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Le cas Lafarge dévoile la collusion entre Paris, Washington et Daech en Syrie

Auteur : Francis Dubois | Editeur : Walt | Vendredi, 03 Août 2018 - 18h46

L’enquête pour «financement de terrorisme» sur les liens entre le géant du ciment Lafarge et l’Etat islamique (EI, ou Daech), la milice islamiste en Syrie et en Irak, a dévoilé la criminalité politique de l’élite dirigeante française et de l’OTAN. Le patronat et de l’Etat français ont financé et défendu l’EI dans une guerre visant à renverser le Président syrien Bachar al-Assad, alors qu’ils dénonçaient Daech en tant que milice terroriste devant les Français.

Les attentats terroristes à Paris en 2015 ont donc été ourdis avec l’aide matérielle et politique de puissantes forces au sein de la classe dirigeante. Dépourvu de tout soutien populaire pour sa politique d’austérité en Europe et de néocolonialisme au Moyen Orient, l’Etat français a instrumentalisé l’EI pour faire la guerre en Syrie et justifier des mesures d’Etat policier en France. Si la police n’arrêtait pas les membres de l’EI qui voyageaient en Europe pour aller commettre des attentats, c’est parce que la police les protégeait et voyait en eux des mandataires utiles en Syrie.

L’enquête soulève les questions les plus explosives. Emmanuel Macron a déclaré en 2017 que “mon ennemi, c’est Daech.” Il est de plus en plus clair que dans les plus hautes sphères de l’Etat, des responsables se sont rendus coupables d’intelligence avec l’ennemi, afin de mener leur sale guerre en Syrie. La question se pose: est-ce que président à l’époque, François Hollande, son conseiller Emmanuel Macron, son ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian ou de son ministre des Affaires Etrangères Laurent Fabius sont impliqués?

L’enquête avait déjà établi en 2017 que le cimentier membre du CAC-40 avait passé des accords financiers avec des organisations terroristes comme l’EI (Daech) et le Front Al Nosra (Al Qaïda) entre 2012 et 2014, versant en tout à l’EI plus de 15 millions de dollars, sous forme de diverses «donations», «taxes» et «commissions». Le cimentier avait aussi acheté à l’EI du pétrole et des matières premières pour le ciment dans des carrières contrôlées par l’EI.

Huit hauts dirigeants de Lafarge ont depuis été inculpés et deux de ses directeurs ont démissionné. Depuis fin juin 2018, l’enquête vise non plus des responsables individuels de la firme, mais la société elle-même. Au chef d’accusation de financement du terrorisme a été ajouté celui de «complicité de crimes contre l’humanité».

Pour se défendre, les dirigeants de Lafarge rejettent de plus en plus la responsabilité sur l’Etat. A présent, les déclarations de plusieurs de ses dirigeants dans ce sens ont été largement corroborées. Lafarge en Syrie était en rapport permanent avec les services de renseignements français et collaborait de façon si étroite avec eux que la production de ciment et celle de renseignements semblent ne faire qu’un.

Le chargé de sécurité de Lafarge Jean-Claude Veillard, entendu pour la troisième fois en avril 2018, déclara que des responsables sécurité de Lafarge sur le site étaient impliqués dans la fourniture d’informations qu’il faisait parvenir en bloc à divers services de renseignement. Durant la période en question, il fut aussi en contact avec le cabinet militaire de François Hollande. Sur une question de la juge d’instruction s’ils (les ‘responsables sécurité’ faisant du renseignement) de Lafarge en Syrie «devaient rencontrer les responsables de groupes armés » Veillard a répondu: «Leur première mission, c’est l’acquisition du renseignement. Si ces rencontres pouvaient leur permettre d’obtenir des informations, ils pouvaient le faire».

Il apparaît aussi que les divers services français ont continué de suivre de très près la situation de l’usine après sa prise par Daech, le 19 septembre 2014. Veillard déclare même qu’un intermédiaire de l’EI avait proposé de remettre l’usine en marche sous contrôle de l’EI après sa prise.

De plus, à l’été 2013, alors que le gouvernement Hollande prépare une attaque militaire de la Syrie avec l’administration Obama, Paris est en contact permanent avec Washington.

Selon Le Monde de lundi, «Laurent Fabius multiplie les échanges avec son homologue américain, John Kerry, pour monter une intervention militaire contre Damas». Le jour même de la prise de contrôle de la cimenterie par Daech, Christian Herrault (directeur général adjoint) et Jean-Claude Veillard sont reçus au quai d’Orsay et demandent à l’ambassadeur pour la Syrie Franck Gellet, d’intervenir auprès de Washington pour que l’usine ne soit pas bombardée par l’aviation américaine.

Interrogé comme témoin dans l’enquête, l’ancien chef de la diplomatie du gouvernement PS de François Hollande entre 2012 et 2016 Laurent Fabius, actuellement président du Conseil constitutionnel a déclaré n’avoir jamais rien su des activités de cette firme du CAC-40 en Syrie durant ses fonctions.

Il n‘avait jamais «été saisi d’une question concernant Lafarge, je suis catégorique», a-t-il dit aux juges d’instruction, le 20 juillet. «Aucun élément d’information» ne lui était parvenu. «Si la question est de déterminer si je savais ou non qu’il y avait une usine Lafarge en Syrie, je n’ai pas de souvenir précis», a-t-il insisté. L’audition de Fabius a été qualifiée mardi d’«extrêmement inquiétante» par Marie Dosé, l’avocate de l’ONG Sherpa, à l’origine de l’enquête.

Les déclarations de Fabius sont totalement dépourvues de crédibilité. Déjà en 2014, deux ans avant de quitter le ministère des Affaires Etrangères, des rapports de presse faisaient état d’opérations de Lafarge en Syrie. Il n’est pas crédible de prétendre que le ministre des Affaires Etrangères n’était pas au courant de l’existence de cette usine, qui était au coeur du dispositif de renseignement franco-américain en Syrie, qui faisait l’object de communications entre Paris et Washington.

Mais si Fabius dit ne pas avoir été au courant, ceci soulève simplement la question: quels étaient alors les hauts dirigeants qui étaient au courant des opérations de Lafarge en Syrie, et est-ce que Hollande, Macron, ou Le Drian étaient au courant?

Les juges d’instruction se penchent à présent sur un autre aspect, dévastateur, de l’affaire: les ventes de ciment à Daech. Trois mois après la prise de l’usine par l’EI, les chefs de Lafarge discutaient semble-t-il toujours de perspectives de ventes de ciment à l’organisation terroriste, des faits qui contredisent la thèse du «racket» dont se sert Lafarge pour se défendre.

«Est-ce à dire qu’en France, un ministre des Affaires étrangères est volontairement tenu dans l’ignorance de questions aussi cruciales que le maintien d’une entreprise française dans un pays en guerre et en proie au terrorisme qui n’aura d’autre choix que de financer Daech pour maintenir son activité ?» a demandé l’avocate de Sherpa.

Tous les éléments disponibles pointent une complicité avec des organisations, Al Qaida et l’EI, dont les membres étaient en train de préparer des attentats terroristes meurtriers en France même. Les frères Kouachi membres d’Al Qaïda dans la péninsule arabe (AQPA) qui ont organisé l’attentat contre Charlie Hebdo en janvier 2015, avaient vu leur surveillance de quatre ans levée à l’été de 2014. Les auteurs des attentats du 13 novembre 2015 à Paris, membres de l’EI en Syrie, allaient et venaient entre la Syrie et l’Europe et purent préparer leurs attentats alors qu’ils avaient été identifiés.

L’opération n’a un sens que du point de vue de l’objectif stratégique du gouvernement PS: le renversement du régime Assad à tout prix, et l’imposition de mesures d’austérité impopulaires en France même.

A l’été de 2013, Hollande préparait une intervention militaire contre Assad, qui n’a pas eu lieu car Londres et Washington ont reculé au dernier moment. Les deux ennemis les mieux organisés d’Assad sur le terrain étaient Al Qaida (al-Nosra), et Daech – qui occupait un bon tiers du pays – financés par le Qatar et l’Arabie Saoudite avec le soutien logistique de Washington.

Alors que le PS expliquait aux Français qu’il soutenait des «forces démocratiques» luttant «contre un dictateur», il était en fait engagé dans un guerre néo-coloniale où il soutenait des barbouzes et des terroristes dans une opération de visant à imposer par la force un nouveau régime à un pays souverain.

Ces coulisses des attentats de 2015 et 2016 invaliden les raisons invoquées pour la suspension des droits démocratiques dans l’état d’urgence de novembre 2015, transformé en loi par la loi antiterroriste de Macron. L’état d’urgence a principalement servi à établir une structure d’État policier et à combattre la résistance des travailleurs à la casse sociale de Hollande-Macron. A présent, cette politique continue sous forme des ordonnances de Macron, de la casse du statut des cheminots, et de préparatifs pour de larges attaques contre la Sécurité sociale, les retraites, l’assurance-chômage et d’autres services sociaux essentiels.

La casse des acquis démocratiques et sociaux fondamentaux est menée par des responsables gouvernementaux qui organisent derrière le dos des travailleurs des opérations en tous points criminelles, et dont ils utilisent les conséquences meurtrières pour réprimer une résistance justifiée.


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