«L’Occident doit se préparer à des temps très durs alors que se renforce la récusation du modèle occidental»
Dans un éclair de lucidité, le chef d’état-major des Armées françaises déclare tout de go devant un parterre de responsables du MEDEF et de dix grands groupes français que «l’Occident doit se préparer à des temps très durs alors que se renforce la récusation du modèle occidental».
«On entre résolument dans une nouvelle ère, un Occident qui est contesté (…) et une fragmentation de l’ordre international extrêmement forte». Il évoque «en parallèle la montée d’un ordre alternatif (…) qui veut nous pousser dehors». «Le recours à la force est désinhibé et apparaît comme la manière la plus forte d’imposer sa volonté et de résoudre les différends».
Il conclue en disant : «Ne croyons pas qu’on va revenir au monde d’avant. Ce qui se met en place, on va devoir vivre avec». (1)
Ces paroles sonnent juste. Il est simplement malheureux qu’elles soient prononcées si tard.
Commander, c’est prévoir. La situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui et qui va empirer demain était prévisible et a été prévue depuis longtemps par les plus clairvoyants.
L’Occident otanien ne pouvait continuer, dans ses opérations d’ingérence tous azimuts, sous des prétextes mensongers, à semer le chaos et la mort sur la planète (démembrement de l’ex-Yougoslavie, Irak, Syrie, Libye, Afghanistan, Yémen, révolutions colorées) sans susciter des réactions. Il ne pouvait continuer d’avancer ses bases et ses fusées vers l’Est de l’Europe et en mer de Chine, pour étendre sa domination, contrôler, s’emparer et exploiter ce qui pouvait l’être à son seul profit, sans susciter d’autres réactions. Il ne pouvait continuer d’utiliser «l’emploi désinhibé de la force militaire et des sanctions économiques» pour faire valoir SA loi, celle du plus fort, sans susciter des réactions de rejet.
Car c’est bien l’Occident otanien et non ses adversaires d’aujourd’hui qui a montré pendant trente ans l’exemple de «l’emploi désinhibé de la force pour imposer SA volonté et résoudre les différends». Il n’est pas convenable d’inverser les rôles ; de donner, une fois de plus, dans l’inversion accusatoire et de poser aujourd’hui l’Occident otanien en victime d’éventuelles violences à venir.
C’est avant de se fourvoyer dans les difficultés qu’il fallait faire en sorte de ne pas pousser le bouchon trop loin et/ou de se préparer à affronter des difficultés prévisibles. Quand on est dedans, il est trop tard.
Il est trop tard car trente années de désinvestissement sur la défense ne se rattrapent pas en 6 mois et pas même en six ans. Il faut du temps, beaucoup de temps, et de l’argent, beaucoup d’argent, pour se remettre à niveau.
L’argent ? La France couverte de dettes n’en a plus, son économie est en ruine, elle cumule des dettes et des déficits budgétaires et commerciaux considérables, et ce n’est pas six ans, mais bien davantage qu’il lui faudra pour se remettre. D’ici là, le monde aura beaucoup changé et, comme le dit très justement le CEMA. «Ne croyons pas qu’on va revenir au monde d’avant. Ce qui se met en place, on va devoir vivre avec».
En clair, il va falloir réapprendre à vivre plus simplement avec les moyens dont on disposera, réapprendre l’humilité, adapter nos comportements et vivre avec les amis et alliés qui nous resteront fidèles.
Il va falloir accepter un nouveau statut de puissance moyenne, voire très moyenne, et la contestation de notre siège permanent avec droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU. Notre statut de puissance nucléaire ne suffit plus aujourd’hui pour justifier ce siège, près de 80 ans après la fin de la 2ème Guerre mondiale. L’Inde, pour ne citer qu’elle, est déjà aujourd’hui et sera demain toujours plus qualifiée que la France pour occuper ce siège. Pour se remettre, il faudra aussi et avant tout refaire l’unité du pays, réinstaurer sa stabilité politique et une véritable démocratie, et chasser les gouvernants de rencontre qui auront conduit le pays dans la situation où il se trouve aujourd’hui.
Note:
- Source : Réseau International
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