« Mon » Xinjiang : Halte à la tyrannie des fake news
Journaliste française, Laurène Beaumond a vécu sept ans en Chine et elle a effectué une dizaine de séjours au Xinjiang.
Comme d’autres, elle raconte ce qu’elle y a vu, tout simplement.
On est loin, très loin des bobards colportés par les petites frappes de la propagande occidentale.
Ce qu’elle dit des innombrables mosquées et des restaurants halal du Xinjiang, c’est aussi ce que j’ai constaté, tout récemment, au Yunnan ~ Bruno Guigue
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« Le monde serait-il devenu fou ? « Camps de concentration », « stérilisation des femmes », « travail forcé », « effacement culturel », « génocide »… D’où sortent ces termes qui renvoient aux heures les plus sombres de l’histoire de l’Humanité ? Qu’est-ce donc cette parodie de procès que l’on fait à la Chine à distance, sans aucune preuve concrète, sans aucun témoignage valable, par des individus qui n’ont jamais mis le pied dans cette région du monde – la région autonome ouïgoure du Xinjiang en Chine – dont il est certain que peu de personnes avaient entendu parler avant le début de cette année ? D’où viennent ces nouveaux pasionarias de la « cause ouïgoure », cette ethnie dont le sort ne préoccupait personne jusqu’ici ? Et les grandes marques étrangères qui ont annoncé arrêter d’utiliser le coton récolté dans le Xinjiang pour fabriquer leurs vêtements sont la goutte qui a fait déborder le vase.
Ces attaques donnent une bien piètre image d’un pays qui est sous le feu roulant de toutes les critiques possibles et imaginables sans avoir rien demandé. La Chine se défend tant bien que mal en publiant rapports, témoignages, reportages et en organisant des visioconférences comme celle réunissant les membres du gouvernement de la région autonome ouïgoure du Xinjiang et le personnel de l’ambassade de Chine au Royaume-Uni dans le but de promouvoir l’activité économique du Xinjiang, mais rien n’y fait. Cela nuit gravement aux relations entre l’Union européenne et la Chine, qui se félicitaient pourtant en début d’année d’avoir atteint un accord de principe historique d’investissement. Les relations sino-occidentales, déjà tendues ces derniers temps sur divers sujets, n’avaient vraiment pas besoin de cela – surtout dans un contexte sanitaire aussi compliqué qui nécessite plutôt de travailler main dans la main que de s’écharper.
Je suis Française et j’ai vécu presque 7 ans en Chine. Les hasards de la vie ont fait que j’ai de la famille vivant à Urumqi, la capitale du Xinjiang. J’ai eu l’occasion de visiter la région à maintes reprises entre 2014 et 2019, et je ne reconnais pas le Xinjiang que l’on me décrit dans celui que je connais. Mes déplacements dans cette région n’ont jamais eu de but professionnel et n’étaient donc pas « orchestrés » par de quelconques organisations, et je n’ai pas eu non plus recours à des agences de voyage. Avant d’y mettre le pied, je ne connaissais cette région qu’à travers mes lectures, des romans historiques pour la plupart, et pour ses trésors archéologiques, notamment les splendides peintures murales bouddhiques du 6ème siècle de Kuqa conservées au Musée Guimet à Paris. Je savais que c’était une mosaïques de cultures, qu’il y vivait de nombreuses ethnies : des Ouïghours bien sûr mais aussi des Mongols, Russes, Kazakhs, Kirgizhs… Une terre immense qui a joué un rôle essentiel dans le développement de la Route de la Soie, qui a été l’objet de conquêtes et de reconquêtes par de nombreux peuples apportant chacun leurs us, coutumes et religions. Je n’ignorais pas non plus les troubles qui ont agité la province en 2008 et 2009 et la crainte d’attentats terroristes islamistes dans certaines zones. Mais je ne savais pas exactement à quoi m’attendre une fois sur place.
Je suis restée principalement à Urumqi, mais je me suis aussi rendue à Kashgar, Aksu et dans cette splendide région dont les vallons verdoyants rappellent les Alpes suisses : Kanas. Et cela m’a fait la même impression que lorsque je suis allée en Mongolie Intérieure ou dans la région autonome coréenne dans le Jilin : un sentiment d’harmonie totale, de respect des uns et des autres, et surtout un attachement à la nature et à ses merveilles. Effacement culturel ? Dans le Xinjiang, tous les panneaux de signalisation et les enseignes des magasins sont en mandarin et en langue turcophone parlée par les Ouïghours. Les documents administratifs sont également dans les deux langues. Ayant été victime d’un pépin de santé qui m’a obligée à rester hospitalisée une semaine à Urumqi en 2016, j’ai été soignée par une équipe de médecins ouïghours dans un établissement situé juste à côté d’une des plus grandes mosquées de la ville. Chaque matin, j’étais réveillée par le chant du muezzin qui appelait les fidèles à la prière et la cantine de l’hôpital était 100% halal. D’où ma surprise en lisant sur la page Wikipédia francophone consacrée au Xinjiang :
« Dans les années 2010, des centaines de milliers de musulmans pratiquants ouïghours (…) passent par des camps de rééducation chinois. L’idéologie communiste est inculquée aux détenus qui subissent des tortures et sont forcés à manger du porc et à boire de l’alcool ».
Vu la manière dont c’est écrit, on sent la source fiable… J’ai dîné avec un policier kazakh, un membre des forces spéciales d’intervention ouïghour (qui heureusement parlaient anglais tous les deux !) et je me rappelle leur avoir demandé si ils avaient rencontré des obstacles pour intégrer la police chinoise. « Aucuns ! » M’ont-t-ils répondu. « On raconte tellement d’âneries sur le Xinjiang, on y fait même plus attention… ». C’était en 2015 et je ne pense pas que leur sentiment a changé depuis. J’ai vu des Han manger dans des restaurants ouïghours et vice-versa. Les mosquées, le Grand Bazar, l’artisanat traditionnel musulman, tout est préservé et mis en valeur.
Je ne prétends pas tout connaître du Xinjiang en y étant allée moins d’une dizaine de fois, mais ce que j’y ai vu ne correspond en rien à ce qu’en racontent certains médias occidentaux. Je me base essentiellement sur le témoignage des gens que je connais qui y habitent depuis toujours ; les Han qui disent qu’ils « aiment la vie à Urumqi et qu’ils ne la quitteraient pour rien au monde », les Ouïghours qui m’ont dit exactement la même chose. Et aussi ce couple de touristes français croisés sur un vol Urumqi-Beijing, qui m’ont dit que « le Xinjiang était leur province chinoise préférée ». En ville comme dans les campagnes – dont certaines très pauvres et désertiques, même si les choses ont dû s’améliorer depuis mon passage – les gens paraissaient heureux et vaquaient à leurs petites affaires, tranquillement. Les musulmans célèbrent leur culte comme ils le souhaitent et s’habillent comme ils veulent. Je n’ai ressenti aucune animosité d’aucune part et on m’a accueillie avec chaleur et bienveillance.
La polémique sur le coton du Xinjiang est particulièrement injuste. Des travailleurs forcés ouïghours pour ramasser les fleurs de coton dans les champs ? Sommes-nous toujours au temps de l’esclavagisme aux États-Unis ? Heureusement que le ridicule ne tue pas… Plus de 70% du coton est ramassé mécaniquement, vu l’immensité des parcelles.
Je suis Française et fière de l’être. Je n’aime pas non plus lorsqu’on critique mon pays de manière injustifiée, pourquoi les Chinois n’auraient-ils pas le droit d’être indignés quand on raconte n’importe quoi sur le leur ? Écoutons ce qu’ils ont à dire à ce sujet et donnons leur au moins le bénéfice du doute. Pour ma part, je n’attends que la fin de la crise sanitaire pour retourner dans le Xinjiang et rire de tout cela avec les membres de ma famille, parce que c’est toujours mieux que d’en pleurer.
L'auteur, Laurène Beaumond, est journaliste indépendante basée en France, doublement diplômée d'histoire de l'art et d'archéologie à l'université de la Sorbonne-IV et détentrice d'un Master de journalisme. Laurène Beaumond a travaillé dans différentes rédactions parisiennes avant de poser ses valises à Beijing où elle a vécu presque 7 ans.
- Source : CGTN (Chine)