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Roger Auque, faux journaliste, vrai espion

Auteur : Catherine Frammery | Editeur : Walt | Jeudi, 12 Févr. 2015 - 15h10

Le journaliste Roger Auque avait commencé à rédiger ses mémoires avant de décéder, en septembre. «Au service secret de la République» vient de sortir: on y découvre la vie tumultueuse d’un baroudeur à l’ancienne, entre des reportages au Liban où il fut pris en otage, ses rencontres politiques, une aventure avec Yann le Pen, et… des missions pour la DGSE et le Mossad

C’est l’histoire d’un homme dont l’image aura beaucoup changé dans l’œil public. Journaliste aventurier, otage à une époque où leurs ravisseurs les conservaient vivants, père caché d’une jeune politicienne en vue, ambassadeur, et espion pour les services français comme pour le Mossad… Une vie riche, complexe, avec des parts d’ombre, comme toutes les vies, et dont seuls des éclats de vérité apparaissent au gré des révélations, des confessions. Roger Auque, décédé d’un cancer l’été dernier à l’âge de 58 ans, avait tenu à écrire ses mémoires pour montrer sa part de vérité. Le livre est sorti la semaine dernière, «Au service secret de la République», chez Fayard.

Prisonnier

«Il aimait bien l’aventure, l’argent et les femmes», écrit Le Figaro. Baroudeur, arabophone, il est correspondant au Liban pendant la guerre, pour La Croix, RTL, l’agence photo Gamma, plus des radios belge, suisse et canadienne, se rappelle son confrère de Paris Match Patrick Forestier. Il entre dans la sphère médiatique du grand public lorsqu’il est enlevé en janvier 1987, devenant un des «otages du Liban», où il est retenu presqu’un an.

Le journaliste Roger Auque avait commencé à rédiger ses mémoires avant de décéder, en septembre. «Au service secret de la République» vient de sortir: on y découvre la vie tumultueuse d’un baroudeur à l’ancienne, entre des reportages au Liban où il fut pris en otage, ses rencontres politiques, une aventure avec Yann le Pen, et… des missions pour la DGSE et le Mossad

C’est l’histoire d’un homme dont l’image aura beaucoup changé dans l’œil public. Journaliste aventurier, otage à une époque où leurs ravisseurs les conservaient vivants, père caché d’une jeune politicienne en vue, ambassadeur, et espion pour les services français comme pour le Mossad… Une vie riche, complexe, avec des parts d’ombre, comme toutes les vies, et dont seuls des éclats de vérité apparaissent au gré des révélations, des confessions. Roger Auque, décédé d’un cancer l’été dernier à l’âge de 58 ans, avait tenu à écrire ses mémoires pour montrer sa part de vérité. Le livre est sorti la semaine dernière, «Au service secret de la République», chez Fayard.

Prisonnier

«Il aimait bien l’aventure, l’argent et les femmes», écrit Le Figaro. Baroudeur, arabophone, il est correspondant au Liban pendant la guerre, pour La Croix, RTL, l’agence photo Gamma, plus des radios belge, suisse et canadienne, se rappelle son confrère de Paris Match Patrick Forestier. Il entre dans la sphère médiatique du grand public lorsqu’il est enlevé en janvier 1987, devenant un des «otages du Liban», où il est retenu presqu’un an.

Sa libération en 1988 revient sur le tapis politique en 2002 lorsque des rumeurs font état du versement d’une rançon, nié à l’époque avec véhémence par les otages et par les autorités politiques, mais qu’il reconnaît dans son livre posthume: «Je le confirme, de l’argent, beaucoup d’argent a été remis en échange de notre libération», écrit-il, tout en soulignant que ce n’est pas la France mais «le Libyen Kadhafi» qui a payé. Cette transaction aurait permis le remboursement d’une dette à l’Iran par le biais d’une commission. La thèse d’un lien entre les enlèvements et la dette de la France autour du dossier franco-iranien de la dette d’Eurodif fait partie des scénarios jugés plausibles par les spécialistes du dossier. Dans son livre Roger Auque se pose aussi la question des séquelles de ces 11 mois passés aux mains des ravisseurs: «Ma prison est devenue intérieure» écrit-il, même s’il reconnaît avoir manqué de prudence.

Double vie

La suite de sa vie il la passera comme grand reporter – notamment pour la RTS, pour leaquelle il a travaillé au Liban, en Syrie, en Irak. Et... comme agent des services, à l’en croire. Ces révélations sont d’ailleurs lourdes de conséquences pour les journalistes, souvent soupçonnés dans certains pays d’être aussi des agents en mission pour le compte de services étrangers.

Tout aurait commencé en 1989, deux ans après sa libération. C’est L’Express qui propose de larges extraits de cette vie «Au service secret de la République» «Les correspondants de guerre, les envoyés spéciaux ont toujours été une cible de choix pour les services. Mon initiation a débuté au cours de l’été 1989, à bord d’un superbe yacht rempli de très jolies filles, au large de Saint-Tropez. Les yachts, c’est toujours plein de jolies filles. J’étais invité à bord par un riche homme d’affaires français. Un type assez sympa s’approche. Il est cordial, mais va droit au but: «Je m’appelle Amos, je suis israélien. Nous avons un pilote, Ron Arad, détenu depuis 1986. Nous pensons que vos libérateurs du Liban peuvent nous aider…» Il continue plus loin: «J’ai été rémunéré par les services secrets israéliens pour effectuer certaines missions, par exemple des opérations secrètes en Syrie, sous couvert de reportage», assure-t-il, n’étant «nullement gêné par cette révélation».

Le journaliste a aussi travaillé avec la DGSE française et aurait même été contacté par la CIA, toujours selon son récit. Au gré de missions journalistiques, il collaborait en glanant des contacts, des informations. «C’est l’argent facile et les femmes qui ont motivé l’ancien journaliste à monnayer ses services, lui qui confessait ne jamais avoir eu le train de vie compatible avec les revenus de la profession» écrit L’Orient-Le Jour.

Une ambassade, cadeau de Nicolas Sarkozy

En 2008, parallèlement à ses fonctions de rédacteur en chef à Medi1, cette télévision franco-marocaine basée à Tanger et proche du régime, il envisage une carrière politique, devient conseiller municipal à Paris sur une liste UMP, et parvient grâce à une mystérieuse «Dame blanche» à rencontrer Nicolas Sarkozy, qu’il connaissait déjà.

Il faut lire le passage, repris par L’Express, où Roger Auque raconte comment il est devenu ambassadeur: «Dès le début de la conversation, je lui ai dit que je ne voulais plus être journaliste. Je lui ai lâché, je ne sais pas très bien pourquoi: «Les journalistes sont des imbéciles.» Rejet que j’éprouvais à l’époque pour une profession qui ne m’apprécie guère. Trop grande gueule, trop «baroudeur», trop «playboy». Sans doute lassé aussi. J’ai tendance à cracher dans la soupe. Alors je me suis jeté dans le bain. […] Comme prévu, Sarkozy s’est levé pour décrocher son téléphone, signe de son intérêt. Il a échangé quelques mots avec Levitte. Je me souviendrai toujours de ses paroles: «Il faut que Roger soit ambassadeur. Il faut l’aider, c’est quelqu’un que j’aime beaucoup, il partage nos idées.» Il est comme ça, Sarkozy. Direct. Avec lui, c’est blanc ou noir. Ou on plaît, ou on ne plaît pas. […] En octobre 2009, me voilà nommé après un an d’attente ambassadeur de France en Erythrée.»

Il y restera jusqu’en 2012, quand il se fait rapatrier pour soigner la tumeur au cerveau qui a été diagnostiquée.

La famille Le Pen

Autre épisode marquant qui fait parler de Roger Auque: son histoire avec les Le Pen, en 1989. «Je suis bien le père biologique de Marion Maréchal-Le Pen» la petite-fille du président historique du Front national, écrit avec franchise Roger Auque. L’information obtenue en 2013 par Christine Clerc, l’auteure de «Les Conquérantes», et publiée par L’Express, avait fait l’effet d’une petite bombe. Une histoire qui avait commencé presque par hasard, cite Le Figaro: «Alors que Jean-Marie monopolise l’attention, je ne quitte pas Yann des yeux.» (Yann est la sœur de Marine). Ils passeront la nuit ensemble, puis quelques jours, c’est tout. Ce n’est que 10 ans plus tard que Roger Auque saura qu’il est le père de Marion, née en décembre. Entre-temps le compagnon de Yann, Samuel Maréchal a reconnu la petite fille, qui porte son nom. A l’adolescence, elle tiendra à rencontrer son père biologique, qu’elle appelait par son prénom, écrit Roger Auque. Le père de la petite-fille des Le Pen travaillait pour le Mossad: plus d’un partisan du Front national appréciera…

C’est la maladie qui poussera Roger Auque à écrire ces mémoires, qui bien sûr ne sont pas de l’histoire, même pas son regard sur les événements, mais l’image qu’il veut laisser de lui. Un document tout de même, un témoignage parfois un peu dérangeant sur une certaine pratique du journalisme, fondée sur l’entregent, le courage, les relations, la faconde, le culot, avant Internet. Il y a un siècle.

Notes :

Toute la presse en parle maintenant.

Roger Auque, le « grand reporter », que s’arrachaient jadis les « grands médias », était, dès les années 80, un agent double travaillant pour le compte de la CIA et des services secrets israéliens et français.

Les journaux et chaînes télévisées qui, pendant des années, ont déroulé le tapis à cet imposteur, prétendront bien sûr qu’ils l’ignoraient.

Pourtant, toute personne avertie pouvait comprendre que Roger Auque, du Liban, à l’Irak et à la Syrie, était payé pour mentir ; que ses reportages étaient « bidon ». Sa couverture de la guerre de G.W Bush en Irak, respirait le mensonge. Il sautait aux yeux que ce prétendu journaliste ne faisait que distiller de la propagande au service d’Etats engagés dans la déstabilisation du Moyen-Orient et, avant tout, au service des intérêts d’Israël (il a avoué avoir été recruté dès 1989 par le Mossad).

Chaque passage de Roger Auque au téléjournal de la Télévision suisse romande (RTS) [1] nous laissait dans un état de révolte. Ses commentaires faisaient systématiquement apparaître la victime comme le criminel.

Tout le monde sait aujourd’hui que Roger Auque n’était qu’un menteur. Mais le mal est fait. Tout le Moyen-Orient est à feu et à sang.

Et la vraie question reste posée : quand les rédactions des médias traditionnels cesseront-elles de s’appuyer sur des faux reporters, vrais propagandistes, payés pour abreuver le public de fausses nouvelles sur les conflits et les guerres en cours ? (Silvia Cattori Arrê sur Info)

[1] Cet agent du Mossad – présenté comme « grand reporter », « journaliste indépendant » – a travaillé comme correspondant de la RTS au Liban, en Syrie, en Irak jusqu’en 2007. A noter que ce n’est ni le premier ni le dernier agent à travailler pour la télévision publique romande. La RTS va-t-elle s’excuser auprès du public qu’elle a trompé durant de longues années sur ce qui passait au Moyen-Orient ?


- Source : Catherine Frammery

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