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Vendredi, 01 Nov. 2024

Israël tue les journalistes et les médias occidentaux tuent la vérité sur le génocide à Gaza

Auteur : Jonathan Cook | Editeur : Walt | Mercredi, 30 Oct. 2024 - 18h24

Les populations occidentales sont soumises à une campagne de guerre psychologique, où le génocide est qualifié d'« autodéfense » et l'opposition à ce génocide de « terrorisme.

Israël savait que, s’il pouvait empêcher les correspondants étrangers de faire des reportages directement depuis Gaza, les journalistes finiraient par couvrir les événements sous un angle bien plus conforme à ses intérêts.

Ils couvrent tout nouveau rapport d’atrocité israélienne – si tant est qu’ils les couvrent – par un “le Hamas affirme” ou “des habitants de Gaza allèguent”. Tout est présenté en termes de récits contradictoires plutôt qu’en termes de faits avérés. Le public se sent incertain, hésitant, détaché.

Israël parvient à camoufler son carnage dans la confusion et le flou. La répulsion spontanée suscitée par un génocide en est atténuée.

Depuis un an, les reporters de guerre les plus qualifiés des réseaux mondiaux sont restés dans leurs hôtels en Israël, observant Gaza de loin. Leurs reportages d’intérêt général, toujours au cœur des reportages de guerre, se sont focalisés sur les souffrances infiniment plus limitées des Israéliens que sur l’immense catastrophe qui frappe les Palestiniens.

Voilà pourquoi le public occidental a été contraint de revivre une seule journée d’horreur pour Israël, celle du 7 octobre 2023, aussi intensément que les horreurs quotidiennes qui se déroulent depuis un an à Gaza – dans le cadre de ce que la Cour internationale de Justice a jugé être un génocide “plausible” de la part d’Israël.

Voilà pourquoi les médias ont submergé leur public avec les souffrances des familles de quelque 250 Israéliens – des civils pris en otage et des soldats faits prisonniers – au même titre qu’avec les souffrances de 2,3 millions de Palestiniens bombardés et affamés à mort semaine après semaine, mois après mois.

Le public a donc été soumis à des récits qui présentent la dévastation de Gaza comme une crise humanitaire plutôt que comme le théâtre de violations par Israël de toutes les règles connues de la guerre.

Alors que les correspondants étrangers sont docilement installés dans leurs chambres d’hôtel, les journalistes palestiniens ont été éliminés un par un, dans ce qui constitue l’un des plus grands massacres de journalistes de l’histoire.

Israël est en train de répéter ce processus au Liban. Dans la nuit de jeudi à vendredi, il a frappé une résidence dans le sud du Liban où se trouvaient trois journalistes . Tous ont été tués.

Pour illustrer le caractère délibéré et cynique des actions d’Israël, l’armée israélienne a braqué ses feux sur six reporters d’Al Jazeera cette semaine, les accusant d’être tous des “terroristes” au service du Hamas et du Djihad islamique.

Ce sont apparemment les derniers journalistes palestiniens survivants dans le nord de la bande de Gaza, qu’Israël a verrouillé pendant qu’il exécute ce que l’on nomme le “plan des généraux”.

Israël ne veut pas qu’on rende compte de son dernier assaut pour exterminer le nord de Gaza en affamant les 400 000 Palestiniens qui s’y trouvent encore, et en exécutant tous ceux qui y vivent encore considérés comme des “terroristes”.

Ces six journalistes s’ajoutent à une longue liste de professionnels diffamés par Israël au nom de son génocide, qu’il s’agisse de médecins, de travailleurs humanitaires ou d’agents de maintien de la paix de l’ONU.

Compassion pour Israël

Le comble de la domestication des journalistes étrangers par Israël a peut-être été atteint cette semaine dans un reportage de CNN. En février, des lanceurs d’alerte ont révélé que les dirigeants de la chaîne ont sciemment occulté les atrocités commises par Israël afin de présenter ce pays sous un jour plus favorable.

Dans un reportage dont le montage aurait dû être inconcevable – mais qui, malheureusement, n’était que trop prévisible – CNN a fait état des traumatismes psychologiques subis par certains soldats israéliens à la suite de leur séjour à Gaza, ce qui les a parfois poussés à se suicider.

Commettre un génocide peut être mauvais pour la santé mentale, semble-t-il. Ou, comme l’explique CNN, ses interviews “offrent un aperçu du fardeau psychologique que la guerre fait peser sur la société israélienne”.

Dans son long article, intitulé “Il est sorti de Gaza, mais Gaza n’est pas sortie de sa tête”, les atrocités que les soldats admettent avoir commises ne sont guère plus qu’un décor, alors que CNN trouve encore un autre angle d’attaque pour les souffrances des Israéliens. Les soldats israéliens sont les vraies victimes, alors même qu’ils commettent un génocide sur le peuple palestinien.

Un conducteur de bulldozer, Guy Zaken, a déclaré à CNN qu’il ne pouvait pas dormir et qu’il était devenu végétarien à cause des “événements très, très éprouvants”qu’il avait vus et dû commettre à Gaza.

Quels événements ? M. Zaken a déclaré lors d’une audience du Parlement israélien que le travail de son unité consistait à passer sur les corps de plusieurs centaines de Palestiniens, dont certains étaient encore en vie.

CNN a rapporté : “Zaken dit qu’il ne peut plus manger de viande, car cela lui rappelle les scènes horribles dont il a été témoin depuis son bulldozer à Gaza”.

Il ne fait aucun doute que certains gardiens de camps de concentration nazis se sont suicidés dans les années 1940 après avoir été témoins des horreurs qui s’y déroulaient – parce qu’ils en étaient responsables. Ce n’est que dans un univers parallèle et étrange que leur “fardeau psychologique” aurait fait l’objet d’un article.

Après une vive réaction en ligne, CNN a modifié une remarque de l’éditeur au début de l’article, qui se lisait à l’origine comme suit : “Cette histoire contient des détails sur le suicide que certains lecteurs pourraient trouver choquants”.

Les lecteurs, suppose-t-on, seraient choqués par le suicide de soldats israéliens, mais apparemment pas par la révélation que ces soldats écrasent régulièrement des Palestiniens et que, comme l’a expliqué M. Zaken, “ça giclait de partout”.

Interdit de séjour à Gaza

Enfin, un an après le début de la guerre génocidaire d’Israël, qui se propage maintenant très rapidement au Liban, certaines voix s’élèvent très tardivement pour exiger l’entrée de journalistes étrangers à Gaza.

Cette semaine, des dizaines de membres démocrates du Congrès américain ont écrit au président Joe Biden pour l’appeler à faire pression sur Israël afin d’accorder aux journalistes un “accès sans entrave” à l’enclave, dans le but probable, à l’approche des élections de novembre, de s’attirer les faveurs des électeurs mécontents de la complicité de leur parti dans le génocide .

Inutile de retenir notre souffle.

Les médias occidentaux n’ont pas fait grand-chose pour protester contre leur exclusion de Gaza au cours de l’année écoulée, et ce pour plusieurs raisons.

Compte tenu de la nature totalement aveugle des bombardements d’Israël, les principaux médias n’ont pas voulu que leurs journalistes risquent d’être touchés par une bombe d’une tonne pour s’être trouvés au mauvais endroit au mauvais moment.

Il se peut que leur bien-être soit en partie en cause. Mais les préoccupations sont sans doute plus cyniques.

Si des journalistes étrangers présents à Gaza se faisaient sauter ou étaient exécutés par des tireurs d’élite, les organisations de médias entreraient en conflit direct avec Israël et sa machine de lobbying bien huilée.

La réponse serait tout à fait prévisible, insinuant que les journalistes sont morts parce qu’ils sont de connivence avec “les terroristes” ou qu’ils ont été utilisés comme “boucliers humains” – l’excuse invoquée par Israël à maintes reprises pour justifier ses attaques contre les médecins à Gaza et les soldats de la paix de l’ONU au Liban.

Mais le problème est plus grave. Les médias officiels ne veulent pas que leurs journalistes soient si proches de “l’action” qu’ils risquent de donner une image plus claire des crimes de guerre et du génocide d’Israël.

Le recul actuel des médias par rapport à la scène du crime leur permet d’opposer un démenti plausible à toutes les atrocités commises par Israël.

Dans les conflits précédents, les reporters occidentaux ont joué le rôle de témoins, aidant à poursuivre des dirigeants étrangers pour crimes de guerre. C’est ce qui s’est passé lors des guerres qui ont suivi l’effondrement de la Yougoslavie, et c’est ce qui se passera sans doute à nouveau si le président russe Valdimir Poutine est un jour livré à La Haye.

Mais ces témoignages journalistiques ont été exploités pour mettre les ennemis de l’Occident derrière les barreaux, et non son plus proche allié.

Les médias ne veulent pas que leurs reporters soient les principaux témoins de l’accusation dans d’éventuels procès du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et de son ministre de la Défense, Yoav Gallant, devant la Cour pénale internationale (CPI). Karim Khan, le procureur de la CPI, a requis des mandats d’ arrêt à l’encontre de ces deux journalistes.

Après tout, de tels témoignages journalistiques ne s’arrêteraient pas aux portes d’Israël. Ils impliqueraient également les capitales occidentales, et mettraient les organisations médiatiques de l’establishment en porte-à-faux avec leurs propres gouvernements.

Les médias occidentaux ne considèrent pas que leur mission consiste à demander des comptes au pouvoir lorsque c’est l’Occident qui commet les crimes.

Censurer les Palestiniens

Des lanceurs d’alerte se sont progressivement manifestés pour expliquer comment les organes de presse de l’establishment – y compris la BBC et le Guardian, censé être libéral – occultent les voix palestiniennes et minimisent le génocide.

Une enquête menée par Novara Media a récemment révélé le mécontentement croissant de certaines équipes de rédaction du Guardian face à la politique de deux poids deux mesures appliquée à Israël et à la Palestine.

Ses rédacteurs ont récemment censuré un commentaire de l’éminente auteure palestinienne Susan Abulhawa après son insistance à pouvoir qualifier le massacre de Gaza d’“holocauste de notre temps”.

Pendant le mandat de Jeremy Corbyn à la tête du parti travailliste, des chroniqueurs du Guardian, comme Jonathan Freedland , ont beaucoup insisté sur la nécessité pour les Juifs, et pour les Juifs seulement, de définir et de nommer leur propre oppression.

Ce droit ne semble toutefois pas s’étendre aux Palestiniens.

Comme l’ont fait remarquer les collaborateurs qui ont parlé à Novara, TheObserver, le journal du dimanche du Guardian, n’a eu aucun mal à ouvrir son journal à l’écrivain juif britannique Howard Jacobson pour qu’il qualifie de “calomnie sanguinaire” toute information relatant les faits incontestables prouvant qu’Israël a massacré des milliers et des milliers d’enfants palestiniens dans la bande de Gaza.

Un journaliste réputé a déclaré :

“Le Guardian est-il plus inquiet des réactions à ce qui se dit sur Israël que sur la Palestine ? Absolument”.

Un autre membre du staff a admis qu’il serait inconcevable pour le journal de censurer un écrivain juif, mais que censurer un écrivain palestinien ne pose aucun problème, semble-t-il.

D’autres journalistes déclarent être soumis à un “contrôle oppressant” de la part des rédacteurs en chef, et affirment que cette pression n’existe “que si vous émettez une opinion critique à l’égard d’Israël”.

Selon le personnel, le terme “génocide” est pratiquement interdit dans le journal, sauf dans la couverture de la Cour internationale de justice (CIJ), dont les juges ont statué, il y a neuf mois, qu’un cas “plausible” a été établi selon lequel Israël commettait un génocide.

La situation s’est encore aggravée depuis.

Journalistes lanceurs d’alerte

De même, Sara, une lanceuse d’alerte qui a récemment démissionné de la salle de rédaction de la BBC et qui a parlé de son expérience au Listening Post d’Al Jazeera, a déclaré que les Palestiniens et leurs soutiens sont systématiquement tenus à l’écart de l’antenne, ou soumis à des interrogatoires humiliants et inquisiteurs.

Certains producteurs seraient devenus de plus en plus réticents à faire passer à l’antenne des Palestiniens particulièrement vulnérables, dont certains ont perdu des membres de leur famille à Gaza, parce qu’ils craignent les conséquences sur leur bien-être psychologique des interrogatoires agressifs qu’ils subissent de la part des chaînes.

Selon Sara, le contrôle des invités potentiels par la BBC vise essentiellement les Palestiniens, ainsi que les soutiens à leur cause et les organisations de défense des droits de l’homme. Les invités israéliens ou juifs font rarement l’objet d’une vérification de leurs antécédents.

Elle a ajouté qu’une recherche montre que le terme “sionisme” exprimé par un invité – l’idéologie de l’État d’Israël – dans un message sur les réseaux sociaux peut suffire à le faire exclure d’un programme.

Même les responsables de l’un des plus grands groupes de défense des droits au monde, Human Rights Watch, basé à New York, sont devenus persona non grata à la BBC pour avoir critiqué Israël, alors que la chaîne s’était auparavant appuyée sur leurs rapports pour couvrir l’Ukraine et d’autres conflits mondiaux.

Les invités israéliens, en revanche, “ont carte blanche pour dire tout ce qu’ils veulent sans trop de réactions”, y compris des mensonges sur le Hamas qui brûlerait ou décapiterait des bébés et commettrait des viols en masse.

Un courriel cité par Al Jazeera, envoyé en février dernier par plus de 20 journalistes de la BBC à Tim Davie, directeur général de la BBC, avertit que les reportages de la BBC risquent “d’aider et d’encourager le génocide par la suppression d’histoires”.

Des valeurs faussées

Ces préjugés n’ont été que trop évidents dans les reportages de la BBC, d’abord à Gaza et maintenant, alors que l’intérêt des médias pour le génocide s’amenuise, au Liban.

Les titres – le ton phare du journalisme et la seule partie d’un reportage que lisent de nombreux téléspectateurs – ont été invariablement désastreux.

Comme toujours, Israël a pu compter sur la complicité de ses parrains occidentaux pour écraser la dissidence dans son pays

Ainsi, les menaces de Netanyahu de perpétrer un génocide “façon Gaza” contre le peuple libanais au début du mois s’il ne parvient pas à renverser ses dirigeants ont été minimisées par le titre de la BBC: “L’appel de Netanyahu au peuple libanais tombe dans l’oreille d’un sourd à Beyrouth”.

Des lecteurs rationnels en auraient déduit à tort à la fois que Netanyahu essaie de rendre service aux Libanais (en se préparant à les assassiner), et qu’ils se montrent ingrats en n’acceptant pas son offre.

C’est toujours la même histoire dans les médias de l’establishment. Lors d’un autre épisode extraordinaire et révélateur, Kay Burley de Sky News a annoncé ce mois-ci la mort de quatre soldats israéliens à la suite d’une attaque de drone duHezbollah sur une base militaire à l’intérieur d’Israël.

Avec une solennité généralement réservée au décès d’un membre de la famille royale britannique, elle a lentement cité les noms des quatre soldats, en montrant une photo de chacun d’entre eux à l’écran. Elle a souligné à deux reprises que les quatre n’avaient que 19 ans.

Sky News semble ne pas avoir compris qu’il ne s’agit pas de soldats britanniques et qu’il n’y a aucune raison pour qu’un public britannique soit particulièrement troublé par leur mort. Les soldats sont tués en permanence dans les guerres – c’est le risque du métier.

En outre, si Israël considère qu’ils sont assez âgés pour se battre à Gaza et au Liban, ils sont également assez âgés pour mourir sans que leur âge ne soit considéré comme particulièrement alarmant.

Plus important encore, la brigade Golani d’Israël, à laquelle appartenaient ces soldats, a joué un rôle central dans le massacre des Palestiniens au cours de l’année écoulée. Ses troupes sont responsables d’une grande part des dizaines de milliers d’enfants tués et mutilés à Gaza.

Chacun de ces quatre soldats méritait beaucoup moins de sympathie et de compassion de la part de Burley que les milliers d’enfants massacrés par leur brigade. Ces enfants ne sont presque jamais nommés et leurs photos sont rarement montrées, notamment parce que leurs blessures sont généralement trop horribles pour être vues.

Une nouvelle preuve du monde détraqué que les médias de l’establishment tentent de normaliser pour leur public.

Voilà pourquoi les statistiques des États-Unis, où le traitement de l’actualité à Gaza et au Liban est peut-être encore plus délirant, montrent que la confiance en les médias est au plus mal. Moins d’une personne interrogée sur trois ( 31 % ) a déclaré avoir encore “une confiance suffisante ou modérée dans les médias de masse”.

Répression de la dissidence

C’est Israël qui dicte aux médias le traitement de son génocide. D’abord en assassinant les journalistes palestiniens qui le rapportent sur le terrain, puis en s’assurant que les correspondants étrangers formés à l’interne restent bien à l’écart du massacre, hors de portée de Tel-Aviv et de Jérusalem.

Et comme toujours, Israël a pu compter sur la complicité de ses parrains occidentaux pour réprimer la dissidence dans le pays.

La semaine dernière, un journaliste d’investigation britannique, Asa Winstanley, qui critique ouvertement Israël et ses lobbyistes au Royaume-Uni, a vu son domicile londonien perquisitionné à l’aube par la police antiterroriste.

Bien que la police ne l’ait pas arrêté ni inculpé – du moins pas encore – elle a confisqué ses appareils électroniques. Il a été averti qu’il faisait l’objet d’une enquête pour “incitation au terrorisme” dans ses publications sur les réseaux sociaux.

La police a déclaré à Middle East Eye que ses appareils ont été saisis dans le cadre d’une enquête sur des infractions terroristes présumées de “soutien à une organisation proscrite” et de “diffusion de documentation terroriste”.

La police n’a pu agir que grâce à la loi britannique sur le terrorisme, draconienne et contraire à la liberté d’expression.

L’article 12, par exemple, dit que l’expression d’une opinion qui pourrait être interprétée comme favorable à la résistance armée des Palestiniens à l’occupation illégale d’Israël – un droit garanti par le droit international mais qualifié de “terrorisme” par l’Occident – constitue en soi un délit de terrorisme.

Les journalistes qui n’ont pas été formés par les médias de l’establishment, ainsi que les militants de la solidarité, doivent désormais se frayer un chemin complexe sur un terrain juridique intentionnellement mal défini lorsqu’ils parlent du génocide d’Israël à Gaza.

M. Winstanley n’est pas le premier journaliste à être accusé d’avoir enfreint la loi sur le terrorisme. Ces dernières semaines, Richard Medhurst, journaliste indépendant, a été arrêté à l’aéroport d’Heathrow à son retour d’un voyage à l’étranger. Une autre journaliste-activiste, Sarah Wilkinson, a été brièvement arrêtée après que son domicile a été saccagé par la police. Leurs appareils électroniques ont également été saisis.

Entre-temps, Richard Barnard, cofondateur de Palestine Action, qui cherche àinterrompre l’approvisionnement en armes du Royaume-Uni pour le génocide d’Israël, a été inculpé pour des discours prononcés en soutien aux Palestiniens.

Aujourd’hui, tout porte à croire que ces actions s’inscrivent dans le cadre d’une campagne policière spécifique visant les journalistes et les militants de la solidarité avec les Palestiniens : L’opération “Incessantness” [qui peut se traduire par : Activités excessives].

Le message que ce titre maladroit est apparemment censé véhiculer est que l’État britannique s’en prend à quiconque s’élève trop bruyamment contre le maintien de l’armement et de la complicité du gouvernement britannique dans le génocide d’Israël.

On notera que les médias de l’establishment n’ont pas couvert ce nouvel assaut contre le journalisme et le rôle d’une presse libre – censés être ceux-là mêmes qu’ils sont censés protéger.

La descente au domicile de Winstanley et les arrestations ont pour but d’intimider les autres, y compris les journalistes indépendants, et de les contraindre au silence par crainte de subir les conséquences de leurs prises de parole.

Ce n’est nullement une affaire de terrorisme. C’est plutôt du terrorisme d’État de la part du Royaume-Uni.

Une fois de plus, le monde bascule.

Les échos de l’histoire

L’Occident mène une campagne de guerre psychologique contre ses populations : il les mystifie et les désoriente en qualifiant le génocide de “légitime défense” et l’opposition au génocide de “terrorisme”.

Ce n’est qu’une extension de la persécution subie par Julian Assange, le fondateur de Wikileaks qui a passé des années enfermé dans la prison de haute sécurité de Belmarsh, à Londres.

Son journalisme sans précédent – révélant les plus noirs secrets des États occidentaux – a été qualifié d’espionnage. Son “délit” a été de révéler que la Grande-Bretagne et les États-Unis ont commis des crimes de guerre systématiques en Irak et en Afghanistan.

Aujourd’hui, fort de ce précédent, l’État britannique s’en prend aux journalistes qui le gênent.

La semaine dernière, j’ai assisté à une réunion à Bristol contre le génocide à Gaza, au cours de laquelle le principal orateur était physiquement absent, l’État britannique ne lui ayant pas délivré de visa d’entrée.

L’invité manquant – il a dû nous rejoindre par Zoom – était Mandla Mandela, le petit-fils de Nelson Mandela, enfermé pendant des décennies pour terrorisme avant de devenir le premier dirigeant de l’Afrique du Sud post-apartheid, et un homme d’État de renommée internationale.

Mandla Mandela était jusqu’à récemment membre du parlement sud-africain. Un porte-parole du ministère de l’Intérieur a déclaré à Middle East Eye que le Royaume-Uni ne délivre de visas qu’“à ceux que nous voulons accueillir dans notre pays”.

Les médias suggèrent que la Grande-Bretagne était déterminée à exclure Mandela parce que, comme son grand-père, il considère que la lutte des Palestiniens contre l’apartheid israélien est intimement liée à la lutte antérieure contre l’apartheid sud-africain.

Les officiels n’ont apparemment pas conscience des échos de l’histoire : le Royaume-Uni associe une fois de plus la famille Mandela au terrorisme. Auparavant, il s’agissait de protéger le régime d’apartheid sud-africain. Aujourd’hui, c’est pour protéger le régime d’apartheid et de génocide d’Israël, pire encore.

Le monde tourne vraiment à l’envers. Et les médias occidentaux prétendument “libres” contribuent de manière décisive à ce que notre monde sens dessus dessous nous paraisse normal.

Pour y parvenir, il faut s’abstenir de parler du génocide de Gaza comme d’un génocide. Les journalistes occidentaux ne sont plus que des rapporteurs. Leur mission :ne consiste plus qu’à prendre la dictée des récits israéliens.

Traduction : Spirit of Free Speech

Image en vedette : Capture d’écran. Des enfants blessés lors d’une attaque israélienne dans le camp de réfugiés de Jabalia attendent d’être soignés à l’hôpital arabe Al-Ahli, le 21 octobre 2024 (© AFP).

*

L'auteur, Jonathan Cook, est auteur de trois livres sur le conflit israélo-palestinien et lauréat du Martha Gellhorn Special Prize for Journalism.


- Source : Middle East Eye

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