De la diplomatie préventive aux guerres préventives ?
Poutine résiste au tordage de bras. Les sanctions et les menaces ne l’ébranlent pas
QUOI FAIRE POUR SE L’ASSERVIR?
Depuis le cas de l’intervention militaire préventive contre l’IRAK, supposément détenteur d’armes de destruction massive, les attaques de l’OTAN et de WASHINGTON se font de plus en plus sur la base de guerres préventives. Pour en savoir plus sur ce passage de la diplomatie préventive à la guerre préventive, je vous renvoie à ce bref article qui en fait un bon résumé, en voici un extrait :
« En ce début de XXIe siècle, le discours ne concerne plus l’utilité de la diplomatie préventive, il prône sa négation. Bien que face à des conflits potentiels le terme de prévention soit encore évoqué, il ne s’agit plus d’une prévention politique développée par la voie diplomatique : il s’agit d’une prévention par la force. Les armes veulent prendre la place de la diplomatie. Pour empêcher l’ennemi de déclencher une guerre, il faut lui faire la guerre. La diplomatie préventive a tendance à être remplacée par la guerre préventive. »
Cette approche ne fait que remettre en relief la suprématie des intérêts des forces dominantes sur ceux des pays qui leur sont opposés. La diplomatie préventive de ces puissances consiste à convaincre leurs opposants par de multiples procédés d’influence, allant de la corruption des dirigeants au tordage de bras dont Obama nous a récemment parlé. Si ces moyens ne donnent pas les résultats escomptés auprès de ces gouvernements récalcitrants aux menaces, ils sont alors considérés comme étant de mauvaise foi et provocateurs de guerre. C’est ainsi que la diplomatie préventive sert, dans un premier temps, à démontrer la mauvaise foi de ces dirigeants, dictateurs et irresponsables, et, dans un second temps, à ouvrir la voie à une guerre préventive contre ces délinquants dangereux. Il va de soi que le tout sera présenté sous les dehors d’une intervention humanitaire au service des libertés fondamentales, des droits humains et de la sécurité dans le monde.
Ce mode d’emploi a donné, à ce jour, d’assez bons résultats auprès des populations de l’Occident chrétien qui y voit une sorte de main divine qui assure leur sécurité et la sauvegarde des grandes valeurs humaines de liberté, de bien-être, de sécurité et de paix. Ces résultats seront d’autant plus élevés que ces adversaires insoumis, prétentieux et dominants seront diabolisés, noircis au point d’en souhaiter leur disparition de la surface de la Terre. Les médias meanstream, préparés à cette fin, sauront étayer l’horreur que suscitent ces personnages et les graves dangers qu’ils représentent tant pour leur population que pour la sécurité nationale des principaux pays de l’Occident. Le cas tout récent du Venezuela en est un exemple éclatant. Par un décret spécial, le président Obama en a fait une menace sérieuse pour la sécurité nationale des États-Unis. Ce fut le cas pour Saddam Hussein en Irak, pour Mohamed Kadhafi en Libye comme c’est actuellement le cas pour Al Assad de Syrie et, maintenant, nous en arrivons à Poutine, le plus coriace de tous.
L’histoire récente de ces interventions de l’Occident nous révèle les dessous des politiques et actions de Washington et de l’OTAN. Mensonges, manipulation de l’information, corruption, mercenaires, autant de moyens mis à contribution pour que ces interventions qui sont de véritables interventions de conquêtes et de domination soient perçues comme d’authentiques interventions humanitaires au service des droits humains les plus fondamentaux. Les mots en perdent même leur sens : les bombardements de population civile deviennent des bombardements humanitaires, les gouvernements mis en place par les conquérants deviennent des démocraties, les mercenaires deviennent les opposants au régime et les terroristes « modérés » deviennent des combattants courageux.
Derrière toutes ces mises en scène, il y a l’Empire et à la tête de ce dernier, il y a les potentats de la finance, des armements, de la gouvernance mondiale, représentés par des hommes et des femmes politiques qui gèrent les États en respectant à la lettre leurs consignes et intérêts. Ces derniers donnent aux potentats un visage humain, à l’Empire qu’ils représentent l’image de la démocratie et à l’asservissement des peuples, l’image de la liberté.
Aujourd’hui, le défi à relever monte de cran. La gouvernance mondiale se retrouve confrontée à une gouvernance multipolaire et multicentrique. Cette dernière ne laisse guère de place à une gouvernance mondiale, imposée par ces puissants dont le rêve est de dominer le monde. Ce choix est au cœur de la guerre préventive qui est en pleine préparation. Dans ce contexte, l’adversaire à abattre est celui qui se trouve en toute première ligne de cette gouvernance multipolaire, Vladimir Poutine, secondé et soutenu par les pays du BRICS et de nombreux autres pays, tant de l’Amérique latine, d’Afrique que d’Asie.
Une confrontation qui va au-delà des personnages en cause. Deux visions de la gouvernance du monde, celle du G-7 qui représente environ 660 millions de populations et le G-5 qui représente plus de 3 milliards de populations, soient un peu moins de cinq fois celles du G-7. On prévoit que dans deux ou trois ans le PIB des pays du G-5 dépassera celui du G-7.
« « « En 2014, le produit intérieur brut cumulé des pays du groupe BRICS a atteint 30%. Ce chiffre est pour le moment moins élevé que celui totalisé par le G7, mais la différence constitue 7% à 8%. Selon le Fonds monétaire international (FMI), le PIB global du BRICS s’élève à 32.500 milliards de dollars et celui du G7 à 34.700 milliards de dollars », a déclaré M. Pouchkov aux journalistes lors du premier forum interparlementaire des pays du groupe BRICS à Moscou ».
C’est dire que les enjeux sont fondamentaux et touchent directement l’avenir de la gouvernance mondiale telle que conçue par l’Empire et ses alliés.
La stratégie est donc mise en place pour que ce Poutine devienne aux yeux de l’Occident une véritable menace pour sa sécurité. La guerre en Ukraine, créée de toutes pièces par l’Occident, donne le prétexte pour entrainer et y incriminer le président de Russie. On en a fait l’auteur intellectuel de l’écrasement de l’avion malaisien MH17, abattu en juillet dernier au-dessus du Donbass, dans le sud-est de l’Ukraine. On en fait également le responsable de la guerre interne entre le nouveau gouvernement fantoche de Kiev et les populations prorusses du Donbass qui ont voté en faveur de leur indépendance, tout en souhaitant, comme le demandent les accords de Minsk, que soit élaboré une nouvelle constitution, reconnaissant leur spécificité nationale et leurs droits à l’auto détermination.
Les accords de Minsk qui furent signés par les parties en litige n’ont été que des moments de relâche pour permettre au gouvernement de Kiev de se réarmer avec l’aide de l’Occident pour mieux attaquer l’adversaire. Pendant ce temps, Washington envoie ses soldats faire de la formation et des armes pour frapper plus fort.
Dans les autres pays de l’ex-URSS, le message est que Poutine peut intervenir à tout moment, mettant ainsi en danger la sécurité des populations et des pays concernés, d’où l’augmentation des armes de toute nature aux frontières de la Russie. Tout est présenté comme si Poutine était devenue une menace pour l’Europe et le monde.
Lors du tout récent G7, Donald Tusk, du Conseil européen, déclarait à la presse :
«Chacun de nous préférerait que la Russie soit présente à la table du G7. Mais notre groupe n’est pas qu’un regroupement d’intérêts économiques et politiques, c’est d’abord une communauté de valeurs et c’est pourquoi la Russie n’est pas parmi nous ici aujourd’hui, a expliqué Donald Tusk en ajoutant que la Russie ne serait pas réintégrée au sein de ce cercle des puissances mondiales, “tant qu’elle se comporte de façon agressive vis-à-vis de l’Ukraine et d’autres pays”
Il est intéressant de relever ici l’expression “se comporte de façon agressive” comme si tout devenait possible avec cet homme imprévisible, suggérant ainsi des attaques-surprises.
Obama et Merkel en font tout autant en faisant peser sur Poutine toute la responsabilité du conflit en Ukraine.
« Nos partenaires européens ont réaffirmé qu’ils maintiendraient les sanctions sectorielles contre la Russie jusqu’à ce que les accords de Minsk soient pleinement mis en œuvre. Cela signifie que les sanctions en vigueur seront étendues au-delà de juillet 2015, a déclaré Barack Obama.
À ce sujet, voici la réaction de Poutine dont je me permets de relever plusieurs extraits. C’est même la lecture de cet article qui m’a conduit à écrire celui-ci. Je vous invite à le lire dans son intégralité.
“Je crois que seul un fou, et seulement dans un rêve, peut imaginer que la Russie attaque soudainement l’OTAN. Il me semble que certains pays tirent simplement profit des craintes des gens par rapport à la Russie. Ils veulent juste jouer le rôle de pays aux avant-postes qui devraient recevoir certains équipements militaires supplémentaires, des aides économiques, financières autres.”
Vladimir Poutine a invité les journalistes à comparer le déploiement militaire global des forces russes et celui des Etats-Unis/OTAN, de même que leur niveau respectif de dépenses militaires. Il les a aussi encouragés à observer les mesures prises concernant le Traité antimissile ABM (Anti-Balistic Missile) depuis que l’Union soviétique s’est effondrée.
Il est révélateur de noter que ce sont les États-Unis qui ont choisi de se retirer du Traité ABM limitant les arsenaux de missiles antimissiles balistiques, qui d’après Vladimir Poutine était “la pierre angulaire de tout le système de sécurité internationale”. Et à propos de cette décision américaine, le chef de l’État russe a fait la réflexion suivante : “Quelqu’un s’attendait-il à ce que la Russie désarme unilatéralement?”
“Tout ce que nous faisons n’est qu’une réponse aux menaces qui émergent contre nous. D’ailleurs, ce que nous faisons est limité quant à l’échelle et à la portée, mais cela reste quand même suffisant pour assurer la sécurité de la Russie”,
Il s’agit, pour l’essentiel, d’une réponse à cette campagne de dénigrement voulant le faire passer pour un président guerrier, nourri de l’ambition de dominer le monde en se soumettant l’Occident.
Je termine sur ces propos de l’ex-président des États-Unis, Jimmy Carter, tenus en 2002, lors de la remise du Prix Nobel de la paix.
“Nous devons nous rappeler aujourd’hui qu’il y a au moins huit puissances nucléaires sur Terre et que trois d’entre elles menacent leurs voisins dans des régions où les tensions internationales sont grandes. Dans le cas des pays puissants, adhérer au principe de guerre préventive pourrait bien créer un précédent qui peut avoir des conséquences catastrophiques.”
- Source : Oscar Fortin