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Mercredi, 18 Déc. 2024

La défaite de l’Ukraine se précise par Thierry Meyssan

Auteur : Thierry Meyssan | Editeur : Walt | Mercredi, 15 Févr. 2023 - 21h08

C’est un secret de polichinelle : le gouvernement de Kiyv est en train de perdre militairement face à l’armée russe. Celle-ci avance sans se presser et construit la défense des régions qui ont rejoint Moscou par référendum. Mais cette réalité inexorable en cache d’autres. Par exemple, le fait que la Türkiyé, toujours membre de l’Otan, soutient la Russie et lui fournit des pièces détachées pour son armée. Non seulement l’Alliance atlantique perd, mais elle se fissure.

L’avenir de l’Ukraine se précise. Les combats opposent d’un côté le gouvernement de Kyiv qui refuse d’honorer sa signature des Accords de Minsk et, de l’autre, la Russie qui entend faire respecter la résolution 2202 du Conseil de sécurité, entérinant les dits Accords. D’un côté, un État qui refuse le Droit international et est soutenu par les Occidentaux, de l’autre un autre État qui refuse les règles occidentales et est soutenu par la Chine et la Türkiye.

Comment le président Volodymyr Zelensky, élu pour appliquer les Accords de Minsk, a-t-il pu se transformer en « nationaliste intégral » [1], prendre le parti de fanatiques, héritiers des pires criminels du XX° siècle ? C’est un mystère. L’hypothèse la plus probable est financière, M. Zelensky étant connu depuis la publication des Paradise Papers pour ses comptes off-shores et ses propriétés en Angleterre et en Italie. Au demeurant, Volodymyr Zelensky n’a pas grand rapport avec ses « nationalistes intégraux ». C’est un couard. Au début de la guerre, il est resté plusieurs semaines, planqué dans un bunker, probablement hors de Kiyv. Il n’est sorti qu’après que le Premier ministre israélien, Nafatali Bennett l’ait assuré que le président Vladimir Poutine lui avait promis qu’il ne tuerait pas le président ukrainien [2]. Depuis, il fait le matamore par vidéo dans tous les sommets politiques et festivals artistiques occidentaux.

Comment la Türkiye, alliée des Occidentaux au sein de l’Otan, s’est-elle impliquée du côté russe ? C’est plus facile à comprendre pour ceux qui ont suivi les tentatives d’assassinat du président Recep Tayyip Erdo?an par la CIA. Au départ Erdo?an était un voyou de rue. Puis, il s’est investi dans une milice islamique qui l’a conduit à se rapprocher aussi bien des insurgés afghans que des jihadistes russes d’Itchkérie, ce n’est qu’après ce parcours qu’il est entré en politique, au sens classique du terme. Durant sa période de soutien aux groupes musulmans anti-russes, il était un agent de la CIA. Comme beaucoup, lorsqu’il est parvenu au pouvoir, il a considéré les choses différemment. Il s’est progressivement détaché de Langley et a voulu servir son peuple. Cependant son évolution personnelle s’est déroulée alors que son propre pays changeait plusieurs fois de stratégie. La Türkiye n’a toujours pas digéré la chute de l’Empire ottoman. Elle s’est essayée à plusieurs stratégies successivement. Depuis 1987, elle est candidate à l’Union européenne. En 2009, avec Ahmet Davuto?lu, elle a pensé rétablir son influence ottomane. De fil en aiguille, elle a imaginé réunir cet objectif national et le parcours personnel de son président pour devenir la patrie des Frères musulmans et rétablir le Califat, abrogé par Mustafa Kemal Atatürk en 1924. Mais la chute de l’Émirat islamique, l’oblige à abandonner ce projet. La Türkiye se tourne alors vers les peuples turcophones, elle hésite à englober les Ouïghours et finalement choisit les peuples ethniquement turcs. Quoi qu’il en soit, dans cette quête, elle n’a plus besoin ni des Européens, ni des États-Unis, mais de la Russie et de la Chine. Après sa victoire contre l’Arménie, elle créé l’« Organisation des États turcs » (le Kazakhstan, le Kirghizistan, la Turquie et l’Ouzbékistan. En outre, la Hongrie et le Turkménistan y ont le statut d’observateur).

Aujourd’hui, selon le Wall Street Journal, 15 sociétés turques exportent chaque mois pour 18,5 millions de dollars de matériels achetés aux États-Unis vers une dizaine de sociétés russes faisant l’objet de mesures coercitives unilatérales illégales US (présentées comme des « sanctions » par la propagande atlantiste) [3]. Le sous-secrétaire US au Trésor chargé du Terrorisme et du Renseignement financier, Brian Nelson, s’est rendu en vain à Ankara pour contraindre la Türkiye de respecter les règles occidentales. Ankara continue à soutenir secrètement l’armée russe.

Lorsque l’émissaire états-unien a fait remarquer que la Türkiye était sur la mauvaise pente en se plaçant du côté du vaincu russe, ses interlocuteurs lui ont présenté les vrais chiffres de la guerre en Ukraine, établis par le Mossad et publiés par Hürseda Haber [4]. Sur le terrain, le rapport de forces est de 1 à 8 au bénéfice de la Russie. Il y a 18 480 morts côté russe, contre 157 000 côté ukrainien. Comme dans le conte d’Andersen, le roi était nu.

La Türkiye bloque aujourd’hui l’adhésion de la Suède à l’Otan. Ce faisant, elle bloque aussi celle de la Finlande qui avait été présentée dans le même dossier. Si l’on admet les informations du Wall Street Journal, il ne s’agit pas d’un hasard. Certes Ankara avait obtenu l’engagement de ces deux pays à extrader les chefs du PKK et du mouvement de Fethullah Gülen ; engagement qu’ils n’ont pas tenu. Mais il ne pouvait pas en être autrement dans la mesure où, depuis l’emprisonnement de son chef, Abdullah Öcallan, le PKK est devenu un outil de la CIA et qu’il se bat aujourd’hui sous les ordres de l’Otan, lui qui jadis était allié des Soviétiques. [5] Quant à Fethullah Gülen, il vit aux États-Unis sous la protection de la CIA. Il a joué un rôle central dans la tentative d’assassinat du président turc, le 15 juillet 2016, et dans celle de coup d’État qui suivit.

La Türkiye soutient donc aujourd’hui la Russie au même titre que la Chine : elle lui fournit des pièces détachées pour son industrie de Défense et n’hésite pas à lui réexpédier du matériel de fabrication états-unienne. Mais alors que la Croatie et la Hongrie, autres membres de l’Otan, n’hésitent pas à dire publiquement que le soutien de l’Alliance à l’Ukraine est une stupidité, sans pour autant la quitter, Ankara feint d’être pleinement atlantiste.

Le tremblement de terre qui vient de secouer la Türkiye et la Syrie n’a pas les caractéristiques des tremblements observés jusqu’ici, partout dans le monde. Le fait qu’une dizaine d’ambassadeurs occidentaux aient quitté Ankara dans les cinq jours précédant le séisme et que, dans la même période, leurs pays aient émis des conseils de ne pas se rendre en Türkiye semble indiquer que les Occidentaux savaient à l’avance ce qui allait avoir lieu. Les États-Unis disposent de moyens techniques pour provoquer des tremblements de terre. Ils s’étaient engagés, en 1976, à ne jamais y recourir. La sénatrice roumaine Diana Ivanovici ?o?oac? affirme qu’ils ont violé leur signature de la « Convention sur l’interdiction d’utiliser des techniques de modification de l’environnement à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles » et ont provoqué ce séisme [6]. Le président Recep Tayyip Erdo?an a demandé à ses services de Renseignement (M?T) d’étudier ce qui n’est aujourd’hui qu’une hypothèse. Dans le cas d’une réponse positive, il faudrait admettre que Washington, conscient qu’il n’est plus ni la première puissance économique mondiale, ni la première puissance militaire mondiale, détruit ses alliés avant de mourir.

Contrairement aux messages dont l’Occident est abreuvé, non seulement sur le terrain, l’Ukraine perd, mais l’Otan est remise en cause de l’intérieur par au moins trois de ses membres.

Dans ces conditions, comment expliquer que les États-Unis continuent à envoyer des armes sur le champ de bataille et à exiger de leurs alliés qu’ils en envoient en masse ? Force est de constater qu’une majorité de ces armes ne sont pas modernes, mais datent de la Guerre Froide et sont généralement soviétiques. Inutile de gâcher des armement des années 2000 sachant qu’ils seront détruits parce que la Russie dispose d’armes plus modernes que celles de l’Occident. Par ailleurs, il peut être intéressant pour diverses armées de tester des armes de dernière génération dans un combat de haute intensité. Dans ce cas, les Occidentaux n’envoient que quelques spécimens de ces armes et surtout pas plus.

En outre, si les unités « nationalistes intégrales » ukrainiennes reçoivent des armes occidentales, les conscrits n’en ont pas. Le différentiel, probablement les deux tiers, est conservé en Albanie et au Kosovo ou envoyé au Sahel. Il y a trois mois, le président nigérian, Muhammadu Buhari, au sommet de la Commission du bassin du lac Tchad (CBLT) a dénoncé l’arrivée de ces armes dans les mains de l’État islamique [7]. Devant les exclamations de surprise et d’indignation des parlementaires US, le Pentagone a créé un commission chargée d’effectuer un suivi des livraisons. Elle n’a, à aucun moment, rendu compte de ses activités et des détournements qu’elle aurait constatés.

Il y a deux semaines, l’inspecteur général du Pentagone s’est rendu en Ukraine, officiellement pour faire toute la lumière sur ces détournements. Dans un article précédent, j’ai montré qu’il était surtout venu là-bas pour effacer avec succès les traces des affaires de Hunter Biden [8]. Le ministre de la Défense ukrainien, Oleksiy Reznikov, avait annoncé qu’il allait démissionner instamment avec plusieurs membres de son administration. Il n’en est toujours rien.

Autre question : pourquoi l’Allemagne, la France et les Pays-Bas, copropriétaires des gazoducs Nord Stream ne protestent pas après le sabotage dont ils ont été victimes, le 26 septembre 2022 ? Et pourquoi ils ne réagissent pas aux révélations de Seymour Hersch sur la responsabilité états-uno-norvégienne ? [9]

Certes, le porte-parole des nationalistes d’Alternative pour l’Allemagne a demandé la création d’une commission d’enquête au Bundestag sur ce sabotage, mais la grande majorité des responsables politiques de ces trois pays se font discrets : leur pire ennemi est leur allié !

Au contraire, ils se sont flattés de recevoir le président Volodymyr Zelensky à Bruxelles. Mais celui-ci s’était préalablement rendu à Washington et à Londres, les deux capitales qui comptent, avant de venir s’adresser à celles qui paient.

Photo d'illustration: Le président Zelensky, qui se moquait de la manière dont les Ukrainiens venaient mendier à Bruxelles lorsqu’il était humoriste, est venu mendier à Bruxelles étant président.

Notes:

[1] « Qui sont les nationalistes intégraux ukrainiens ? », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 15 novembre 2022.

[2] « Bennett : Putin assured me at Moscow meeting he wouldn’t kill Zelensky », The Times of Israël, February 5, 2023.

[3] « Russia’s Ukraine War Effort Fueled by Turkish Exports », Jared Malsin, Wall Street Journal, February 3, 2023.

[4] « ?ddia : MOSSAD’a göre Ukrayna ve Rusya kay?plar? », 25 Ocak 2023.

[5] « Général Ba?bu? : les USA dirigent le PKK depuis l’emprisonnement d’Öcallan », Réseau Voltaire, 13 mars 2018.

[6] « Selon la sénatrice Diana Ivanovici ?o?oac?, les USA ont provoqué le séisme en Turquie et en Syrie », Réseau Voltaire, 13 février 2023.

[7] « Muhammadu Buhari met en garde contre le flux d’armes de la guerre russo-ukrainienne en Afrique », Actu Niger, 30 novembre 2022.

[8] « L’affaire Hunter Biden / Ihor Kolomoïsky », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 7 février 2023.

[9] « Comment l’Amérique a détruit Nord Stream », par Seymour M. Hersh, Réseau Voltaire, 11 février 2023.

***

Le front ukrainien est-il sur le point de s’effondrer ?

Une évolution majeure, mais lente, semble être en cours du côté ukrainien de la ligne de front. Depuis des mois, la seule raison pour laquelle les Ukrainiens ont pu tenir tête aux Russes est que leur accès, via l’Internet mobile, aux données satellitaires et aux informations analytiques de l’OTAN a permis à leurs systèmes d’artillerie et de roquettes de cibler précisément le matériel et les troupes russes. Cela a obligé les Russes à agir rapidement : ils se mettent en position, tirent une salve sur une cible ukrainienne et s’éloignent avant que cette position ne puisse être visée.

L’alimentation en données est assurée par les terminaux Internet par satellite Starlink d’Elon Musk, au nombre de 20 000, répartis sur l’ensemble de la ligne de front de 1000 km. Comme cela arrive souvent, et comme je l’ai souligné dans mon livre de 2017, Shrinking the Technosphere, la forme la plus efficace et la plus rentable de technologie est souvent la contre-technologie : des dispositifs bon marché mais efficaces qui transforment une technologie avancée très coûteuse en un tas de ferraille inutile. C’est précisément ce qui se passe actuellement grâce aux efforts de brillants jeunes ingénieurs et scientifiques russes travaillant à l’usine militaire de Sestroretsk.

Ils ont réussi quelque chose que les concepteurs américains des terminaux Starlink pensaient impossible. Leur nouveau système monté sur camion, Borschevik, est capable de localiser les terminaux Starlink actifs dans un secteur de 180° et dans un rayon de 10 km avec une précision de 5m. Il s’agit d’un système passif, ce qui signifie qu’il ne peut pas être découvert à l’aide du signal qu’il envoie, car il n’en envoie pas. Le camion est une petite cible mobile et le système fait son travail en deux minutes s’il est stationnaire et en 15 minutes s’il se déplace d’un point à l’autre, en ciblant un maximum de 64 terminaux Starlink à la fois. Les informations de ciblage sont ensuite transmises automatiquement aux batteries d’artillerie et de missiles. 

Jusqu’à présent, les résultats ont été très positifs : Borshchevik a pu localiser non seulement des emplacements d’artillerie soigneusement camouflés, mais aussi des rassemblements de mercenaires étrangers (qui sont, sans aucun doute, accros à Internet) et des détachements d’infanterie ukrainienne (qui ne peuvent pas se battre sans que l’OTAN leur dise où aller et dans quelle direction diriger leurs tirs). Ces positions ont ensuite été aplaties à l’aide de systèmes de roquettes à lancements multiples ou de systèmes de missiles guidés tels que le Krasnopol.

Avec l’aide de Borschevik, la tactique russe va changer. Alors que jusqu’à présent, ils devaient « tirer et filer » pour éviter les tirs de riposte, ils pourront désormais commencer par détruire tous les terminaux Starlink de la zone, puis se rendre sur la ligne de front avec des camions remplis de munitions et continuer à tirer jusqu’à ce que plus rien ne bouge du côté ukrainien, et seulement ensuite avancer avec l’infanterie, nettoyer et établir de nouvelles positions. Sans Starlink, les troupes ukrainiennes resteront simplement assises à attendre les ordres de l’OTAN, ne sachant pas où aller ni où tirer et espérant avoir une chance de se rendre. Une fois qu’un nombre suffisant de camions équipés de Borschevik seront en place tout au long du front, les Ukrainiens n’auront d’autre choix que de laisser leurs terminaux Starlink éteints la plupart du temps et de les allumer périodiquement pour recevoir de nouveaux ordres, bien qu’il puisse alors être trop tard pour les exécuter ou qu’ils puissent être pris pour cible et détruits avant d’avoir pu le faire.

C’est le talon d’Achille du plan américain qui consiste à attaquer la Russie en utilisant une armée par procuration composée essentiellement de marionnettes télécommandées, et les Russes l’ont découvert et ont trouvé un moyen de l’exploiter : couper ses communications avec l’OTAN, et c’est pratiquement terminé. Regardons !

Dmitry Orlov

source Club Orlov

Traduit par Hervé, relu par Wayan, pour Le Saker Francophone


- Source : Réseau Voltaire

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