Taux d'intérêts négatifs : des emprunteurs exigent d'être rémunérés, les banques refusent
Plus de 400 particuliers ayant souscrit à un prêt immobilier demandent à leur banque d'être rémunérés. Et pour cause, les taux d'intérêt sont désormais négatifs. Les prêteurs en revanche refusent de payer.
Désormais, emprunter de l'argent pourrait vous en faire gagner. Du moins en théorie, car malgré la chute des taux d'intérêt sous la barre des 0%, les banques françaises refusent de rémunérer leurs clients emprunteurs ayant souscrit à un crédit immobilier à taux variable il y a plusieurs années. Depuis août 2015, l'AFUB (Association Française des Usagers des Banques) a déjà reçu 438 plaintes de particuliers qui reprochent aux banques de ne pas respecter la loi.
Dans la pratique, ces crédits immobiliers sont indexés sur l'Euribor, taux variable auquel les banques européennes se consentent des prêts. Or, l'Euribor est négatif depuis plusieurs mois maintenant, avoisinant les -0,250% (à trois mois) ces derniers jours. Si ce taux est en dessous de 0%, c'est parce que «les banques se financent déjà à niveau 0 auprès de la BCE», explique Serge Maître, secrétaire général de l'AFUB. Le système est, de fait, complètement inversé. C'est le prêteur qui doit payer un intérêt et l'emprunteur qui doit, en théorie, obtenir rémunération.
Mais les banques refusent d'accepter les demandes de remboursement d'intérêts ou de baisse de mensualités de leurs clients. «Deux thèses s'opposent, analyse Serge Maître, celle de la force du droit ou celle des banques qui diront qu'elles ne peuvent pas avoir de pertes dans la mesure où elles sont les prestataires de services». Des dizaines de grandes enseignes feraient partie de ce groupe de réfractaires. D'autres, qui ont pris davantage de précautions, ont opté pour des prêts à taux variable «capés», à la hausse comme à la baisse. Autrement dit, le taux d'intérêt est borné par des seuils qu'il ne peut dépasser. Une mesure de sécurité qui permet aux banques de se protéger des taux négatifs.
Vice-Président du Cercle des économistes, Bertrand Jacquillat analyse la situation:«C'est ennuyeux pour les banques mais celles-ci touchent, en plus d'un intérêt, une marge qu'elle ajoute initialement pour se protéger de ce genre de risque et compenser le taux négatif». Ce à quoi Serge Maître répond:«Les taux ont tellement baissé que les marges commerciales sont noyées».
«Toute la logique financière est née lors d'une période d'augmentation des taux» Serge Maître, secrétaire général de l'AFUB.
Le secrétaire général de l'AFUB porte plus largement un coup au système: «Toute la logique financière est née lors d'une période d'augmentation des taux, c'est pourquoi les prêteurs ont préconisé les taux variables pour espérer gagner toujours plus. Aujourd'hui, c'est toute l'économie financière des banques qui se retrouve déjouée par des taux très bas. Quand l'Euribor a augmenté personne ne s'est plaint. Maintenant qu'il baisse jusqu'au négatif, les banques doivent elles aussi respecter les clauses du contrat».
L'AFUB compte engager «une riposte» en attaquant les banques en justice. Problème, les taux variables sont aujourd'hui extrêmement rares en France. Seuls 40.000 crédits immobiliers seraient concernés (5% de l'ensemble des crédits). D'autant qu'ils ne sont qu'un peu plus de 400 à avoir porté réclamation auprès de l'AFUB qui conçoit que cela risque de ne pas peser lourd.
- Source : Le Figaro