La Bolivie reprend ses esprits, Arce renoue les liens, Áñez sera jugée
Les bonnes nouvelles s’enchaînent en Bolivie. Les élections présidentielles du 18 octobre ont marqué le retour du Mouvement vers le Socialisme (MAS) à la tête de l’État et avec lui celui de l’élan de la fraternité entre les peuples d’Amérique Latine.
Le 10 Novembre 2019 sera gravé dans l’histoire bolivienne comme un coup d’arrêt dans la marche progressiste impulsée par les trois mandats présidentiels de Evo Morales. Contraint par l’armée de quitter son poste après une réélection largement obtenue (et méritée), le fondateur du Mouvement vers le Socialisme a dû se réfugier au Mexique et assister impuissant à la prise de pouvoir de la seconde Vice-Présidente de la Chambre des Sénateurs Jeanine Áñez, après les démissions successives du Vice-Président Álvaro García Linera, du Président de la Chambre des Députés Víctor Borda et du Premier Vice-Président de la Chambre des Sénateurs, Rubén Medinace. Cette ancienne directrice de chaîne de télé s’est retrouvée propulsée par un concours de circonstances à la tête du gouvernement sans la moindre expérience dans la prise de décisions politiques.
Tirant ses instructions de la mafia impériale US, sa tâche a été d’essayer de déconstruire le plus vite possible les succès du MAS, de privatiser tout ce qui pouvait l’être et de condamner tout ce qui concerne de près ou de loin les gouvernements cubain et vénézuélien. Le peuple bolivien a pu assister au déploiement des forces d’ingérence se précipitant pour dévorer leur proie affaiblie. Le pays a connu des troubles particulièrement violents initiés par des manifestations appelant au retour de Evo Morales qui ont dégénéré après l’infiltration d’une poignée de saboteurs à la solde des États-Unis, justifiant de violentes interventions de police. Un modus operandi devenu classique aux lendemains de résultats d’élections insatisfaisants pour les faucons du Beltway.
Jeanine Áñez est devenue le bras de la répression, une exécutante aveugle grassement payée pour nuire à ses concitoyens. Son discours raciste dicté de l’extérieur s’est répandu et les populations autochtones sont devenues les cibles du pouvoir. L’arrivée de Luis Arce à la présidence bolivienne vient mettre fin à cette ségrégation systémique après presque un an de décisions arbitraires. L’espoir d’un État plurinational apaisé renaît mais certains comptes doivent être réglés.
Áñez sera jugée
Lundi 26 octobre, l’Assemblée Législative Plurinationale a décidé de lancer une procédure à l’encontre de Jeanine Áñez pour sa responsabilité dans les massacres de Sacaba (Cochabamba, le 15 novembre 2019) et de Senkata (El Alto, le 19 novembre 2019) et d’autres événements. Les forces armées et la police ont utilisé des armes létales pour réprimer des manifestations contre le gouvernement autoproclamé de Áñez. Aucun soin médical n’a été fourni aux victimes de la répression. Au contraire, dans les deux évènements, des témoins affirment que les personnes essayant de leur porter secours ont également été visées par des tirs. Au cours de ces opérations militaires et policières, 37 personnes ont été tuées, dont 27 par balles.
Par la suite, certaines preuves ont été détruites, de nombreux témoins ont été victimes de tortures et de menaces et les forces armées ont refusé de donner au Procureur de la République des informations sur les personnes qui commandaient les opérations, les unités mobilisées ou les armes qu’elles ont utilisées.
La Commission Parlementaire spéciale chargée d’enquêter sur les massacres a suggéré l’ouverture de poursuites pénales contre plusieurs ministres : Karen Longaric des Affaires Étrangères, Yerko Núñez de la Présidence, Arturo Murillo du Gouvernement, Fernando López de la Défense, Álvaro Coímbra de la Justice, Álvaro Rodrigo Guzmán de l’Énergie, et María Pinckert de l’Environnement et de l’Eau.
Jeanine Áñez devra également répondre devant la Justice de la signature du Décret Suprême 4078 autorisant les opérations de répression des manifestations et garantissant aux militaires l’exemption de toute responsabilité pénale.
Nul ne sait encore si l’équipe de criminels mise en place par les États-Unis à la tête du pays pendant cette période sombre de l’histoire bolivienne bénéficiera d’une protection quelconque de ses employeurs impérialistes.
Evo, persona grata
Depuis l’Argentine qu’il a rejoint en décembre dernier, Evo Morales reprend espoir. L’élection de Luis Arce est venue confirmer que l’accusation de fraude électorale en octobre 2019 était-elle-même une fraude et que sa confirmation par l’OEA initiait un coup d’État opéré depuis l’étranger. L’ancien Président bolivien doit déjà sentir l’odeur de kantuta et préparer sa valise pour son retour en terre natale. Il espère rentrer chez lui le 9 novembre prochain où il devrait recevoir un accueil chaleureux de ses partisans. Sa persécution s’achève et certaines des accusations portées à son encontre ont été levées.
Le Président du Tribunal Départemental de Justice (TDJ) de La Paz, Jorge Quino, a annoncé lundi qu’il a été décidé de laisser sans effet l’accusation et l’ordre d’arrestation déposés pour les crimes de sédition et de terrorisme contre l’ancien Président bolivien. Ce dernier avait été cité à comparaître à une audience le 27 octobre. Ses avocats ont fait valoir que leur défendeur n’a reçu aucune citation ou notification, mais des édits, qui ne sont applicables que lorsque l’adresse du défendeur est inconnue, et dans le cas où il se trouve dans le pays et non à l’étranger.
« L’ancien Président aurait été convoqué par le biais d’édits, bien que les procureurs, et même la presse, savaient que l’homme vivait déjà en Argentine », a souligné Jorge Quino.
Le président du TDJ a affirmé que le juge de cette affaire avait souligné « l’erreur que les procureurs ont commise » et a décidé « de laisser sans effet l’accusation et le mandat d’arrêt ».
La décision n’a pas encore été approuvée par la Cour Constitutionnelle Plurinationale du pays, qui peut encore l’annuler. Morales reste néanmoins confiant sur son retour bien qu’il admet que cela ne dépend pas de lui. « Des camarades me demandent de venir à l’investiture » du nouveau Président élu, mais « les mouvements sociaux (syndicats) en discutent », a-t-il déclaré. « Ce sont eux qui décideront ».
Il affirme exclure un retour en politique sous le gouvernement de Luis Arce, préférant se consacrer à ses activités syndicales dans son fief de Cochabamba où il a débuté sa carrière politique. « Je continuerai à être un dirigeant syndical aussi longtemps que l’on me le permettra », a-t-il déclaré.
Luis Arce, homme de raison
L’investiture du prochain Président élu de Bolivie se déroulera le 8 novembre prochain et l’on peut déjà sentir les parfums de la renaissance du pays. Pour le plus grand bien de la nation, le parti progressiste du Mouvement vers le Socialisme s’apprête à reprendre les rênes d’un pouvoir injustement usurpé. Parmi les décisions de politique étrangère prises après son arrivée au gouvernement, Áñez avait suspendu les relations diplomatiques avec Cuba. Arce a montré son total désaccord avec cette mesure et a exprimé son intention de renouer immédiatement les liens bilatéraux. Les deux nations sœurs reprendront la route ensemble vers un partenariat équitable et mutuellement profitable. Cuba et la Bolivie regardent aujourd’hui vers l’avenir avec un espoir renouvelé et des objectifs homogènes, après presque un an de relations inexistantes.
Quant à la République Bolivarienne du Venezuela, Luis Arce a opéré un revirement radical par rapport aux actions et condamnations répétées du gouvernement putschistes de Jeanine Áñez.
« Nous retournons vers le gouvernement de droit et de vérité, qui est celui du camarade Maduro. Les frères vénézuéliens sont comme tous les autres pays d’Amérique du Sud et nous voulons rétablir les relations avec eux ».
« Ce que beaucoup d’entre nous veulent, c’est rétablir la communication avec le Venezuela, que ce gouvernement de facto a coupée, pour une question purement idéologique ».
Il a par ailleurs déclaré que l’adhésion de la Bolivie au Groupe de Lima, organisme corrompu piloté par Washington et connu pour sa position anti-Maduro, devrait être évaluée « très calmement ».
« Je ne sais pas si nous sommes plus utiles à l’intérieur qu’à l’extérieur, mais nous ne sommes pas d’accord avec beaucoup des plans de ce groupe », a-t-il déclaré.
Il a également assuré qu’il ne craignait pas les sanctions des États-Unis contre la Bolivie au cas où les relations avec le Venezuela seraient rétablies. « Toujours cette menace, que je considère absolument puérile, je pense que les pays doivent agir avec d’autres éléments et non pas catégoriser et juger les pays », a-t-il déclaré.
Avec l’élection de Luis Arce, l’Amérique Latine vient de remporter une victoire. Celle de la souveraineté des peuples, de l’auto-détermination et du respect du choix des citoyens. Dans un monde normal ce ne serait qu’un épisode électoral de plus mais à l’époque où nous vivons, cela représente un véritable exploit.
- Source : RI