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Vendredi, 22 Nov. 2024

A Gaza, « un nombre incroyable d’enfants abattus d’une balle dans la tête »

Auteur : Feroze Sidhwa | Editeur : Walt | Lundi, 14 Oct. 2024 - 16h10

Dans cet article du New York Times, des médecins américains témoignent de l’horreur observée à Gaza : enfants délibérément ciblés, morts néonatales faute d’alimentation ou soins, malnutrition rappelant les camps de la mort… Mais ces milliers de victimes étant Arabes & musulmanes, elles ne sauraient rivaliser avec 40 bébés israéliens décapités dans la seule imagination putride des propagandistes.

André Marshal

*****

Le Dr Sidhwa, chirurgien généraliste et traumatologue, a travaillé à l’hôpital européen de Khan Younis, à Gaza, pendant deux semaines en mars et avril.

J’ai exercé comme chirurgien traumatologue à Gaza du 25 mars au 8 avril. J’avais déjà fait du bénévolat en Ukraine et en Haïti, et j’ai grandi à Flint, dans le Michigan. J’ai été témoin de violences et travaillé dans des zones de conflit. Mais parmi toutes les expériences marquantes à l’hôpital de Gaza, une m’a particulièrement frappé : presque chaque jour, je voyais un nouvel enfant, très jeune, atteint d’une balle dans la tête ou dans la poitrine, qui mourait presque systématiquement. En tout, treize enfants.

Sur le moment, j’ai pensé qu’un soldat particulièrement sadique était posté non loin de l’hôpital. Mais, après mon retour, j’ai rencontré un médecin urgentiste qui avait travaillé dans un autre hôpital de Gaza deux mois avant moi. Je lui ai confié : « Je n’arrivais pas à croire le nombre d’enfants abattus d’une balle dans la tête que j’ai vus. » À ma grande surprise, il m’a répondu : « Oui, moi aussi. J’en voyais tous les jours, sans exception ».

Ces radiographies montrant des enfants de Gaza avec des balles dans le cou ou la tête ont été partagées par le Dr Mimi Syed, qui a travaillé à Khan Younis du 8 août au 5 septembre. Elle a expliqué : « J’ai pris en charge de nombreux jeunes patients, pour la plupart âgés de moins de 12 ans, atteints d’une balle dans la tête ou dans la poitrine, sur le côté gauche. En général, il s’agissait d’une seule balle. Les enfants arrivaient soit déjà morts, soit dans un état critique, et mouraient peu après leur arrivée ».

Des données satellitaires, des organisations humanitaires et le ministère de la santé de Gaza ont permis de récolter un nombre considérable d’informations sur l’ampleur de la destruction à Gaza. Cependant, Israël interdit l’accès aux journalistes et aux enquêteurs des organismes de défense des droits de l’homme en dehors de quelques rares missions intégrées aux forces israéliennes. Quant aux reportages des journalistes palestiniens à Gaza, ils ne sont pas suffisamment lus malgré les risques énormes qu’ils encourent.

Un groupe d’observateurs indépendants a cependant pu documenter cette guerre au quotidien : les travailleurs de santé bénévoles.

Grâce à des contacts dans la communauté médicale et à de nombreuses recherches en ligne, j’ai pu entrer en contact avec des professionnels de la santé américains ayant travaillé à Gaza depuis le 7 octobre 2023. Plusieurs avaient des liens familiaux ou religieux avec le Moyen-Orient, tandis que d’autres, comme moi, n’en avaient pas mais se sont sentis obligés de faire du bénévolat à Gaza pour diverses raisons.

En m’appuyant sur mes propres observations et conversations avec des collègues médecins et infirmiers, j’ai collaboré avec Times Opinion pour interroger 65 professionnels de la santé sur ce qu’ils avaient vu à Gaza. Cinquante-sept d’entre eux, moi y compris, ont accepté de partager leur expérience. Les huit autres ont participé de manière anonyme, par crainte de représailles au niveau de leur emploi ou parce qu’ils ont de la famille à Gaza ou en Cisjordanie. Voici ce que nous avons observé.

***

44 médecins, infirmiers et auxiliaires médicaux ont vu plusieurs cas d’enfants préadolescents atteints d’une balle dans la tête ou la poitrine à Gaza

  • 9 n’en ont pas été témoins
  • 12 ne s’occupaient pas régulièrement d’enfants dans des situations d’urgence

Témoignages :

Dr Mohamad Rassoul Abu-Nuwar, chirurgien généraliste et bariatrique, 36 ans, Pittsburgh, Pennsylvanie :

« En une nuit, en quatre heures aux urgences, j’ai vu six enfants âgés de 5 à 12 ans, tous avec une seule blessure par balle à la tête ».

Nina Ng, infirmière urgentiste, 37 ans, New York :

« Les enfants blessés par balle étaient soignés à même le sol, se vidant souvent de leur sang à cause du manque d’espace, d’équipement et de personnel. Beaucoup sont morts alors qu’ils auraient pu être sauvés ».

Dr Mark Perlmutter, chirurgien orthopédique, 69 ans, Rocky Mount, Caroline du Nord :

« J’ai vu plusieurs enfants blessés par des balles à haute vélocité, touchés à la tête et à la poitrine ».


A Gaza, un nombre incroyable d’enfants abattus d’une balle dans la tête © Alain Marshal

Irfan Galaria, chirurgien plasticien, 48 ans, Chantilly, Virginie :

« Notre équipe a traité quatre ou cinq enfants âgés de 5 à 8 ans, tous atteints d’une balle dans la tête. Ils sont arrivés en même temps aux urgences et sont tous décédés ».

Rania Afaneh, ambulancière, 23 ans, Savannah, Géorgie :

« J’ai vu un enfant atteint d’une balle dans la mâchoire. Aucune autre partie de son corps n’était blessée. Il était conscient et m’a fixé du regard alors qu’il s’étouffait avec son propre sang, tandis que j’essayais d’utiliser une unité d’aspiration cassée ».

Dr Khawaja Ikram, chirurgien orthopédique, 53 ans, Dallas, Texas :

« Un jour aux urgences, j’ai vu un enfant de 3 ans et un autre de 5 ans, tous deux avec une balle dans la tête. Leur père et leur frère ont dit qu’on leur avait annoncé qu’Israël se retirait de Khan Younis. Ils sont retournés voir ce qu’il restait de leur maison et ont été abattus par un tireur d’élite ».

Dr Ahlia Kattan, anesthésiste et médecin en soins intensifs, 37 ans, Costa Mesa, Californie :

« J’ai vu une petite fille de 18 mois avec une blessure par balle à la tête ».

Dr Ndal Farah, anesthésiste, 42 ans, Toledo, Ohio :

« J’ai vu beaucoup d’enfants. Selon mon expérience, les blessures par balle touchaient souvent la tête. Nombre d’entre eux souffraient de lésions cérébrales irréversibles. Presque chaque jour, des enfants arrivaient à l’hôpital avec des blessures par balle à la tête ».

***

Times Opinion a adressé des questions à l’armée israélienne concernant les expériences de ces soignants américains. Un porte-parole de Tsahal a répondu par une déclaration qui ne précise pas si l’armée a enquêté sur les cas de tirs sur des enfants préadolescents ou pris des mesures disciplinaires contre des soldats impliqués dans ces incidents. La déclaration commençait ainsi : « Les forces de défense israéliennes s’engagent à minimiser les dommages causés aux civils lors de leurs opérations. Dans ce cadre, Tsahal s’efforce de prendre en compte les dommages collatéraux potentiels lors de ses frappes. Tsahal adhère pleinement aux obligations juridiques internationales applicables, y compris le droit des conflits armés ».

***

63 médecins, infirmières et auxiliaires médicaux ont observé une malnutrition sévère parmi les patients, le personnel médical palestinien et la population en général

  • 2 n’en ont pas été témoins

Merril Tydings, infirmière en soins d’urgence et critiques, 44 ans, Santa Fe, Nouveau-Mexique :

« Ces gens étaient affamés. J’ai vite appris à ne pas boire de l’eau ni manger la nourriture que j’avais apportée devant les autres travailleurs de la santé, car ils avaient passé plusieurs jours sans rien ».

Dr Ndal Farah, anesthésiste, 42 ans, Toledo, Ohio :

« La malnutrition était omniprésente. Il était fréquent de voir des patients dont l’apparence squelettique rappelait celle des victimes des camps de concentration nazis ».

Abeerah Muhammad, infirmière en soins intensifs et urgences, 33 ans, Dallas, Texas :

« Tous les gens que nous avons rencontrés nous montraient des photos d’eux avant octobre. Ils avaient tous perdu entre 9 et 27 kilos. La plupart des patients et du personnel étaient émaciés et déshydratés ».

Asma Taha, infirmière praticienne en pédiatrie, 57 ans, Portland, Oregon :

« Le chef du service néonatal était presque méconnaissable, ayant perdu près de la moitié de son poids par rapport à son apparence d’avant-guerre. Ces changements n’étaient pas seulement physiques : ils reflétaient aussi l’impact émotionnel et psychologique du conflit sur ceux qui soignaient les autres tout en luttant contre leurs propres pertes et difficultés. »

Dr Nahreen Ahmed, spécialiste des soins intensifs et des maladies pulmonaires, 40 ans, Philadelphie, Pennsylvanie :

« Tous mes patients présentaient des signes de malnutrition : par exemple, une mauvaise cicatrisation des plaies ou des infections qui se développaient rapidement. »

Dr Aman Odeh, pédiatre, 40 ans, Austin, Texas :

« Les mères en maternité accouchaient prématurément en raison de la malnutrition, du stress et des infections. Leur production de lait était faible à cause du manque d’hydratation et d’une alimentation insuffisante. »

Dr Mike Mallah, chirurgien généraliste, spécialiste en traumatologie et soins intensifs, 40 ans, Charleston, Caroline du Sud :

« Tous mes patients souffraient de malnutrition, à 100 %. »

Dr Deborah Weidner, psychiatre pour enfants et adolescents, 58 ans, Hartford, Connecticut :

« Les patients étaient très maigres. Leurs pantalons étaient visiblement trop larges, et leurs ceintures serrées à l’extrême. »

***

52 médecins, infirmières et auxiliaires médicaux ont observé une détresse psychiatrique quasi généralisée chez les jeunes enfants, certains exprimant même des envies suicidaires ou regretter d’être encore en vie

  • 10 n’en ont pas été témoins
  • 3 ne travaillaient pas régulièrement avec des enfants

Dr Mimi Syed, médecin urgentiste, 44 ans, Olympia, Washington :

« Une petite fille de 4 ans, gravement brûlée, était totalement dissociée. Elle fixait le vide tout en fredonnant une berceuse. Elle ne pleurait pas, mais tremblait, en état de choc total. »

Dr Ahlia Kattan, anesthésiste et médecin en soins intensifs, 37 ans, Costa Mesa, Californie :

« Tous les enfants avec qui j’ai passé du temps me voyaient comme une figure maternelle, cherchant protection et réconfort. Leur manque de sécurité, tant émotionnelle que physique, était évident. Ils s’accrochaient à nous, demandant à ce qu’on les emmène chez nous dans nos valises. »

Dr Tanya Haj-Hassan, pédiatre en soins intensifs, 39 ans :

« Un enfant qui avait perdu toute sa famille disait qu’il aurait voulu être tué lui aussi, affirmant : “Tous ceux que j’aime sont au paradis. Je ne veux plus être ici.” »

Laura Swoboda, infirmière praticienne spécialisée dans le traitement des plaies, 37 ans, Mequon, Wisconsin :

« Un jour, lors de ma tournée dans le service pédiatrique, l’infirmière en chef m’a attrapée par le bras, nous suppliant d’avoir avec nous une aide psychiatrique lors de notre prochaine mission. »

Feroze Sidhwa, chirurgien généraliste, traumatologue et spécialiste en soins intensifs, 42 ans, Lathrop, Californie :

« La plupart des enfants ont certainement connu des moments de bonheur, mais de manière générale, ils étaient effrayés, à bout de nerfs, désespérés, affamés, assoiffés et désorientés. Un enfant gravement blessé, un jeune garçon amputé de la jambe droite, avec le bras droit et la jambe gauche fracturés, a demandé à plusieurs reprises à sa mère pourquoi il n’avait pas pu mourir avec le reste de sa famille. »

Abeerah Muhammad, infirmière aux urgences et en soins intensifs, 33 ans, Dallas, Texas :

« J’ai soigné de nombreux enfants souffrant de blessures causées par des explosifs et des éclats d’obus. Beaucoup d’entre eux faisaient preuve d’un stoïcisme inhabituel pour leur âge, ne pleurant pas même lorsqu’ils souffraient. C’est une réaction psychologique rare chez un enfant. Nous avons été contraints de suturer de nombreuses lacérations sans anesthésie, et ces enfants restaient apathiques au lieu de résister. J’ai vu des enfants ayant assisté au meurtre de plusieurs membres de leur famille, qui ont tous exprimé le souhait de mourir pour les rejoindre. J’ai également soigné des préadolescents et des adolescents portant des marques d’automutilation, comme des coupures sur l’avant-bras. »

Dr Mohammed Al-Jaghbeer, spécialiste en soins intensifs et en maladies pulmonaires, 41 ans, Ohio :

« De nombreux enfants ne parlaient pas pendant des jours, même avec leur famille à leurs côtés. Une petite fille a refusé le jouet que je lui avais apporté, une petite voiture en plastique, car elle ne voulait ni toucher ni parler à quelqu’un d’autre que son père. »

Adam Hamawy, chirurgien plasticien et reconstructeur, 55 ans, South Brunswick, New Jersey :

« Les enfants qui avaient perdu des membres, incapables de courir ou de jouer, disaient qu’ils auraient préféré mourir, et certains exprimaient des pensées suicidaires. »

Dr Mark Perlmutter, chirurgien orthopédique et spécialiste de la main, 69 ans, Rocky Mount, Caroline du Nord :

« Beaucoup disaient qu’ils souhaitaient que la prochaine bombe les atteigne pour mettre fin à leur souffrance. »

Rania Afaneh, ambulancière, 23 ans, Savannah, Géorgie :

« Une petite fille a été amenée avec son père après que leur maison a été bombardée. Son père était allongé à côté d’elle, nu et recouvert d’une fine feuille de plastique, incapable de bouger alors qu’il écoutait ses cris. Bien qu’elle soit blessée, elle ne pleurait pas de douleur, mais réclamait sa mère et son père, terrifiée, hurlant jusqu’à ce que je la prenne sur mes genoux pour la réconforter et qu’elle s’endorme. »

Dr Talal Ali Khan, néphrologue et interniste, 40 ans, Oklahoma City, Oklahoma :

« Beaucoup d’enfants à Gaza ne sont pas des enfants normaux. Leur enfance semble effacée. Pas de sourire, pas de contact visuel. Ils ne jouent même pas comme des enfants normaux. Je les ai vus s’asseoir, regardant leurs mains ou leurs bouteilles d’eau, sans chercher à interagir avec qui que ce soit. »

***

25 médecins, infirmières et personnels médicaux ont vu des bébés nés en bonne santé revenir à l’hôpital pour mourir de déshydratation, de faim ou d’infections dues à l’incapacité de leurs mères mal nourries à les allaiter, ainsi qu’au manque de lait maternisé et d’eau potable.

  • 8 n’en ont pas été témoins
  • 32 ne travaillaient pas avec des nouveau-nés.

Laura Swoboda, infirmière praticienne spécialisée dans le traitement des plaies, 37 ans, Mequon, Wisconsin :

« Des nourrissons qui auraient survécu dans des environnements avec davantage de ressources sont morts à Gaza. Un nourrisson que notre cardiologue pédiatrique avait soigné pendant la nuit est décédé, et plus tard dans la journée, j’ai vu la famille porter son petit corps enveloppé dans un drap chirurgical. »

Dr Arham Ali, médecin en soins intensifs pédiatriques, 38 ans, Loma Linda, Californie :

« Des mères affamées venaient en soins intensifs, suppliant qu’on leur donne du lait maternisé pour nourrir leurs nouveau-nés. Les bébés de quelques heures ou jours arrivaient gravement déshydratés, infectés et en hypothermie. Beaucoup d’entre eux sont morts dans ces conditions, des décès 100% évitables. »

Merril Tydings Flight, infirmière en soins d’urgence et intensifs, 44 ans, Santa Fe, Nouveau-Mexique :

« Un bébé né d’une mère souffrant de malnutrition a beaucoup plus de mal à se développer et à survivre, manquant constamment de nutriments essentiels. »

Abeerah Muhammad, infirmière en soins intensifs et d’urgence, 33 ans, Dallas, Texas :

« Des centaines de familles déplacées s’étaient réfugiées autour et à l’intérieur de l’hôpital. Les bébés montraient des signes évidents de déshydratation aiguë : léthargie, fontanelles et yeux enfoncés, absence de larmes en pleurant, et aucune production d’urine. »

Monica Johnston, infirmière en soins intensifs des brûlures et des plaies, 45 ans, Portland, Oregon :

« Une mère est sortie de l’hôpital deux heures après avoir accouché. Quelques jours plus tard, je l’ai croisée alors que je me rendais à l’hôpital, et elle me suppliait de lui donner du lait maternisé car elle n’arrivait pas à produire suffisamment de lait. »

Asma Taha, infirmière praticienne en pédiatrie, 57 ans, Portland, Oregon :

« Chaque jour, des familles désespérées venaient demander une simple boîte de lait maternisé pour nourrir leurs bébés affamés. Malheureusement, nos stocks étant extrêmement limités, nous n’étions souvent pas en mesure de répondre à leurs besoins urgents. »

Dr Aman Odeh, pédiatre, 40 ans, Austin, Texas :

« Dans le service de soins intensifs néonatals où je travaillais, plusieurs bébés mouraient chaque jour en raison du manque de fournitures médicales et de nourriture appropriée. Nous devions prendre des décisions déchirantes pour déterminer quel bébé gravement malade serait placé sous respirateur, faute d’équipement. J’ai vu une famille amener leur bébé de trois jours, mort, après avoir vécu dans une tente. »

***

53 médecins, infirmières et auxiliaires médicaux ont observé de nombreux enfants souffrir d’infections évitables, dont certains sont morts

  • 1 n’en a pas été témoin
  • 11 ne travaillaient pas régulièrement avec des enfants infectés

Dr Mark Perlmutter, chirurgien orthopédique et spécialiste de la main, 69 ans, Rocky Mount, Caroline du Nord :

« Des enfants avec des blessures relativement mineures, telles que des fractures et des brûlures, sont morts de leurs blessures, alors qu’ils auraient pu être sauvés même dans les pays en développement. »

Abeerah Muhammad, infirmière en soins intensifs et d’urgence, 33 ans, Dallas, Texas :

« Des femmes et des jeunes filles utilisaient des morceaux de tentes, de couches, de serviettes ou d’autres tissus comme protections menstruelles, contractant ainsi le syndrome du choc toxique. »

Irfan Galaria, chirurgien plasticien et reconstructeur, 48 ans, Chantilly, Virginie :

« 100% de mes patients opérés ont développé des infections. Les plaies étaient contaminées en raison de la nature des blessures, avec des débris et gravats présents. »

Dr Ahlia Kattan, anesthésiste et médecin en soins intensifs, 37 ans, Costa Mesa, Californie :

« Plusieurs jeunes ont subi des amputations qui se sont infectées. Une mauvaise cicatrisation due à l’hygiène et à la nutrition insuffisantes a conduit à d’autres amputations. »

Monica Johnston, infirmière en soins intensifs pour brûlures et plaies, 45 ans, Portland, Oregon :

« Presque tous les nouveaux enfants admis durant ma présence à Gaza sont morts. La quasi totalité de ces décès aurait pu être évitée si nous avions eu une alimentation correcte, des moyens de prévention des infections, comme du savon et du désinfectant pour les mains, et des fournitures adéquates. »

Adam Hamawy, chirurgien plasticien et reconstructeur, 55 ans, South Brunswick, New Jersey :

« Presque tous les enfants dont je me suis occupé souffraient de malnutrition sévère, ce qui entraînait des difficultés de cicatrisation et des taux d’infection élevés. Le taux de mortalité des enfants blessés que j’ai soignés atteignait près de 80 %. »

Wilhelmi Massay, infirmière en soins intensifs et traumatologie, 50 ans :

« Le manque total d’équipement et de fournitures médicales a entraîné des décès dus à des infections évitables. »

***

64 médecins, infirmières et auxiliaires médicaux ont observé que même les produits médicaux de base, comme le savon et les gants, étaient souvent indisponibles à Gaza.

  • 1 n’en a pas été témoin

Dr Ndal Farah, anesthésiste, 42 ans, Toledo, Ohio :

« Nous avons opéré sans rideaux ni blouses chirurgicales. Nous avons réutilisé du matériel qui aurait dû être jeté. J’ai travaillé dans d’autres zones de guerre, mais celle-ci était bien pire que tout ce que j’ai vu auparavant. »

Brenda Maldonado, infirmière d’urgence, 58 ans, Vancouver, Washington :

« Des bébés et des enfants arrivaient avec des brûlures provoquées par de la poudre explosive, extrêmement douloureuses, et nous n’avions ni médicaments contre la douleur ni pommades pour traiter leurs blessures. »

Monica Johnston, infirmière en soins intensifs pour brûlures et plaies, 45 ans, Portland, Oregon :

« Il n’y avait pas de bouchon pour les cathéters centraux, laissant l’orifice ouvert aux germes. Pas de savon ni de désinfectant pour les mains. Pas de quoi nettoyer les patients alités après qu’ils se soient souillés. Je devais nettoyer les excréments avec des boules de coton, c’était un chaos horrible. »

Ayman Abdul-Ghani, chirurgien cardiothoracique, 57 ans, Honolulu, Hawaï :

« La stérilisation était déplorable en salle d’opération. Il y avait des mouches partout. Les eaux usées envahissaient l’enceinte de l’hôpital où se réfugiaient les gens. »

Dr Mohammed Al-Jaghbeer, spécialiste des soins pulmonaires et intensifs, 41 ans, Ohio :

« De nombreuses blessures se sont infectées faute de fournitures hygiéniques appropriées. Pour la première fois de ma carrière, j’ai vu des asticots de mouche sortir des plaies. »

Dr Ammar Ghanem, spécialiste des soins pulmonaires et intensifs, 54 ans, Détroit, Michigan :

« Nous manquions de gants, d’alcool, de blouses et de savon. Les mouches, vectrices de bactéries résistantes, transmettaient des infections d’un patient à l’autre. Ceux qui avaient survécu à leurs blessures finissaient par mourir d’infection. »

Irfan Galaria, chirurgien plasticien et reconstructeur, 48 ans, Chantilly, Virginie :

« J’ai opéré avec des instruments rudimentaires. Il n’y avait pas d’analgésiques pour les changements de pansements, et les patients post-opératoires étaient laissés au sol. »

Nina Ng, infirmière d’urgence, 37 ans, New York, N.Y. :

« Nous traitions souvent des patients sans gants ni une hygiène des mains adéquate – ces ressources étaient disponibles dans des pays pauvres comme Haïti. »

Dr Mark Perlmutter, chirurgien orthopédique et spécialiste de la main, 69 ans, Rocky Mount, Caroline du Nord :

« Sans les fournitures médicales que nous avons apportées avec nous, nous n’aurions eu rien à utiliser. La surmortalité due au simple manque de savon et de stérilisation adéquate était incalculable. »

Mohamad Abdelfattah, spécialiste des soins pulmonaires et intensifs, 37 ans, Tustin, Californie :

« Les infections se sont propagées dans tout l’hôpital, et tous les ventilateurs étaient colonisés de bactéries très résistantes. La plupart des patients sous respirateur ont développé des pneumonies sévères. »

Dr Mimi Syed, médecin urgentiste, 44 ans, Olympia, Washington :

« Nous réutilisions presque tous les équipements médicaux, y compris ceux qui ne devraient pas l’être, ce qui causait des infections. Il n’y avait pas d’antibiotiques. Souvent, nous manquions d’eau courante, et l’hôpital subissait des coupures de courant. Nous ne pouvions même pas nous laver les mains. »

Laura Swoboda, infirmière praticienne spécialisée dans les plaies, 37 ans, Mequon, Wisconsin :

« Presque toutes les plaies que j’ai vues étaient infectées. J’ai vu plus d’asticots en une seule journée que durant toute ma carrière de spécialiste des plaies. »

***

Ce que les médecins et infirmières américains ont observé de leurs propres yeux à Gaza devrait guider la politique des États-Unis à l’égard de la région. La combinaison dévastatrice de ce que Human Rights Watch qualifie de violence militaire aveugle, de ce qu’Oxfam désigne comme la restriction délibérée de l’aide alimentaire et humanitaire, du déplacement quasi général de la population et de la destruction des infrastructures de santé, ont l’effet catastrophique qu’avaient prédit il y a près d’un an par plusieurs spécialistes de l’Holocauste et du génocide.

Les lois et politiques américaines interdisent depuis longtemps le transfert d’armes à des pays ou unités militaires impliquées dans de graves violations des droits humains, en particulier lorsqu’elles ciblent des enfants, comme l’indique une mise à jour de la politique américaine sur les transferts d’armes conventionnelles en 2023. Il est difficile d’imaginer des violations plus graves que celles où de jeunes enfants se font tirer une balle dans la tête, où des nouveau-nés et leurs mères meurent de faim à cause du blocus de l’aide alimentaire et de la destruction des infrastructures d’eau, et où le système de santé a été anéanti.

Au cours des douze derniers mois, notre gouvernement avait les moyens d’arrêter le flux d’aide militaire américaine à Israël. Mais au lieu de cela, nous avons intensifié le conflit à chaque occasion, en envoyant plus de 50 000 tonnes d’équipement militaire, de munitions et d’armes depuis le début de la guerre, d’après une mise à jour du ministère israélien de la défense datant de fin août. Cela représente une moyenne de plus de 10 avions de transport et deux navires chargés d’armes par semaine.

Aujourd’hui, après plus d’un an de dévastation, les estimations des morts palestiniens varient des dizaines de milliers aux centaines de milliers. Le Comité international de secours qualifie Gaza de « lieu le plus dangereux au monde pour un travailleur humanitaire, et aussi pour un civil ». L’UNICEF considère Gaza comme « l’endroit le plus dangereux au monde pour un enfant ». Oxfam rapporte qu’à Al-Mawasi, une zone déclarée comme « sûre » par Israël, il y a une toilette pour 4 130 personnes. Au moins 1 470 Israéliens ont été tués lors de l’attaque du 7 octobre et des conflits qui ont suivi. La moitié des otages restés à Gaza seraient morts. Alors que des responsables américains accusent le Hamas de prolonger la guerre et d’entraver les négociations, des médias israéliens rapportent régulièrement que le Premier ministre Benjamin Netanyahu a saboté les pourparlers de cessez-le-feu avec le Hamas et le Hezbollah, tout en intensifiant imprudemment le conflit, au lieu de chercher un accord qui permettrait d’atteindre plusieurs des objectifs de guerre déclarés par Israël, y compris la libération des otages israéliens [les Israéliens détenus à Gaza sont tous des « otages », même les soldats, alors que les Palestiniens détenus en Israël sont tous des « prisonniers », même les enfants — Note du traducteur].

Un tel résultat désastreux pour les Palestiniens et pour Israël justifie-t-il de corrompre l’État de droit dans notre propre société ? L’administration Biden-Harris ne peut certainement pas prétendre ne pas savoir ce qu’elle faisait. Huit sénateurs américains, 88 membres de la Chambre des représentants, 185 avocats (dont plusieurs employés de l’administration) et 12 fonctionnaires (qui ont démissionné en signe de protestation) ont averti l’administration que continuer à armer Israël enfreignait la législation américaine. En septembre, ProPublica a révélé que l’administration Biden-Harris avait cherché à contourner les lois interdisant l’aide militaire à des pays qui bloquent l’aide humanitaire. Le journaliste et présentateur Peter Beinart a récemment suggéré que la vice-présidente Kamala Harris pourrait « rompre clairement » avec la politique actuelle concernant Gaza dans sa campagne présidentielle, simplement en annonçant qu’elle appliquerait la loi.

Aujourd’hui, Israël et les États-Unis transforment Gaza en une contrée sauvage, rasée et saccagée, hors de toute notion de droit. Mais il n’est jamais trop tard pour changer de cap : nous pourrions empêcher Israël d’utiliser nos armes, nos munitions, notre carburant, nos renseignements et notre soutien logistique en les bloquant. Nous pourrions aussi stopper l’afflux d’armes vers toutes les parties impliquées en annonçant un embargo international sur les armes à destination d’Israël et des groupes armés palestiniens et libanais. L’application des lois américaines exigeant l’arrêt de l’aide militaire à Israël bénéficierait d’un soutien massif : les organisations humanitaires, des dizaines de membres du Congrès, une majorité d’Américains et une écrasante majorité des membres de l’ONU sont tous favorables à cette démarche.

L’horreur doit cesser. Les États-Unis doivent cesser d’armer Israël.

Après cela, nous, les Américains, devons faire un examen de conscience approfondi.

Traduction : Alain Marshal pour son blog

Image en vedette : Capture d’écran, Source : Unicef


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