Il rentre d’un footing avec sa femme, Barbara, ancienne chorégraphe qui s’occupe d’une agence événementielle, va déjeuner thaï avec un couple d’amis. La vie s’écoule tranquillement dans ce quartier huppé de Wimbledon, au sud de Londres. Après être allé chercher ses deux fils à l’école pendant que sa fille gazouille dans le salon, Nicolas Anelka, détendu, apaisé, prend le temps, en exclusivité pour metronews, d’évoquer tous les sujets qui fâchent. Et ils sont nombreux. "Je fais aboyer parce que je dis la vérité. Et je le fais bien... J’ai une bouche, c’est pour m’en servir", prévient-il.
Le 14 décembre 2013, votre entraîneur est limogé. Quatorze jours plus tard, absent du groupe depuis fin octobre, vous êtes aligné contre West Ham. Vous inscrivez un doublé en cinq minutes mais, surtout, vous célébrez votre premier but par une quenelle. Pourquoi ?
Après m’avoir laissé en tribunes le 26 décembre à Tottenham, en accord avec le nouveau coach (Keith Downing, ex-assistant de Clarke, remplacé le 9 janvier par l’Espagnol Pepe Mel, Ndlr), j’étais titulaire à West Ham. Ma quenelle a été très mal interprétée. C’était une dédicace à mon ami Dieudonné. En août, j’avais hésité au moment de célébrer un but entre la quenelle ou imiter le geste de Kaaris (un rappeur, Ndlr). J’avais choisi Kaaris ! Et donc, ce jour-la, c'était le jour de la quenelle !
Sauf que la quenelle est un geste polémique car considéré comme un salut hitlérien inversé. Etes-vous antisémite ?
C’est bien beau de dire que je suis antisémite et raciste. Encore faut-t-il des preuves. Je n’ai aucun antécédent raciste ni antisémite, donc aucune preuve, voire même le soupçon d’une preuve ! Ah si, tout de suite, j’ai lu que j’étais converti à l’islam. Le raccourci est super rapide ! Mais j’ai une question : pourquoi devrais-je penser à la communauté juive quand je marque un but ? Je n’ai jamais eu de problème avec elle et, d’ailleurs, pourquoi en aurais-je ? Tant de questions posées et pas de réponse. A un moment, il faut arrêter d’être parano et de croire qu’on est tous en guerre ! Les personnes qui ont fait ces gros titres ne connaissent pas ma vie, ni mes fréquentations. Ils ne savent pas que je suis super pote avec Thomas Blumenthal (comédien dans La crème de la crème, Ndlr), que mes voisins qui viennent tout le temps chez moi à Paris le sont aussi, etc. Mais bon j’arrête là parce que je suis en train de me justifier et je déteste ça !
"Pas évident de soutenir celui qui a été l’ennemi public numéro un"
Le 27 février, vous avez été suspendu pour 5 matches et avez écopé d’une amende de 80 000 livres. Comment s’est déroulé le procès ?
J’ai été auditionné pendant deux jours. Comme les juges ne voulaient pas perdre la face, ils ont conclu que je n’avais pas tenté d’exprimer ou de promou- voir l’antisémitisme à travers ma quenelle. Donc mon geste est antisémite mais je ne le suis pas : je ne comprends pas ! Quelle magnifique contradiction. Même le président du Crif a reconnu que c’était condamnable seule- ment devant une synagogue ou un lieu de mémoire concernant la Shoah. J’ai accepté ma sanc- tion et je n’ai pas fait appel parce qu’au vu des réactions après le verdict ils n’attendaient que ça, me mettre 10 matches en appel ! Je pensais reprendre l’entraînement avec WBA et rejouer après ma suspension. Et là, coup de théâtre : le club, de mon côté depuis le début de cette affaire, fait marche arrière et entame une enquête à son tour. Il me demande de m’excuser pour pouvoir réintégrer le groupe. Ce qui ne m’a pas plu parce que j’avais demandé au club dès le début de cette histoire si pour eux il était préférable que je sois transféré pour leur éviter tout problème. A cette époque, ils m’avaient répondu qu’ils vou- laient que je reste. Après le verdict, j’ai été très surpris de ce changement et de cette demande. J’ai donc préféré quit- ter le club.
Quels rapports entretenez-vous avec Dieudonné ?
C’était un ami, c’est devenu un frère aujourd'hui ! Le tribunal m’a demandé s’il restait mon ami, j’ai répondu oui, évidemment. C’est un humoriste, pas un politicien. Il demeure pour moi le meilleur de France. Ils sont nombreux à le penser mais, de peur de perdre le boulot ou autre, ils n’osent pas le dire. Pas évident de soutenir celui qui a été l’ennemi public numéro un !
Tony Parker et Mamadou Sakho, pris en photo en train de faire la quenelle avec Dieudonné, se sont excusés et ont dénoncé l’amalgame.
Chacun choisit son camp. Ils sont libres de le faire et ce n’est pas à moi de juger. Je fais partie des vrais, les gens le savent. Quand je me bats pour quelqu’un, je le fais à fond.
"J’espère que Valls mettra autant d’énergie à redresser le pays qu’il en a mis à combattre Dieudonné"
Mais...
(Il coupe) Une autre question : qui décide que la quenelle est antisémite et raciste, à part l’inventeur de ce geste ? Ce n’est pas à la Licra de le décider mais à celui qui l’a inventé ! Quand on demande à Dieudo, il dit clairement que non. Sous prétexte que quelques personnes ont reproduit ce geste devant une synagogue, alors ce geste devient automatiquement antisémite et raciste dans n’importe quel endroit et n’importe quelle situation ? Désolé mais je n’avale pas. J’essaie d’avaler mais ça ne descend pas ! Donc si je comprends bien, tous les prêtres sont pédophiles et tous les musulmans sont terroristes ?! Pour moi, c’est le même principe. Si ça continue, les gens qui décident que la quenelle est raciste vont bientôt nous interdire de manger de l’ananas ! Ce geste ne devrait pas choquer. Il est condamnable devant une synagogue, oui, comme pour tout autre signe bizarre que l’on pourrait faire devant, mais c’est tout... Après, dire que c’est un geste vulgaire, effectivement, je vous l’accorde. Il n’y avait aucune pensée religieuse de ma part. Et je n’ai jamais dit que mon geste était anti-système, simplement que le geste l’était. Encore une fois, je ne suis ni raciste, ni antisémite et cette quenelle était une simple dédicace !
Dans le combat face à Dieudonné, Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, a été très offensif...
Oui, j’ai suivi cela avec un peu de retard… Il n’est pas très méchant ! Je pense plutôt qu’il a été sous l’influence de sa femme (Anne Gravoin, Ndlr) sur cette affaire de quenelle. J’espère qu’il mettra autant d’énergie à redresser le pays qu’il en a mis à combattre Dieudonné même si je ne crois pas dans les politiciens ! Beaucoup de paroles et très peu d’actes, sauf pour augmenter les impôts.
Valérie Fourneyron, ministre des Sports, avait assuré que votre geste était "une provocation écœurante", ajoutant "le cas Anelka m’a insupportée"...
Je ne connaissais pas cette dame, qui n’est d’ailleurs plus ministre. Ce sont toujours les plus incompétents qui ouvrent leur bouche ! Mais pour en reve- nir à elle, si moi je l’ai insuppor- tée avec ma magnifique quenelle, de voir une ministre des Sports ne pas savoir que la Coupe du monde a lieu en 2014 et non en 2016 et de confondre Cristiano Ronaldo avec Ronaldo el Feno- meno devant l’intéressé, ça c’est vraiment insupportable... Au moins, le président de la Répu- blique l’aura bien compris !