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Loi sur le renseignement, une sorte d’état d’urgence permanent en France

Auteur : René Naba | Editeur : Walt | Jeudi, 02 Avr. 2015 - 10h50

Le projet de « Loi sur le Renseignement », que le pouvoir avait promis dans la foulée du carnage de « Charlie Hebdo », le 7 janvier 2015, devrait être déféré devant la commission des lois de l’Assemblée nationale française, le 1 er avril, sans qu’il ait été possible de savoir si, dans sa hâte, le gouvernement socialiste ne s’est pas rendu compte de l’ironie représentée par la fixation au 1 er avril de l’examen de ce projet de loi controversé, correspondant au traditionnel « Poisson d’avril » ou s’il avait intentionnellement fixé cette date en guise d’un pied de nez à ses détracteurs qui assimilent ce dispositif au « Patriot act » américain.

Point culminant d’un processus psychologique, à soubassement médiatique, visant à la construction du schéma de l’« ennemi intérieur » selon le modèle du plan Condor de sinistre mémoire en Amérique Latine, cette loi liberticide vise, dans l’ordre subliminal, à stigmatiser le « jeune musulman banlieusard »; une stigmatisation confortée par les dérives des paumés de l’Islam, à l’instar de Mohamad Merah, Mhedi Nemmouche, les Frères Kouachi ou Amedy Coulibaly.

Terme ultime d’un processus amorcé avec l’adoption du Plan Vigipirate consécutif aux émeutes péri-urbaines de France, en 2005, et la réintégration de la France au commandement intégré de l’OTAN, en 2008, -deux mesures prises par Nicolas Sarkozy, la première en tant que ministre de l’intérieur, la seconde en sa qualité de Président de la république-, la Loi sur le renseignement va placer la France en une sorte d’état d’urgence permanent et tendre à rapprocher le pays du schéma américain. Bien que le pouvoir s’en défende, la France, vaille que vaille, s’achemine inexorablement vers une sorte de Patriot Act à la Française. Edulcoré par des gardes fous, certes utiles mais vraisemblablement inopérants sur le plan pratique.

L’urgence d’un danger imminent, fréquent en matière de terrorisme, pourra être abondamment invoqué pour contourner les autorisations préalables et justifier les contrôles a posteriori, absoudre les fautes graves, comme c’est souvent le cas en matière de « bavures policières » ou les dégâts collatéraux tiennent lieu d’excuses absolutoires. Les bévues en matière de Flashball tout comme l’affaire de Ziyed et Bouna (Clichy sous Bois) sont là pour nous rappeler la permanence d’une certaine posture de passe droit de la part des pouvoirs publics. D’une zone de non droit dans les zones d’apartheid.

L’opinion publique y est prête, sinon préparée depuis dix ans par des experts auto proclamés de la lutte anti terroriste, tel Alain Bauer, l’ami de Manuel Valls, l’homme qui par ses théories anxiogènes, a grandement ouvert les portes à la vidéo surveillance des villes. Levallois Perret en est un parfait exemple, sans toutefois réussir à freiner la délinquance en col blanc ni priver son Maire Patrick Balkany de son immunité parlementaire.

La question est de savoir lequel des crimes est plus meurtrier : l’acte terroriste, odieux, destructeur et criminel. Ou la délinquance bureaucratique des élites politico-médiatiques qui ronge la moelle de la nation jusqu’à lui en faire perdre son âme. La loi sur le renseignement pour être efficace doit englober toutes les formes de criminalité, le terrorisme et les crimes de bureau et qu’il soit mis fin une bonne fois pour toute au privilège de classe. Au pas de charge, le pouvoir a engagé le processus d’adoption de la loi, comme pour prendre de vitesse les contestataires à cette disposition qu’ils jugent « liberticide », notamment les organisations suivantes :

- La Ligue des droits de l’homme (LDH)

- Le Syndicat de la magistrature (SM)

- Le Syndicat des avocats de France (SAF)

- Le Centre d’étude sur la citoyenneté, l’informatisation et les libertés (Cecil)

Deux autres ONG en désaccord avec le projet de loi sont venues en renfort : Amnesty International et Reporters sans frontières (RSF).

Avec un calendrier serré, le pouvoir ne s’est pas rendu compte de l’ironie représentée par la fixation au 1 er avril de la date à laquelle le texte passera en commission des lois. 1 er avril… Poisson d’avril ou Pied de nez à ses détracteurs sur un dispositif qui implique néanmoins une légalisation sans nuance de pratiques existantes (et illégales), telles que :

- La pose de balises GPS pour suivre des véhicules, l’intrusion dans des lieux privés

- L’utilisation de matériel très sophistiqué comme les logiciels-espions et les IMSI-catchers

- L’extension du domaine du renseignement, au nom de nouveaux motifs comme les « intérêts essentiels de politique étrangère » ou les « violences collectives pouvant porter gravement atteinte à la paix publique »

- Une surveillance massive du trafic internet, analysé par un algorithme secret-défense

- Une réforme des règles de contrôle, que l’exécutif présente comme un progrès, mais qui pour les opposants relève d’un « contrôle illusoire »

Christophe Deloire, (Reporters sans frontières), a estimé que la loi sur le renseignement porterait une atteinte à la liberté d’informer, si elle ne prévoyait pas d’exception pour les journalistes, faisant valoir que la loi sur le secret des sources, promise au début du quinquennat de François Hollande, est toujours portée disparue. Quant à la présidente d’Amnesty France, Geneviève Garrigos, elle a souligné le fait que le projet de loi « s’inscrit dans la lignée du processus régressif qui s’est accéléré depuis le 11 septembre 2001 ». Au nom d’une priorité absolue placée sur le terrorisme, tous les textes sont adoptés dans une ambiance mi-molle, mi-épouvantée.
La lutte contre le terrorisme a déjà fait l’objet de quatorze lois depuis 1986. Quoiqu’il en soit, au delà des arguments des uns et des contre arguments des autres, un fait est certain : On se souviendra des parlementaires français qui auront voté la loi sur le renseignement, de la même manière que l’histoire a retenu le nom des 80 députés qui se sont opposés aux pleins pouvoirs au Maréchal Pétain, sous le régime de Vichy.

Pour mémoire, voici la liste des principaux textes sur la sécurité votés lors du passage de M. Nicolas Sarkozy au ministère de l’Intérieur (2002-2006) :

- Septembre 2002 : Loi sur l’orientation et la programmation pour la sécurité intérieure

- Février 2003 : Loi aggravant les peines pour les infractions racistes

- Mars 2003 : Loi sur la sécurité intérieure-mars 2004 : Adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité

- Novembre 2003 : Maîtrise de l’immigration et répression des séjours irréguliers

- Janvier 2005 : Lutte contre le terrorisme

- Avril 2006 : Répression des violences contre les mineurs

- Juillet 2006 : Répression des violences dans les manifestations sportives

- Novembre 2006 : Prévention de la délinquance……….. qui entraîne la modification d’une traite -un chiffre record- 80 articles du code pénal.


- Source : René Naba

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