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L’Asie moins exposée aux crises économiques majeures

Auteur : Hubert Testard | Editeur : Walt | Mardi, 13 Nov. 2018 - 15h50

L’Asie est moins exposée aux grands chocs que d’autres régions du monde. C’est la conclusion du dernier rapport du Fonds Monétaire International (FMI) sur les perspectives économiques mondiales publié en octobre dernier. Ce rapport contient une analyse intéressante sur les pays ayant subi les chocs les plus violents au cours des 50 dernières années. L’Asie est, avec l’Europe, la région du monde la moins présente dans ce palmarès des catastrophes économiques.

Dans son rapport sur les perspectives mondiales publié en octobre dernier, le FMI dresse un panorama inédit des catastrophes économiques dans le monde sur la période 1960-2017. Il fixe dans cette analyse un seuil minimum de 20% de perte de PIB par habitant pour un pays donné, seuil très élevé qui permet d’exclure les chocs conjoncturels plus classiques liés au cycle économique.

Cette perte de PIB peut être très rapide, comme en Irak durant la guerre de 1991. Mais elle s’accumule le plus souvent sur plusieurs années, comme en Grèce, dont la perte cumulée de richesse atteint 26% entre 2007 et 2013. Au total, le FMI identifie un nombre élevé de chocs majeurs : 133 épisodes dans 92 pays, certains étant touchés à plusieurs reprises comme le Congo, la Libye ou le Venezuela. Ces chocs ont été particulièrement nombreux dans les années 1980 – période de la crise de la dette latino-américaine – et les années 1990 en lien avec l’éclatement de l’URSS.

Causes et conséquences des grandes crises économiques

Pour le FMI, les grands chocs économiques ont eu quatre causes principales : les conflits ou les guerres civiles, les chutes des prix des matières premières ou de l’énergie, les grandes crises financières, souvent associées à une mauvaise gestion macro-économique et la transition vers l’économie de marché dans les pays à économie planifiée. Une seule catastrophe naturelle apparaît dans ce bilan : l’épidémie Ebola en Sierra Leone en 2015.

Ces chocs de grande ampleur touchent davantage les petits pays, dont les économies sont moins diversifiées et plus exposées aux changements de l’environnement international. Ils ont des conséquences durables : sur les 92 pays étudiés par le FMI, 45 ont encore un niveau de PIB par habitant inférieur à ce qu’il était avant le choc subi. La reprise économique n’est en général pas aussi rapide que la chute. Elle l’est d’autant moins que la période de régression a été longue.

Le bilan par grande région est favorable à l’Asie

Le Moyen-Orient est le plus touché, avec 23 épisodes concernant les trois quarts des pays du sous-continent. C’est aussi au Moyen-Orient que les chocs sont les plus répétitifs, avec un record de cinq crises majeures en 50 ans pour le Koweït. L’Afrique est également très exposée aux chocs économiques de grande ampleur, avec 56 épisodes concernant 34 pays africains, soit presque les deux tiers des pays du continent. Les conflits et les fluctuations de cours des matières premières jouent un rôle central dans ce bilan. L’Amérique vient en troisième, avec 20 épisodes couvrant 17 pays, soit la moitié des pays du continent. L’Europe est surtout exposée à l’Est (Ukraine, Russie, Biélorussie) et dans les Balkans (Grèce, Albanie, Chypre), avec au total 11 épisodes.

En Asie, les 15 épisodes recensés par le FMI concernent pour une part des événements historiques uniques. La Chine du « Grand bond en avant » fut statistiquement un grand bond en arrière, avec un recul du PIB par habitant de 31% entre 1960 et 1962. Au moment de la transition vers l’économie de marché, les 6 pays de l’Asie Centrale perdirent 30 à 70% de leur richesse apparente en quelques années. Le Bangladesh et, à une plus petite échelle, Timor subirent un choc de cette ampleur au moment de leur guerre d’indépendance. Tout comme la Birmanie des généraux au plus fort de la politique de fermeture du pays. Hormis ces épisodes historiques non reconductibles, la très grande majorité des pays asiatiques ont échappé à la malédiction du choc brutal.

La crise dite asiatique de 1998-1999, qui a touché notamment l’Asie du Sud-Est et la Corée, a été la grande crise régionale des dernières décennies. Elle ne figure pourtant pas dans le bilan du FMI car le pays le plus touché à l’époque, l’Indonésie, n’avait perdu « que » 13% de son PIB en 1998. Par ailleurs, si l’effet de cette crise a été durable sur les taux d’investissement et le potentiel de croissance des pays concernés, le retour à la croissance a été rapide (courbe en V), ce qui n’est pas le cas des pays analysés par le FMI.

Cette résilience s’explique par différents facteurs. Les économies d’Asie sont plus diversifiées qu’au Moyen-Orient ou en Amérique Latine, et donc moins exposées aux chocs des prix de l’énergie ou des matières premières. Par ailleurs, les grands conflits ont disparu après la fin de la guerre du Vietnam. Enfin, une gestion macro-économique dans l’ensemble prudente – nettement renforcée après la crise asiatique de 1998 – a mis les pays de la région à l’abri de l’hyperinflation et des problèmes de dette à répétition.

Pour l’avenir, le risque géopolitique demeure clairement présent dans la région. Quatre pays détiennent l’arme nucléaire et aucun des grands différends liés aux guerres antérieures n’est définitivement réglé. De nouveaux conflits ne sont donc plus à exclure, même si la relance récente du dialogue intercoréen est une excellente nouvelle. Sur le front des risques économiques, la possibilité de chocs brutaux tels que définis par le FMI reste faible, avec une interrogation sur le niveau des dettes privées qui rend l’Asie plus exposée aux conséquences de la prochaine crise financière mondiale.

Photo d'illustration: Skyline de Hong Kong. Hormis des épisodes historiques uniques, la très grande majorité des pays asiatiques ont échappé à la malédiction du choc économique brutal. (Source : Yampu.com)


- Source : Asialyst

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