Crise financière: La Deutsche Bank sur le point de sauter
Le spectre d'un retour en 2008 est à nos portes. Ça ne date pas d'hier, nous en avons parlé à de multiples reprises ici même. Mais cette fois, ça se précise. Vous avez dû le lire ces derniers jours, la Deutsche Bank est dans une situation catastrophique et en plus, les Etats-Unis veulent lui imposer une amende de 14 milliards de dollars, ce qui l'achèverait quasi-instantanément. Bien entendu, ce ne serait pas la première banque à faire faillite, mais il se trouve que celle-ci est énorme. Et comme vous le savez désormais, il existe un truc magique pour les banquiers. Lorsqu'une grosse banque s'est complètement plantée, soit en raison de l'incurie de ses dirigeants, soit parce qu'elle a réalisé des opérations douteuses ou trop dangereuses et qu'elle a perdu, elle prononce la phrase magique : « risque systémique ». Du coup, les Etats contribuables la renflouent. C'est probablement le seul secteur économique à bénéficier de cette carte magique qui marche à peu près à tous les coups. L'ironie de l'histoire, c'est que ce sont ceux-là mêmes qui exercent les plus grosses pressions sur les gouvernements pour obtenir leur désengagement et une auto-régulation qui font le plus appel à nos porte-monnaies. Dans le cas de la Deutsche Bank, elle est particulièrement systémique. En cas de faillite, ce serait tout le système bancaire européen qui souffrirait, et par rebond, ceux des autres grandes puissances régionales. In fine, l'économie mondiale souffrirait sans doute sévèrement.
Mais que s'est-il passé ? N'avait-on pas tiré les leçons de 2008 ? La crise des subprimes, suivie de la crise de la dette, n'avait-elles pas mis un terme à la spéculation la plus incongrue, n'avait-on pas encadré les bonus des banquiers ? N'avait-on pas réformé le cadre dans lequel elles évoluent ?
La réponse est non.
Tous les affreux anarcho-communistes (le système aime bien ce type d'argument pertinent pour désigner ses contradicteurs) le crient sur tous les toits depuis 2008, mais personne n'écoute au sein du système : ni les politiques, ni les industriels, ni le secteur de la finance.
Pour comprendre les détails et savoir comment on en est arrivé là, vous pouvez lire le résumé fait par Mediapart ou aller lire les articles publiés sur le toujours excellent Zerohedge (un peu plus technique mais plus détaillé).
La chute éventuelle de la Deutsche Bank est un casse-tête pour tout le système financier, mais surtout pour les gouvernements et les banques centrales.
Comment sauve-ton le soldat Deutsche Bank quand on s'est lié les mains ?
Tout va très bien madame la marquise...
On peut commencer à s'inquiéter quand Christine Laboulette Lagarde se met à parler d'un sujet pour dire que tout va bien. La pire économiste du monde vient de nous gratifier d'un magistral :
« Deutsche Bank is a systemic important player in the global financial system. But, is on a solid base currently, and we are not at a stage in which I see the need for a government intervention ».
Ce qui, pour les initiés confirme que la situation est grave. Les initiés le savent d'ailleurs depuis des mois et la majorité tente de sauver ses investissements, ce qui précipite la chute du titre en bourse et fait fondre les fonds propres de la banque comme neige au soleil. Le cours de la banque allemande a plongé comme jamais et il est aujourd'hui nettement en dessous de ses niveau aux pires moments de la dernière crise. Sa capitalisation boursière a fondu d'un quart en moins d'un mois... On notera également que la banque est engagée sur des produits dérivés à hauteur de 42 000 à 60 000 milliards de dollars, selon les estimations. Une paille.
Allez, un petit chiffre pour mettre en regard de tous ces milliards très « virtuels », celui du produit intérieur brut (PIB) européen en 2015. Il s'est établi à 16 229 milliards de dollars. Si vous avez une idée pour éviter un effet Titanic pour la zone euro en cas de défaut de la Deutsche Bank, merci d'écrire à Christine Laboulette Lagarde et aux dirigeants européens qui continuent de jouer tranquillement de la musique sur le pont du paquebot.
Tu t'es vu quand t'as Chypré ?
Mais revenons aux méthodes de sauvetage... Angela Merkel, prise dans ses contradictions a dit publiquement que l'Etat allemand ne serait pas un payeur en dernier ressort. En clair, pas d'intervention étatique. Déclaration qui n'a pas aidé la banque, les marchés craignant désormais le pire. Mais ce n'est pas tout. Angela Merkel est prisonnière de choix précédents.
En avril 2013, l'Europe décide de « sauver » Chypre, nouveau domino qui tangue dangereusement. Mais cette fois, Bruxelles, en plus des fameux plans d'austérité décide que le coup du sauvetage des banques doit inclure... Les déposants. Au delà de 100.000 euros, leurs avoirs participeront au renflouement des banquiers qui ont planté leur établissement. C'était une nouveauté qui risquait fort de miner la confiance, la matière première des banquiers. Mais... Cela concernait Chypre. Un tout petit pays, éloigné, perdu au fond de la Méditerranée. Le monde financier ayant une capacité incroyable pour masquer la réalité s'est dit en rigolant du sort des chypriotes que finalement, cela ne risquait pas d'arriver dans un pays aussi fort que... L'Allemagne. Le géant économique européen ne pouvait être touché, pas plus que la France, par exemple. Nous, nous avons des banques solides. C'est bien connu.
Oui, mais non.
Comment Angela Merkel et ses amis pourraient ils continuer de justifier ce qui a été fait pour Chypre et refuser cette solution pour la Deutsche Bank?
D'autant plus que la Cour de justice européenne vient de rendre un arrêt très intéressant et étrangement passé complètement inaperçu.
Le 20 septembre, elle a confirmé le rejet de recours en annulation et en indemnité (détails ici) d'investisseurs ou déposants mauvais coucheurs concernant la restructuration du secteur bancaire chypriote. Sur le mode « un peu responsables, mais pas coupables vu que c'est pas elle, c'est l'autre », la Cour a renvoyé dans leurs cordes ceux qui trouvaient que quand même, se faire plumer par une baque qui a planté tout le monde, c'était un peu exagéré.
On voit d'ici les responsables politiques français et ceux du secteur financier expliquer dans le sillage de Christine Laboulette Lagarde qu'il n'y a aucune inquiétude à avoir pour la France.
Oui, mais non.
La Deusche Bank étant ce qu'elle est, une catastrophe aurait des effets très probables sur les systèmes bancaires et les économie de plusieurs pays. Dont la France, l'Italie (le maillon faible de toujours), l'Espagne...D'autant que très vite, les investisseurs (les investisseurs institutionnels, ou les zinzins, dans le jargon de la finance) s'intéresseraient à la Commerzbank, au Crédit Suisse, Barclays... Toutes en pleine forme...
Qui sait ?
Et bonne année 2017, vos dirigeants politiques vous protègent.
- Source : Reflets info