveaux font d’ailleurs brillamment leur entrée dans le domaine des réseaux sociaux professionnels avec des fonctionnalités de chat encore plus poussées (Seekube par exemple). La plate-forme permet notamment l’entretien en face en face, en vidéo-conférence.
On sent aussi que la frontière entre les réseaux sociaux professionnels et les réseaux sociaux tout court est de plus en plus fine. Même si certains sont spécialisés "emploi", on peut approcher les amis de ses amis sur n’importe quel réseau online, ce qui est à la base le fonctionnement du réseau social !
Pour autant, tout le monde n’est pas concerné de la même manière. Pour un job à forte dimension digitale, il est bien évidement indispensable d’être présent sur les réseaux sociaux, le contraire serait même inquiétant ! Pour tous les autres, je pense qu’il y a un strict minimum à faire : être présent sur les réseaux sociaux professionnels et contrôler le reste. On verra plus bas comment faire …
Compte tenu du décalage entre la réalité et ce qu’on veut bien laisser paraître sur internet, dans quelle mesure les recruteurs peuvent-ils prêter foi aux écrits, photos ou contacts auxquels ils ont accès ? A partir de quand une information web devient-elle compromettante pour un candidat ?
Cela dépend du métier, du secteur et même de l’appréciation du recruteur. C’est très subjectif, cela va dépendre de notre système de valeurs et de nos limites : ce qui est pour les uns autorisé est pour d’autres inacceptable. Bien entendu, tout ce qui est de l’ordre de l’illégal est compromettant. Il faut aussi faire attention aux écrits, pour ceux qui tiennent des blogs par exemple avec des avis tranchés, engagés ou encore satyriques. Si possible dans ces cas-là, utiliser un pseudo.
Se googler régulièrement permet de voir ce que le recruteur peut voir de nous. C’est un exercice indispensable pour commencer. Là encore, il faut se mettre à la place de l’autre. Imaginez qu’un recruteur veuille vous proposer un job en or et cherche des informations sur vous : qu’est-ce que vous êtes prêt à montrer ? qu’est-ce qu’il ne doit pas voir ? Quand elle contredit le CV ou la lettre de motivation, l’information peut aussi être compromettante : cela met le doute sur votre candidature.
Et il n’y a pas que le contenu qui est compromettant, il y a aussi la manière d’approcher quelqu’un sur un réseau, le ton employé, certains étudiants peuvent être très insistants, irrespectueux ou à l’inverse se montrer peu dynamiques et soporifiques… Autrement dit, le culot ne paye pas toujours - il faut apprendre à se différencier mais positivement.
Les RH travaillent-elles à « objectiviser » le traitement de ces données, ou bien ces dernières restent-elles livrées à une appréciation subjective ?
Il faut relativiser, car un recruteur n’est pas censé recruter uniquement ce qu’il va trouver sur les réseaux sociaux. Et a priori il est habitué à creuser un peu ce qui se cache derrière la carapace du candidat.Bien sûr certaines données sont rédhibitoires, on l’a vu plus haut. Pour finir, je dirais que du point de vue recruteur, ce n’est pas évident non plus. Les réseaux sociaux, c’est un monde à part entière, dont il faut comprendre les codes. Certains ont compris que ce n’était pas un effet de mode et investissent aujourd’hui les réseaux (les professionnels et aussi les autres), avec des liens vers leurs pages entreprises, des modérateurs qui animent les communautés sur les différents réseaux, …
C’est le défi de demain, comment professionnaliser les réseaux sociaux comme outil de sourcing pour les recruteurs.
Constate-t-on des dérives du côté des recruteurs ? Si oui, comment lutter contre ?
Il y en a comme partout : certains se servent des informations trouvées sur internet pour faire de la discrimination, mais là encore, heureusement, ce n’est pas la majorité. Il n’y a pas vraiment de dérive, mais comme nous l’avons dit plus haut, les réseaux sociaux, ce ne sont pas de simples outils, c’est un monde à part et il faut apprendre aux uns et aux autres à tirer le meilleur, à l’apprivoiser. Nous travaillons régulièrement avec les consultants de Link Humans, qui est une agence spécialisée dans le conseil en recrutement innovant. Les entreprises comme les étudiants sont très demandeurs de conseils et c’est une excellente nouvelle pour tout le monde.
C’est avant tout une question de fonctionnement et de génération. Nous avons affaire à une génération de plus en plus connectée, pour qui l’équilibre vie perso/travail est indispensable, pour qui le savoir n’est plus une source de différenciation puisque tout est accessible en permanence sur internet, et surtout pour qui le diplôme n’est plus un argument suffisant !
Chacun doit essayer de comprendre le fonctionnement de l’autre. Quant aux candidats, nous répétons toujours le même refrain : il faut se différencier les uns des autres tout en respectant sa personnalité ; mais il faut avoir l’intelligence de la situation : celle qui nous permet de nous adapter aux codes de l’autre.
Quels conseils donner aux personnes postulant pour un emploi et qui possèdent un ou plusieurs comptes sur ces réseaux sociaux ? Une relative "paranoïa" s’impose-t-elle en la matière ? Celle-ci pourrait-elle par ailleurs avoir la vertu de rendre les utilisateurs plus prudents dans la manière dont ils gèrent l’exposition de leur vie privée ?
Maitriser ce qui se dit de nous est impossible, soyons honnête. Mais il en est de même dans la « vraie » vie, nous ne pouvons pas contrôler totalement notre réputation.
Pourtant il y a des choses simples que chacun peut faire : comprendre la différence entre les réseaux sociaux (amis et connaissances privées) avec les réseaux sociaux professionnels. On ne se comporte pas de la même manière sur les deux. Dans les premiers, il faut limiter la visibilité aux amis seulement et absolument aller regarder toutes les options des paramètres de confidentialité pour comprendre comment ça se passe. Si vraiment vous ne voulez pas être vus, utilisez un pseudo !
Ensuite, avant de poster un contenu, un statut ou encore une photo, prendre conscience que potentiellement cela pourra arriver dans les mains d’un recruteur. Si c’est ok, alors allez-y !
Troisièmement, se googler !! S’il existe des sites, blogs ou l’information n’est pas très avantageuse, il est possible de contacter les modérateurs pour essayer de faire retirer l’information (c’est le cas par exemple sur les forums, on a tendance à y poser des questions sans se soucier de son nom de profil qui va permettre à quiconque de nous retrouver – au passage, on ne poste jamais sur les forums avec son nom réel, mais avec un pseudo !!)
Et enfin, quatrièmement, si l’information n’est pas contrôlable, il reste la possibilité de créer des comptes sur les principaux réseaux sociaux professionnels ou non, afin de maitriser au moins les 10 premiers résultats sur les moteurs de recherche. Un recruteur va rarement au-delà…
A vous de jouer : Viadéo, Linkedin, Seecube, Facebook, Twitter, Flickr, Google+, Instagram, Pinterest, Dailymotion, Youtube… Et là c’est incroyable, c’est le réseau social qui vous sauve.
- Source : Atlantico