www.zejournal.mobi
Vendredi, 06 Juin 2025

L’opération Spiderweb, un «petit» jeu très risqué

Auteur : Scott Ritter | Editeur : Walt | Mercredi, 04 Juin 2025 - 12h42

L'opération «Spiderweb» menée par l'Ukraine a franchi un cap décisif susceptible de déclencher une riposte nucléaire russe. La réaction de la Russie et des États-Unis pourrait bien déterminer le sort du monde.

En 2012, le président russe Vladimir Poutine a déclaré que

“les armes nucléaires restent la garantie ultime de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Russie et jouent un rôle clé dans le maintien de l’équilibre et de la stabilité régionaux”.

Au cours des années suivantes, les analystes et observateurs occidentaux ont accusé la Russie et ses dirigeants d’invoquer de manière irresponsable la menace des armes nucléaires comme une “fanfaronnade” – un bluff stratégique pour masquer les prétendues lacunes opérationnelles et tactiques des capacités militaires russes.

En 2020, la Russie a publié pour la première fois une version non classifiée de sa doctrine nucléaire. Ce document, intitulé

“Principes fondamentaux de la politique de la Fédération de Russie en matière de dissuasion nucléaire”, précise que la Russie “se réserve le droit d’avoir recours à l’arme nucléaire” lorsque Moscou agit “en réaction à l’utilisation d’armes nucléaires et d’autres types d’armes de destruction massive contre elle et/ou ses alliés, ainsi qu’en cas d’agression contre la Fédération de Russie avec des armes conventionnelles lorsque l’existence même de l’État est menacée”.

Le document stipule également que la Russie se réserve le droit de recourir à l’arme nucléaire en cas

“d’attaque par [un] adversaire contre des sites gouvernementaux ou militaires critiques de la Fédération de Russie, dont la perturbation compromettrait les capacités de riposte nucléaire”.

En 2024, Vladimir Poutine a ordonné la mise à jour de la doctrine nucléaire russe compte tenu des réalités géopolitiques complexes liées à l’opération militaire spéciale (SMO) en cours en Ukraine, où le conflit s’est mué en une guerre par procuration entre l’Occident collectif (OTAN et États-Unis) et la Russie.

La nouvelle doctrine stipule que l’utilisation de l’arme nucléaire sera autorisée en cas

d’“agression contre la Fédération de Russie et (ou) ses alliés par tout État non nucléaire avec la participation ou le soutien d’un État nucléaire, perçue comme une attaque conjointe”.

L’arsenal nucléaire russe serait également déployé en cas

“de mesures prises par un adversaire affectant des éléments d’infrastructures étatiques ou militaires d’importance cruciale pour la Fédération de Russie, dont la mise hors service perturberait les capacités de riposte des forces nucléaires”.

Les menaces ne doivent pas nécessairement se présenter sous la forme d’armes nucléaires. En effet, la nouvelle doctrine 2024 stipule expressément que la Russie pourra riposter par des armes nucléaires à toute agression contre elle impliquant

“l’emploi d’armes conventionnelles qui constituent une menace critique pour sa souveraineté et (ou) son intégrité territoriale”.

L’opération Spiderweb, l’attaque à grande échelle contre des infrastructures militaires russes stratégiques directement liées à la dissuasion nucléaire stratégique de la Russie par des drones sans pilote, a manifestement franchi les lignes rouges de la Russie en matière de déclenchement d’une riposte nucléaire et/ou d’une frappe nucléaire préventive afin de dissuader des attaques ultérieures. Le SBU ukrainien, sous la direction personnelle de son chef, Vasyl Malyuk, a revendiqué la responsabilité de cette attaque.

L’opération Spiderweb est une attaque directe, menée dans le secret contre des infrastructures et des capacités militaires russes critiques liées aux capacités de dissuasion nucléaire stratégique de la Russie. Au moins trois aérodromes ont été touchés à l’aide de drones FPV lancés à partir de camions civils Kamaz réaménagés en rampes de lancement de drones. L’aérodrome de Dyagilevo à Ryazan, et ceux de Belaya à Irkoutsk et d’Olenya à Mourmansk, qui abritent des bombardiers stratégiques Tu-95 et Tu-22 ainsi que des avions d’alerte avancée A-50, ont été frappés, entraînant la destruction et/ou de lourds dégâts sur de nombreux appareils.

C’est comme si un groupe hostile lançait des frappes de drones contre des bombardiers B-52H de l’armée de l’air américaine stationnés à la base aérienne de Minot dans le Dakota du Nord, de Barksdale en Louisiane, ainsi que contre des bombardiers B-2 stationnés à Whiteman dans le Missouri.

Le timing de l’opération Spiderweb est clairement conçu pour perturber les pourparlers de paix prévus le 2 juin à Istanbul.

Tout d’abord, il faut bien comprendre qu’il est impossible pour l’Ukraine de se préparer sérieusement à des pourparlers de paix substantiels tout en planifiant et en exécutant une opération telle que l’opération Spiderweb. Même si le SBU a pu mener cette attaque, elle n’aurait jamais pu avoir lieu sans que le président ukrainien ou le ministre de la Défense en aient eu connaissance et aient donné leur feu vert.

De plus, cette attaque n’aurait pas pu avoir lieu sans le consentement des partenaires européens de l’Ukraine, en particulier la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne, tous engagés dans des consultations directes avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky dans les jours et les semaines qui ont précédé l’exécution de l’opération Spiderweb.

Les Ukrainiens ont été encouragés par l’Europe à être perçus comme soutenant activement le processus de paix d’Istanbul, sachant que si les pourparlers échouent, la responsabilité serait rejetée sur la Russie et non sur l’Ukraine, permettant ainsi à l’Europe de poursuivre ouvertement son soutien militaire et financier à l’Ukraine.

Les acteurs américains jouent eux apparemment aussi un rôle majeur : le sénateur Lyndsay Graham, républicain de Caroline du Sud, et Richard Blumenthal, démocrate du Connecticut, se sont rendus ensemble en Ukraine la semaine dernière, où ils ont travaillé en étroite collaboration avec le gouvernement ukrainien sur un nouveau train de sanctions économiques lié au refus de la Russie d’accepter les conditions de paix fondées sur un cessez-le-feu de 30 jours, l’une des principales exigences de l’Ukraine.

L’opération Spiderweb s’apparente à une tentative concertée d’éloigner la Russie des négociations d’Istanbul, soit en provoquant une riposte russe pouvant servir de prétexte à l’Ukraine pour ne pas se rendre à Istanbul (et à Graham et Blumenthal pour faire avancer leur projet de sanctions), soit en incitant la Russie à se retirer des négociations alors qu’elle examine ses futures options, un geste qui déclencherait également les sanctions de Graham et Blumenthal.

On ne sait pas si le président Trump, qui a fait pression pour que les pourparlers de paix entre la Russie et l’Ukraine aboutissent, était au courant des initiatives ukrainiennes, et s’il les a approuvées (Trump semblait ignorer que l’Ukraine a pris pour cible le président russe Poutine à l’aide de drones lors d’un récent voyage à Koursk).

On ignore encore comment la Russie réagira à cette dernière action ukrainienne. Les attaques de drones contre les bases militaires russes succèdent à au moins deux attaques ukrainiennes contre des lignes ferroviaires russes qui ont causé d’importants dégâts aux locomotives et aux wagons de voyageurs, et fait des dizaines de morts et de blessés civils.

Quoiqu’il en soit, l’Ukraine n’aurait pas pu mener l’opération Spiderweb sans l’approbation politique et le coup de pouce opérationnel de ses alliés occidentaux. Les services du renseignement américain et britannique ont tous deux formé les forces spéciales ukrainiennes aux techniques de guérilla et de guerre non conventionnelles, et il est largement admis que les précédentes attaques ukrainiennes contre des infrastructures russes critiques (le pont de Crimée et la base aérienne d’Engels) ont été menées grâce aux services du renseignement américain et britannique, tant au niveau de la planification que de l’exécution. En effet, les attaques contre le pont de Crimée et la base aérienne d’Engels ont été considérées comme le déclencheur des modifications apportées par la Russie à sa doctrine nucléaire de 2024.

La Russie a jusqu’à présent répondu aux provocations de l’Ukraine et de ses alliés occidentaux avec une bonne dose de patience et de détermination.

Beaucoup ont interprété cette attitude comme un signe de faiblesse, influençant probablement la décision de l’Ukraine et de ses complices occidentaux de mener une opération aussi provocatrice à la veille de discussions cruciales pour la paix.

La nature même de l’attaque, un recours massif à des armes conventionnelles pour frapper la force de dissuasion nucléaire stratégique de la Russie et causer des dégâts, teste la capacité de la Russie à continuer de faire preuve de la même retenue que par le passé.

On imagine sans peine que cette tactique sera utilisée à l’avenir pour décapiter les moyens nucléaires stratégiques (avions et missiles) et le leadership de la Russie (l’attaque contre Poutine à Koursk illustre bien cette menace).

Si l’Ukraine peut déployer des camions Kamaz près des bases aériennes stratégiques russes, elle pourra agir de même contre les bases russes abritant les forces mobiles de missiles russes.

L’attaque menée par l’Ukraine témoigne également des efforts déployés par les services du renseignement occidentaux pour tester le terrain en vue d’un éventuel conflit avec la Russie, auquel les membres de l’OTAN et de l’UE affirment se préparer activement.

Nous sommes à un tournant décisif de l’opération militaire spéciale.

Pour la Russie, les lignes rouges qu’elle a jugé bon de définir concernant l’utilisation éventuelle d’armes nucléaires ont été ouvertement violées non seulement par l’Ukraine, mais aussi par ses alliés occidentaux.

Le président Trump, qui a toujours affirmé soutenir un processus de paix entre la Russie et l’Ukraine, doit maintenant décider de la posture des États-Unis face à ces développements.

Son secrétaire d’État, Marco Rubio, a reconnu que sous l’administration précédente de Joe Biden, les États-Unis se sont engagés dans une guerre par procuration avec la Russie.

L’envoyé spécial de Trump en Ukraine, Keith Kellogg, a récemment confirmé cette affirmation à l’égard de l’OTAN.

Bref, en soutenant l’Ukraine, les États-Unis et l’OTAN sont devenus des protagonistes actifs d’un conflit qui a désormais franchi le seuil du recours potentiel à l’arme nucléaire.

Les États-Unis et le reste du monde sont au bord d’un Armageddon nucléaire dont ils sont les seuls responsables.

Soit nous rompons avec les politiques qui nous ont menés à cette situation, soit nous en acceptons les conséquences et en payons le prix.

Nous ne pouvons pas vivre dans un monde où notre avenir dépend par la patience et la retenue d’un dirigeant russe face à des provocations dont nous sommes nous-mêmes responsables.

C’est l’Ukraine, et non la Russie, qui représente une menace existentielle pour l’humanité.

C’est l’OTAN, et non la Russie, qui encourage l’Ukraine à se comporter de manière aussi inconsidérée.

Et c’est également le cas des États-Unis. Les déclarations contradictoires des décideurs politiques américains à l’égard de la Russie fournissent une couverture politique à l’Ukraine et à ses acolytes de l’OTAN pour planifier et mener des opérations telles que Spiderweb.

Les sénateurs Graham et Blumenthal devraient être poursuivis pour sédition si leur ingérence en Ukraine a été délibérément orchestrée pour saboter le processus de paix dont le président Trump affirme qu’il est au cœur de sa vision de l’avenir de la sécurité nationale américaine.

Mais c’est à Trump lui-même que revient la décision du sort de la planète.

Nous entendrons sûrement, dans les heures qui viennent, le président russe annoncer les mesures que prendra la Russie pour répondre à cette provocation existentielle.

Trump doit lui aussi réagir.

En ordonnant à Graham, Blumenthal et leurs soutiens de cesser leurs manœuvres concernant les sanctions contre la Russie.

En ordonnant à l’OTAN et à l’UE de renoncer définitivement à leur soutien militaire et financier à l’Ukraine.

Et en choisissant clairement son camp dans l’opération militaire spéciale.

Opter pour l’Ukraine, et déclencher une guerre nucléaire.

Ou choisir la Russie, et sauver le monde.

Traduit par Spirit of Free Speech

L'auteur, Scott Ritter, est un ancien officier du service du renseignement des Marines, qui possède une vaste expérience dans le domaine du contrôle des armements et du désarmement, et un expert des relations entre les États-Unis et la Russie.

***

Opération « Toile d’araignée » : Comment l’Ukraine a infiltré la Russie avec le MI6 britannique – Idriss Aberkane et François Asselineau

L’opération "Toile d’araignée" (Spider Web), menée par l’Ukraine avec le soutien du MI6 britannique, a stupéfié le monde par son audace. Pendant plus d’un an et demi, des agents ukrainiens, se faisant passer pour des russophones, ont franchi la frontière russe à bord de camions civils, transportant des conteneurs chargés de drones militarisés. Ces engins, déployés jusqu’en Sibérie, ont ciblé des bases avec des bombardiers stratégiques, en exploitant des informations tirées du traité START.

Une opération « sans précédent » en raison de sa coordination et de la distance des cibles par rapport à la frontière ukrainienne, certaines bases étant à plus de 4 000 km.

Ce traité START était toujours en vigueur et devait être réexaminé en février 2026. « Était » car il semble bien que les États-Unis viennent de le déchirer. Dans le cadre de ce traité, tous les bombardiers stratégiques porteurs d’armes nucléaires, enregistrés sous des numéros d’immatriculation et connus des deux parties, sont stationnés à l’air libre, afin de permettre une vérification mutuelle par satellite. Grâce à ce traité, les États-Unis garantissaient à la Russie que ces bombardiers non protégés ne seraient pas attaqués par ses armes ou celles de ses partenaires. Et réciproquement bien sûr.

Ce coup d’éclat, orchestré avec l’appui logistique et satellitaire du MI6, illustre l’évolution de l’art de la guerre au XXIe siècle, où des drones low-cost redéfinissent les conflits asymétriques. L’ impact militaire est a priori limité mais c’est une humiliation retentissante autant pour le Kremlin que pour Trump, au cas où l’attaque aurait été organisée conjointement par le MI6 et les faucons du Pentagone. Alors que les négociations de paix à Istanbul se poursuivent, « Toile d’araignée » pourrait bien avoir saboté les efforts de désescalade. L’ombre d’une riposte russe calculée et le doute quant au pouvoir de Trump sur le Pentagone semblent éloigner la fin de la guerre.

par Yoann - Le Média en 4-4-2


Cela peut vous intéresser

Commentaires

Envoyer votre commentaire avec :



Fermé

Recherche
Vous aimez notre site ?
(230 K)
Derniers Articles
Articles les plus lus
Loading...
Loading...
Loading...