La crise ukrainienne a profité aux géants énergétiques occidentaux
Cinq grandes compagnies pétrolières et gazières occidentales ont rapporté des revenus extraordinaires pour 2022. Le conflit en Ukraine est le facteur clé dans la création des conditions pour ces recettes sans précédent, mais Kiev n'en recevra rien.
Cinq grandes compagnies pétrolières et gazières ont annoncé des revenus colossaux d'un total de 199,4 milliards de dollars.
Chacune d'elles a établi de nouveaux records de recettes des ventes d'hydrocarbures dans le cadre de la crise énergétique. À présent, ExxonMobil, avec un soutien tacite de Shell, Chevron, TotalEnergies et BP, cherche à contester la décision de l'UE d'imposer leurs superprofits.
La hausse des prix des hydrocarbures a fait plus que doubler les recettes de ces compagnies l'an dernier:
ExxonMobil a gagné 59,1 milliards de dollars, soit une hausse de 157% par rapport à 23 milliards de dollars en 2021.
Shell a gagné 39,87 milliards de dollars, +107% par rapport à 19,3 milliards de dollars en 2021.
Chevron a gagné 36,5 milliards de dollars, +134% par rapport à 15,6 milliards de dollars en 2021.
TotalEnergies a gagné 36,2 milliards de dollars, +100% par rapport à 18,1 milliards de dollars en 2021.
BP a gagné 27,6 milliards de dollars, + 116% par rapport à 12,8 milliards de dollars en 2021.
Le conflit en Ukraine est devenu un facteur clé de la mise en place des conditions pour ces revenus sans précédent.
Ces recettes sont record pour chacune de ces compagnies. Sachant qu'elles ont toutes annoncé à ce jour leur retrait de Russie, TotalEnergies étant la dernière.
On sait également qu'au premier semestre 2022 ces compagnies ont investi moins de 5% de leurs revenus dans les sources d'énergie alternatives, en refusant de changer leur modèle économique basé sur les hydrocarbures, en dépit des conséquences destructrices pour l'environnement.
De plus en plus d'experts et de politiques appellent à introduire des impôts sur les bénéfices exceptionnels des compagnies pétrolières et gazières, ce qu'on appelle la "windfall tax", pour financer la reprise de l'économie ukrainienne après le conflit. La question relative à une imposition supplémentaire de leurs revenus devient de plus en plus critique.
Les impôts sur les bénéfices exceptionnels sont appelés à devenir un moyen efficace pour réunir une grande somme de revenus et réorienter les superprofits de l'industrie pétrolière et gazière vers les besoins de l'État, tels que l'aide à l'Ukraine, la sécurité énergétique et la lutte contre les changements climatiques.
La windfall tax est un impôt forfaitaire pour les compagnies ayant obtenu des bénéfices exceptionnels dans des circonstances extraordinaires. Les gouvernements l'utilisent pour augmenter les recettes fiscales une certaine année, en augmentant rétrospectivement les impôts pour les entreprises et les secteurs ayant obtenu des recettes imprévues.
Après le début du conflit en Ukraine en février 2022 et la compréhension du fait que les hydrocarbures sont une source clé du financement de la machine de guerre russe, la question concernant la windfall tax s'est sérieusement posée au Royaume-Uni, aux États-Unis, en Allemagne et en UE.
En mai 2022, le Royaume-Uni a introduit une taxe supplémentaire sur les bénéfices pour toutes les compagnies produisant du pétrole et du gaz dans les régions britanniques de la mer du Nord, indépendamment de savoir si ces compagnies sont basées au Royaume-Uni ou non.
En août 2022, la commission des finances du Sénat américain a présenté un projet de loi (Taxing Big Oil Profiteers Act) pour imposer les importants revenus pétroliers prévoyant une taxe de 25% sur les superprofits des compagnies pétrolières et gazières gagnant plus de 1 milliard de dollars par an. L'administration Biden est prête à adopter un impôt sur les superprofits mais manque de voix pour ce faire. Ce qui pourrait changer en 2024.
Cet impôt était activement évoqué en Allemagne au niveau national, mais il n'a pas été adopté à cause d'un litige au sein du parti au pouvoir: les sociaux-démocrates (SPD) et les Verts étaient pour, mais les libéraux (FDP) s'y sont opposés.
En septembre, l'UE a introduit des taxes extraordinaires pour les compagnies énergétiques: une première d'au moins 33% sur les bénéfices des compagnies produisant des hydrocarbures, et une autre sur les revenus des compagnies énergétiques obtenus à cause de la hausse des prix d'électricité.
La Commission européenne a proposé un impôt sur les superprofits énergétiques afin de compenser la hausse significative des tarifs d'électricité et de gaz en Europe. Les 27 pays membres ont soutenu cette décision par décision du Conseil de l'UE.
Selon les estimations préliminaires, cela rapportera à l'UE 25 milliards d'euros supplémentaires. Une partie de cet argent devrait servir à soutenir l'Ukraine.
Le géant Exxon a déposé le 28 décembre une plante contre la Commission européenne afin de bloquer la taxe de l'UE sur les bénéfices exceptionnels des compagnies pétrolières et gazières.
Exxon, avec le soutien tacite d'autres compagnies du secteur, conteste les pouvoirs juridiques de l'UE pour adopter cette nouvelle taxe, car historiquement ces pouvoirs reviennent aux pays souverains. À présent, la cour examine cette requête. Sa décision pourrait avoir des conséquences majeures.
La Cour européenne inclut deux représentants de chaque pays membre de l'UE nommés par leurs gouvernements respectifs pour un mandat de six ans qui peut être prolongé. Les juges sont subordonnés aux gouvernements nationaux des pays membres de l'UE.
L'Union européenne doit défendre son droit de rétablir la justice et encadrer fermement l'industrie des hydrocarbures. En l'absence d'impôts sur les superprofits des compagnies pétrolières et gazières l'UE ne pourra pas apporter le soutien nécessaire à l'Ukraine visant à régler les problèmes de sécurité et les besoins humanitaires et d'infrastructure.
- Source : Observateur Continental