Elections, piège à cons ?
Dans ce court texte, Michel Onfray nous dit ce que sont les élections : un piège à cons. Mais les élections, c’est bien pire que cela. C’est une mise en scène dans laquelle chaque électeur devient un gladiateur avec, comme arme, son bulletin de vote qui, lui dit-on, a le pouvoir d’imposer ses idées aux autres. Regroupés en clans autour d’un candidat, qui n’est qu’un totem dans leur démarche guerrière, ils se battront, croient-ils, jusqu’à leur victoire ou leur défaite, car l’enjeu n’est pas ce qui se passera ensuite, mais juste de gagner. Gagner quoi ? Aucun électeur ne pourra jamais le dire, mais le même spectacle recommencera à chaque élection. (RI)
Aujourd’hui on se moque bien des avis de la base. A rebours de ce qu’elle prétend, la classe politique ne l’entend ni ne l’écoute, mais tâche par ses consultations de lui donner l’illusion qu’elle escompte. En fait, on la néglige, on la méprise et, en plus, on lui demande le silence. Les élections sont désormais une farce qui singe l’idéal démocratique, elles laissent croire à la vérité d’un mécanisme pourtant cassé depuis longtemps. Elles sont des parodies qui se servent des grands mots – Démocratie, Peuple, Nation, République, Souveraineté -, mais qui cachent mal le cynisme des gouvernants : il s’agit pour eux d’installer et de maintenir en place une tyrannie soft qui produit un homme unidimensionnel – le consommateur abruti et aliéné – comme jamais aucune dictature n’a réussi à en produire…
Piège à cons, ces élections le sont car on sait bien avant les résultats que l’on aura bientôt un président libéral. Peu importe qu’il provienne de la droite ou de la gauche : le libéralisme est toujours de droite. Quid, donc, des leçons de ces élections ? L’abstentionnisme considérable, le mépris des votes blancs ou nuls (soit, avec ces deux options, la moitié des électeurs…) ; la profusion de petits candidats protestataires, l’indigence de la plupart de leurs programmes; la démobilisation du second tour à cause du mépris pur et simple des désirs émis au premier, le désintérêt lorsqu’il ne reste plus qu’à choisir entre la peste et le choléra – voilà l’étendue des dégâts.
Une fois le président élu, les hommes de parti, droite et gauche confondues, replieront dans leurs bagages de magicien cette machinerie électorale coûteuse, démagogique, méprisable et méprisante, ce théâtre qui absorbe l’énergie médiatique, intellectuelle, culturelle, politique pendant des mois et des mois. Une fois dégrisés, il nous restera à découvrir les conséquences de ces parodies électorales : l’impuissance des gouvernants crispés sur la seule gestion libérale du politique générera comme convenu les violences urbaines, les manifestations dans les rues, les revendications catégorielles, elle créera un boulevard pour les démagogues à même de cristalliser ces désespoirs. Situation idéale pour fomenter des guerres civiles ou des régimes autoritaires. »
- Source : Michel Onfray