Le pari de Macron sur Barnier n’a pas porté ses fruits
Ce mercredi, l’Assemblée nationale (la chambre basse du Parlement français) vote une motion de censure contre le Premier ministre Michel Barnier. Le projet de budget ne convient ni aux parlementaires du NPF, ni aux législateurs du parti le plus représentatif au Parlement, le Rassemblement national (RN).
Pour Marine Le Pen, le maintien de l’honneur politique est peut-être plus important dans la situation actuelle. «La seule [explication] et unique qui a guidé notre choix : censurer ce budget est, hélas, la seule manière que nous donne la Constitution pour protéger les Français d’un budget dangereux, injuste et punitif qui de surcroît aggrave les déficits déjà monstrueux de sept ans de macronisme», a-t-elle martelé pour expliquer ses intentions. Elle accuse, en outre, le gouvernement de mentir : «Avec la nomination de Michel Barnier, les Français attendaient de l’apaisement pour nos institutions, une vision pour le pays et un espoir de redressement. En inscrivant son budget dans la continuité catastrophique d’Emmanuel Macron, le Premier ministre ne pouvait qu’échouer. Il avait en revanche le choix, et le devoir, de ne pas mentir».
Au départ, peu de gens croyaient que le parti de Jordan Barella et de Marine Le Pen allait conclure une alliance avec les forces d’extrême gauche. Cependant, Le Pen est restée tellement insatisfaite du budget du cabinet Barnier qu’elle a exprimé le désir d’en suivre le principe pour suivre la motion de censure qui est le principal moyen dont dispose un parlement pour montrer sa désapprobation envers la politique du gouvernement et le forcer à démissionner.
Barnier comptait évidemment sur le fameux article 49.3 de la Constitution française qui permet au Premier ministre d’adopter des projets de loi sans vote au Parlement. Peut-être a-t-il déjà compris qu’il ne pouvait pas sauver la situation et il a quand même fait ce qu’il jugeait nécessaire. Lundi, le Premier ministre français a tenté de faire adopter sans vote le projet de loi de financement du secteur social pour 2025 qui fait partie du budget global. Cependant, les forces de gauche dirigées par LFI ont entamé une procédure de vote de censure. C’est la possibilité d’un vote de censure qui rend l’article 49.3 de la Constitution moins omnipotent. Après son application, les parlementaires disposent de 24 heures pour lancer une procédure pouvant conduire à la démission du cabinet.
Le vote a alors lieu dans un délai de 48 heures. Le Rassemblement national (RN) a déclaré que, bien que le parti soit prêt à soutenir la gauche, un projet indépendant de censure sera proposé séparément afin d’expliquer spécifiquement les raisons pour lesquelles Barnier ne devrait pas être Premier ministre. Cela laisse place à la négociation.
Marine Le Pen a, d’ailleurs, dénoncé «des manœuvres d’enfumage et de désinformation» par le parti de [Gabriel] Attal qui «dénonce une supposée collusion entre le Rassemblement national et LFI». «Que les choses soient clairement dites : une motion de censure n’est pas une coalition ni un accord politique, elle n’est rien d’autre que l’expression d’un désaveu de la politique et des choix budgétaires proposés par le gouvernement. La seule alliance qui s’est formée et qui a plongé la France dans le chaos est celle de l’entre-deux-tours des élections législatives, où les macronistes et l’extrême gauche, main dans la main, se sont désistés dans 210 circonscriptions pour faire barrage au Rassemblement national», a poursuivi Marine Le Pen.
Après tout, s’il y a deux motions de censure, mais que chacun d’eux n’obtient pas un nombre de voix suffisant (par exemple, la gauche votera pour le projet de LFI, mais le Rassemblement national ne les soutiendra pas, et vice versa), le projet de Le Pen ne sera pas soutenu par la gauche), alors le gouvernement Barnier survivra.
En attendant, les médias estiment que le jeu de Le Pen n’est en aucun cas un bluff et qu’elle est réellement prête à conclure un accord avec les forces de gauche. La presse souligne que la démission de Barnier à la suite du vote constituerait un événement historique. Après tout, la dernière fois que des membres du cabinet de Georges Pompidou ont été démis de leurs fonctions par un vote de censure, c’était en 1962. La condition posée par Le Pen au maintien de Barnier au poste de Premier ministre est de continuer à indexer les retraites des Français malgré un déficit budgétaire de 60 milliards d’euros.
En outre, le Rassemblement national préconise de subventionner les factures de gaz et de réduire les redevances vers l’Union européenne. Le Pen n’a pas manqué de rappeler qu’au cours de l’été, lors du second tour des élections législatives, les partisans de Macron et les forces de gauche ont en effet désigné des candidats communs dans 210 circonscriptions. Cette crise n’est en aucun cas de sa faute et les Français ne sont pas obligés de supporter le budget proposé par Matignon.
Si deux motions de censure sont annoncées contre Barnier, cela ne veut pas dire que le Premier ministre cessera immédiatement de travailler. Macron pourrait lui laisser le pouvoir, d’autant plus que le président ne pourra pas organiser d’élections avant l’été prochain. Mais le pire, c’est que l’économie du pays subit déjà des pertes. Les agences dégradent la note d’attractivité des investissements de la Ve République et le budget pour 2025 n’est pas adopté. L’ancien Premier ministre, Gabriel Attal, limogé par le président, le reconnaît également.
Peut-être que le pari du président sur le négociateur expérimenté Barnier n’a finalement pas porté ses fruits. Et, Macron le stipule fermement alors que la France s’enfonce dans une crise historique qu’il restera le président des Français «jusqu’à la dernière seconde». C’est ce qu’il a lancé aux médias lors de son déplacement en Arabie saoudite : «Il se trouve que si je suis devant vous, c’est que j’ai été élu deux fois par le peuple français. J’en suis extrêmement fier et j’honorerai cette confiance avec toute l’énergie qui est la mienne jusqu’à la dernière seconde pour être utile au pays». La crise en France semble vouloir perdurer dans le temps.
Le RN dispose de 124 sièges au parlement. La décision d’annoncer une motion de censure contre le gouvernement a précédemment été annoncée par l’alliance de gauche Nouveau Front populaire qui occupe 215 sièges à la chambre basse. Pour être votée, la motion de censure doit recueillir 289 voix des 577 parlementaires.
- Source : Observateur continental