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Congrès à Versailles : «Emmanuel Macron devient une caricature de lui-même»

Auteur : Interview d'Eric Verhaeghe | Editeur : Walt | Samedi, 01 Juill. 2017 - 18h48

Réunissant le Congrès à Versailles avant l'intervention du Premier ministre à l'Assemblée, Macron montre, pour l'essayiste Eric Verhaeghe, «faiblesse et peur à l'idée de voir le pouvoir lui échapper» et un faible appétit pour la confrontation.

RT France : Emmanuel Macron a décidé de réunir le Parlement en Congrès à Versailles la veille du discours du Premier ministre à l'Assemblée. Certains voient dans ce geste une continuité dans l'incarnation d'Emmanuel Macron d'un président fort, fidèle à l'esprit de la Ve République et d'autres un emprunt aux Etats-Unis et au discours de l'Union. Quelle portée symbolique voyez-vous dans cette décision ?

Eric Verhaeghe (E. V.) : Symboliquement, je vois plutôt cela comme une marque de faiblesse. Un président qui ne douterait pas de son autorité par rapport à celle de son Premier ministre qui ne craindrait pas de la voir lui échapper, ne se sentirait pas obliger de le marquer à la culotte, comme on dit au football. Or, ce qu'on voit avec cette décision est qu'Emmanuel Macron a l'intention de ne laisser aucune marge de manœuvre à Edouard Philippe. Comme si laisser Edouard Philippe libre était une menace constante pour lui. Il s'agit pour moi d'une réaction de faiblesse et de peur à l'idée de voir le pouvoir lui échapper.

De ce point de vue, c'est probablement une erreur politique. Emmanuel Macron avait jusqu'à présent habité le personnage et la fonction présidentielle. Il avait su se placer au-dessus de la mêlée. Et là, brutalement, on se rend compte qu'en réalité ce qu'il veut revient à supprimer la mêlée. Forcément, cela fait immédiatement penser à son refus de donner une conférence de presse le 14 Juillet. Tout cela donne le sentiment d'un président qui n'a pas envie de se heurter à la contradiction et à la contestation préférant être dans un exercice unilatéral du pouvoir sans possibilité d'être débordé.

RT France : Outre les députés de la France insoumise et communistes, des figures de l'UDI ont également décidé de boycotter le Congrès à Versailles. Situation étonnante puisque le parti centriste militait jusqu'à présent pour travailler avec le gouvernement et le président. Comment expliquer cette situation ?

E. V. : Je pense que les élus de l'UDI et de l'opposition dite «constructive» ont compris qu'ils étaient en train de jouer un jeu gagnant pour Emmanuel Macron, perdant pour eux. Cette opposition n'a rien a gagner : elle ne pèsera pas plus sur les décisions qu'elle n'a pu le faire jusqu'ici, elle sera marginalisée. Dans la pratique, elle ne sera qu'un alibi pour Emmanuel Macron, lui apportant une légitimité sans contrepartie. On voit bien qu'Emmanuel Macron est en train de devenir la caricature de lui-même. Il n'a plus de limite dans l'exercice unilatéral du pouvoir. Il se complaît dans l'idée que rien ne pourra plus le contrecarrer et qu'il peut donc recevoir sans donner. Je pense qu'une opposition comme celle de l'UDI a eu l'illusion qu'elle allait recevoir quelque chose en échange du soutien qu'elle apportait et qu'aujourd’hui, Jean-Christophe Lagarde se rend compte que tel ne sera pas le cas. 

Dans le cas de l'UDI, il y a aussi un phénomène nouveau qui joue. Il existe une frange de l'opinion qui attend depuis un certain temps des critiques à l'encontre d'Emmanuel Macron et qui ne trouvait pas de relais dans les corps institués pour incarner cette opposition. Un certain nombre de personnalités de droite comprend qu'une partie importante de l'électorat attend une ligne dure vis-à-vis du président et que l'état de grâce est passé. Je pense que tous ces gens-là sont en train de se dire qu'ils sont allés trop loin dans leur soutien au président et que, désormais, il faut jouer un rôle d'opposition et de contre-pouvoirs comme cela se fait dans toutes les démocraties.

RT France : Bien que ne pouvant changer la donne aux vues de la majorité très large de la République en marche à l'Assemblée, cette décision d'Emmanuel Macron très largement critiquée pourra-t-elle influencer le vote de confiance au gouvernement ? Doit-on s'attendre à voir plus de députés que prévu la lui refuser ?

E. V. : Je suis dans l'impossibilité de vous dire quel sera le score obtenu par le Premier ministre. Il faut se rappeler que la confiance est accordée par l'Assemblée nationale au Premier ministre et à son gouvernement et non pas au président. Le résultat de ce vote de confiance sera donc à analyser avec prudence et finesse.

Il n'en demeure pas moins que les débuts d'Emmanuel Macron comme président avant les élections législatives ont été perçus comme excellents, tandis que les débuts de Macron en tant que président doté d'une majorité parlementaire sont en train de refroidir beaucoup de politiques et de retourner une grande partie de l'opinion. La situation est en réalité extrêmement chaotique : alors qu'il dispose d'une majorité confortable à l'Assemblée nationale, les décisions ne se prennent pas.

Il a transformé l'hémicycle en institution croupion ou en club de vacances pour ses amis mis en difficulté. Je pense que la perception de toute cela dans l'opinion publique est mauvaise. Cela montre qu'Emmanuel Macron s'installe dans ce sentiment de triomphe que l'on avait perçu lors de sa soirée à la Coupole après les résultats du premier tour de l'élection présidentielle. C'est-à-dire le sentiment que tout est gagné et qu'il n'y a plus d'efforts à faire, qu'on peut se laisser aller à ses caprices et à ses envies sans tenir compte de la réalité démocratique.

L'auteur, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet de conseil en innovation sociale Parménide et président de Tripalio. Il est également l'auteur de Au cœur du MEDEF et de Faut-il quitter la France ?


- Source : RT (Russie)

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