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Mardi, 10 Juin 2025

Faux drapeau

Auteur : Sam Husseini | Editeur : Walt | Mercredi, 28 Mai 2025 - 13h29

J’ai longtemps été fasciné par les drapeaux, et j’en ai peint au moins un. Et j’ai soutenu que «tous les drapeaux sont de faux drapeaux». Et il existe peu de drapeaux plus fallacieux que celui de l’«Israël» impérial. Mais tout peut toujours empirer.

Après avoir entendu Trump parler de la prise de contrôle de Gaza par les États-Unis, je me suis dit que l’Empire allait essayer de mettre en place un système pour attirer davantage de «sionistes chrétiens» afin de peupler l’entreprise coloniale.

En fait, cette question me trottait déjà dans la tête, simplement en observant l’Israël impérial confronté à ce que les racistes appellent un «problème démographique» : ils n’ont probablement pas assez de volontaires juifs pour mener à bien cette colonisation. Ils tentent clairement de traquer, d’affamer et de massacrer les Palestiniens musulmans et chrétiens indigènes, mais ont-ils assez de main-d’œuvre pour les remplacer ? Beaucoup de juifs israéliens sont apparemment partis après les attentats du 7 octobre et, comme je l’ai écrit, je pense qu’une campagne massive a lieu pour empêcher d’autres de partir.

Bien sûr, l’Israël impérial fait venir des travailleurs de Thaïlande pour faire le travail que les Israéliens ne veulent pas faire (comme beaucoup aux émirats).

Mais je me demande si le système n’est pas en train de mettre en place une solution où les «chrétiens» «sionistes» (en réalité des colonialistes, car je ne pense pas que le terme «sioniste» rende vraiment compte de l’horreur de l’entreprise) pourraient être une partie de la main-d’œuvre nécessaire pour mener à bien l’entreprise coloniale. Rendant ainsi plus évident ce qu’elle est réellement, à savoir une croisade coloniale.

Aujourd’hui, c’est Yaron Lischinsky, parfois décrit comme un «juif messianique» (bien que d’autres du même acabit soient aussi qualifiés de «chrétiens messianiques») qui a été assassiné. Il se disait «chrétien». D’après mon expérience, rares sont ceux qui se disent «chrétiens» et le sont réellement, mais c’est une autre histoire.

Selon certaines sources, il aurait trouvé sa «patrie spirituelle» en Melech Ha’Mlachim – le «Roi des Rois», en français. Il s’agit en gros de sectes adhérant à de nombreux aspects du judaïsme officiel tout en affirmant d’une manière ou d’une autre que Jésus était le messie. Elles tendent à être sionistes/colonialistes, parfois même avec une ferveur extrême.

Faire d’un tel profil un martyr pourrait s’avérer très utile pour tenter de déclencher une vague de conversion des «sionistes chrétiens» soutenant le projet colonial américain et d’ailleurs en Palestine, afin d’en faire des colonialistes à part entière. Maintenant, je crois comprendre que l’Israël impérial n’est pas vraiment enthousiaste à l’idée que des non-juifs s’y installent pour une trop longue durée, mais on pourrait tout de même voir quelque chose de ce genre se développer. Cela pourrait même expliquer certaines des tensions présumées entre les camps Trump et Netanyahou. Ils sont peut-être en train de déterminer leurs rôles impériaux respectifs (alors que certains, y compris certains de mes amis, se bercent encore d’illusions en pensant que Trump s’oppose réellement au projet colonial).

Et puis il y a Mike Huckabee, ambassadeur des États-Unis en Israël, qui a fait l’objet de nombreuses mises en garde par entre autres le révérend Don Wagner, auteur de «Glory to God in the Lowest : Journeys to an Unholy Land» (Gloire à Dieu parmi les humbles : voyages en terre impie) et d’autres livres, dont «Anxious for Armageddon» (L’angoisse de l’Armageddon).

De plus, ce n’est pas uniquement une affaire américaine. Le «sionisme chrétien» mondial se développe via de nombreuses organisations à travers le monde, notamment autour de John Hagee. Et des groupes tels que l’International Christian Embassy Jerusalem mobilisent ces personnes à Jérusalem.

Je viens de jeter un œil au prétendu manifeste du tireur présumé, Elias Rodriguez, publié par Ken Klippenstein (qui a également publié le prétendu manifeste du présumé assassin du PDG de United Healthcare).

Mais je ne l’ai pas encore lu, car j’ai été abasourdi par la photo. On y voit une personne (dont on ne voit pas le visage) drapée dans un drapeau israélien avec une croix au milieu, et le mot «JÉSUS» inscrit dans la croix. Je n’ai jamais rien vu de tel auparavant.

Le timing est particulièrement intéressant, juste au moment où des tensions semblent apparaître concernant l’orientation du projet colonial. Et de manière si ostensible.

En 1969, un «chrétien messianique» australien, Denis Michael Rohan, a tenté d’incendier la mosquée Al-Aqsa pour montrer au monde qu’il était le «roi de Jérusalem». Cet évènement a entraîné une crise politique et la résolution 271 du Conseil de sécurité des Nations unies. Rohan a fini dans un établissement psychiatrique.

Craig Mokhiber a récemment écrit à propos de la politique américaine envers Gaza : «Ce sont vraiment les fous qui dirigent l’asile».

À moins d’une action véritablement héroïque, on peut s’attendre à ce que cette tendance se poursuive dans les années et les décennies à venir, et que les divagations de quelques lunatiques d’il y a quelques décennies se transforment en diktats politiques sous des apparences trompeuses.

J’ai hésité à utiliser ce titre, car je sais que certains pointeront du doigt les meurtres pour affirmer qu’il s’agit d’une opération sous faux drapeau, comme les attaques à l’anthrax. Je ne me suis pas sérieusement penché sur la question, mais les gouvernements américain et israélien ont une longue histoire d’opérations sous faux drapeau, qui remonte au moins à l’affaire Lavon (voir ci-après).

*

Le terrorisme sacré d’Israël

La campagne terroriste high-tech menée par Israël au Liban n’est que le dernier chapitre en date. Israël a inventé le piratage aérien en 1954. Les campagnes terroristes d’Israël sont en réalité une «quête d’espace vital».

La campagne terroriste high-tech menée par Israël au Liban à l’aide de beepers – et certaines des réactions enthousiastes de l’Occident – m’ont rappelé l’expression «terrorisme sacré d’Israël», qui montre à quel point ce phénomène est profondément enraciné.

En 1992, j’ai envoyé cette lettre au New York Times :

«Contrairement à ce que vous rapportez dans votre article sur le tollé suscité en France par l’aide médicale apportée à George Habash (article du 31 janvier), le Front populaire pour la libération de la Palestine de Habash n’a pas été «le premier groupe à détourner un avion à la fin des années 1960». C’est Israël qui a été le premier à recourir à cette pratique, en 1954.

«Le 8 décembre de cette année-là, cinq soldats israéliens ont été capturés en Syrie, alors qu’ils récupéraient des équipements d’écoute. Le 12 décembre, des avions de chasse israéliens ont intercepté un avion civil syrien volant de Damas vers l’Égypte, affirmant que l’avion avait violé l’espace aérien israélien.

«Le lendemain, vous avez rapporté que «cette évolution semble avoir placé Israël dans une position de force inattendue pour négocier la libération des prisonniers détenus par la Syrie».

«Le général Moshe Dayan était alors chef d’état-major israélien. Le Premier ministre israélien, Moshe Sharett, a écrit dans son journal : «Il est clair que l’intention de Dayan (…) est de prendre des otages pour obtenir la libération des nôtres à Damas».

«Contrairement aux espoirs du général Dayan, aucun échange n’a eu lieu. Le Premier ministre Sharett a ajouté que le département d’État américain s’était plaint de «notre action sans précédent dans l’histoire des pratiques internationales»». ~ Sam Husseini, le 18 février 1992

Cette information provient du livre «Israel’s Sacred Terrorism : À Study Based on Moshe Sharett’s Personal Diary and Other Documents», de Livia Rokach, reproduit ci-dessous, bien que je pense l’avoir en réalité trouvée dans un article d’Alexander Cockburn, que je ne parviens pas à retrouver en ligne.

La lecture de ce livre est aujourd’hui particulièrement troublante. Nasser Aruri, de l’Association des diplômés universitaires arabes américains, qui a publié le livre, écrit dans la préface :

«Le mouvement sioniste a réagi de manière hystérique aux critiques croissantes à l’égard de la violence israélienne. La surveillance, le contrôle des activités des détracteurs d’Israël dans les médias, les églises et les campus, la collecte de renseignements et la création de listes noires rappelant la période McCarthy aux États-Unis font partie des tactiques récemment employées par les organisations sionistes pourfaire taire les critiques à l’égard d’Israël. Qualifier d’antisémites les détracteurs est devenu la tactique standard la plus simple pour empêcher toute discussion rationnelle sur la politique publique d’Israël et pour intimider les détracteurs potentiels. (…)

«Le journal intime de Moshe Sharett fait la lumière sur cette question en documentant de manière exhaustive la logique et les mécanismes de la «politique arabe» d’Israël à la fin des années 1940 et dans les années 1950. La politique décrite, dans ses moindres détails, repose sur des actes de provocation délibérés de la part d’Israël, destinés à susciter l’hostilité des Arabes et à créer ainsi des prétextes pour une action armée et une expansion territoriale. Les archives de Sharett documentent cette politique de «terrorisme sacré» et dénoncent le mythe des «impératifs sécuritaires» d’Israël et de la «menace arabe», présentés comme des vérités incontestables depuis la création d’Israël jusqu’à aujourd’hui, alors que le terrorisme israélien contre les Palestiniens en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, ainsi que contre les Palestiniens et les Libanais au Sud-Liban, a atteint un niveau intolérable.

«De plus en plus, les bouleversements démographiques et géographiques exceptionnels que connaît la société israélienne au sein de la génération actuelle sont manifestement le résultat non pas d’une tentative malheureuse de protéger la «sécurité d’Israël» contre la «menace arabe», mais d’une quête de Lebensraum». [Terme allemand signifiant littéralement «espace vital» – en réalité, l’expansionnisme des colons.]

Noam Chomsky a écrit dans le Forward :

«En étudiant le processus d’élaboration des politiques de n’importe quel État, on constate souvent un clivage entre les positions relativement radicales qui prônent le recours à la force et à la violence pour atteindre les objectifs de l’État, et les approches «plus souples» qui préconisent des méthodes diplomatiques ou commerciales pour atteindre les mêmes objectifs. (…) L’échec [de Sharett] en politique intérieure israélienne a traduit la montée en puissance des positions de Ben Gourion, Dayan et d’autres qui ne reculaient pas devant l’usage de la force pour atteindre leurs objectifs».

La publication du livre a été une épreuve, avec de nombreuses tentatives pour en empêcher la publication au début des années 1980, comme le souligne le livre lui-même. Selon Arab World Books, l’auteure, Livia Rokach, a déménagé à Rome (probablement depuis Israël)

«Où elle s’est présentée comme une écrivaine et journaliste italienne d’origine palestinienne – elle était correspondante pour le quotidien israélien Davar. Elle a été correspondante de la radio israélienne à Rome dans les années 1960, puis correspondante du journal palestinien Al Fajr».

Elle est morte dans des circonstances suspectes, prétendument d’un suicide, en 1984. Elle avait 50 ans.

Le livre se termine ainsi :

«5. Dans l’affaire Lavon [une opération sous faux drapeau dans laquelle des Juifs égyptiens ont mené des attaques à la demande d’Israël contre des installations occidentales au Caire afin de discréditer le gouvernement de Nasser], Sharett décrit en détail les magouilles en Égypte. Livia Rokach a joint à l’ouvrage le discours mensonger de Sharett à la Knesset, dans lequel il révèle la vérité sur cette affaire, affirmant que les accusations portées contre les accusés dans les procès du Caire étaient motivées par la diffamation et l’antisémitisme. Le lecteur israélien qui a lu les extraits du journal de Sharett publiés en plusieurs épisodes dans Maariv, ou encore les huit tomes du journal eux-mêmes, peut difficilement être choqué par ces révélations malgré leur gravité. Mais l’impact d’une telle publication à l’étranger est forcément plus percutant. D’ailleurs, c’est grâce à l’absence d’intervention juridique du ministère israélien des Affaires étrangères que la diffusion de ce livret n’a pas été plus large. L’organisation arabo-américaine qui a publié ce livret n’a pas les moyens nécessaires pour le diffuser largement, surtout face à la conspiration du silence imposée par les médias américains pro-israéliens…»

Parmi les autres ouvrages de Rokach, citons «The Catholic Church and the Question of Palestine» [L’Église catholique et la question palestinienne] et «Palestinian Women from Lebanon in Israeli Jails» [Les femmes palestiniennes du Liban dans les prisons israéliennes].

Traduction: Spirit of Free Speech


- Source : Sam Husseini

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