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Vous ne le saviez pas : parler à Manuel Valls est un délit...

Auteur : Isabelle Surply via Boulevard Voltaire | Editeur : Stanislas | Vendredi, 17 Mai 2013 - 17h12

« Rendez-vous à Part-Dieu, voie B, voiture 7 ou 8 au train de 18 h 34 ! » D’où vient l’info, ça, personne ne le sait, mais en avant !

Dans la gare, les superflics en carapaces poussent comme des champignons et tentent de nous intimider, mais nous sommes partout… dispersés au maximum. J’emprunte les escaliers qui mènent voie B. Mon cœur bat à toute allure. Sur le quai, tout a l’air calme, quelques voyageurs, quelques sérieux costumes-cravates…

Soudain, des bruits de bottes qui claquent sur le sol : la BAC, les CRS et toute la cavalerie montent les marches quatre à quatre pour envahir le quai à leur tour… J’entends une « vieille connaissance » vociférer : « Attendez les gars, à force, je commence à les reconnaître ! » Je rentre la tête dans mon écharpe.

On interpelle mon voisin de droite : « Monsieur, avez-vous un titre de transport ? » Top départ, c’est parti pour la chasse aux délinquants ! La tension monte, on sent un peu de panique due à l’étroitesse des lieux…

Dans les escaliers, une silhouette se retourne, l’air inquiet : Christiane Taubira ! Je profite de la confusion. Je pousse une huée rauque et tonitruante aussitôt suivie par mes camarades. Ni une ni deux, c’est parti pour un peu de sport ! Mon corps tout entier est tiré par l’arrière. Ça pousse dans tous les sens !

« Ça suffit ! Venez par ici, madame ! » Ça bouscule, ça scande, ça crie. Les gones sont transformés en véritables lions ! Brusquement, je m’arrête. En face de moi : Manuel Valls ! Stupeur. Je me dégage de mon tuteur imposé, me redresse et d’une voix nette et épaisse comme jamais, je lui lance : « Monsieur Valls, écoutez-nous ! » Il s’arrête, me regarde et m’écoute. « Un million et demi de personnes dans la rue et personne ne fait rien ? Vous nous méprisez ? C’est un scandale ! Déni de démocratie ! » Je le hue à nouveau à m’en faire claquer les veines du cou.

Droit dans les yeux, le ministre de l’Intérieur soupire : « Allons, madame, ça fait bien trop longtemps que l’on vous écoute ! » Je continue, telle une mère parlant à son fils unique filant un mauvais coton : « C’est pas bien, ce que vous faites, monsieur le Ministre, c’est pas joli, méfiez-vous, le peuple de France est en colère, méf… »

Je ne peux pas finir ma phrase puisqu’une paire de bras musclés m’entraîne en rouspétant : « Ouais, ouais, venez avec moi, là où on va aussi y a plein de vitrines, vous allez voir, vous et moi on a un petit voyage à faire. Vous allez moins rigoler ! » Quoi ? J’ai parlé à Manuel Valls, la belle affaire ! C’est un délit ?

Parqués comme des animaux, nous sommes une cinquantaine maintenant, encerclés à l’extérieur de la gare, à droite de l’entrée. Les copains ne cessent d’affluer pour nous soutenir.

Pour dénoncer le ridicule de la police, je propose d’entamer un « fermier dans son pré ». Il est 18 h 45. La situation est ridicule, absurde. Ils relèveront seulement nos identités, s’imaginent qu’on va leur donner notre vrai numéro de téléphone, fouillent certains et pas d’autres : les voyageurs alentour sont ébahis.

Relâchés bien plus tard, nous chahutons nos geôliers. C’est sûr, il est bien plus facile de nous attraper que d’arrêter ceux qui saccagent les Champs-Élysées… Et bientôt, je sens que ça va être de notre faute, tout ça…


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