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Vendredi, 29 Nov. 2024

Mission Apollo, l’hypothèse Kubrick

Auteur : Laurent Guyénot | Editeur : Walt | Vendredi, 12 Avr. 2024 - 14h11

Avec ce nouveau film Fly me to the Moon (Vers la Lune), la NASA a trouvé la meilleure parade au complotisme : dissoudre la vérité dans Hollywood afin de la transformer en fiction (et en comédie, de surcroît).

Désormais, à ceux qui évoquent le scénario «If we can’t make it to the moon, let’s fake it», on pourra répondre : toi, tu as vu le film ! Bien joué ! La prise de conscience du mensonge Apollo est un mouvement mondial qu’on ne peut plus arrêter, et  que les échecs récents du nouveau projet Artemis de la NASA ne font qu’accélérer et amplifier. Il fallait faire quelque chose. Ils ont fait ce qu’ils avaient de mieux à faire ! Ce film est un vaccin pour immuniser le public américain. La prochaine fois que Poutine émettra des doutes, on se moquera de lui en disant : «Il regarde trop de films américains !»

Mais, bien sûr, cette stratégie désespérée ne changera rien sur le long terme. Cela ne fait que retarder l’heure fatidique où les États-Unis devront reconnaître avoir le record mondial du gros mensonge. À vrai dire, ce ne sera pas si difficile : «C’était la Guerre froide, on était les gentils, on l’a fait pour la bonne cause, les Russes ont menti avant nous, etc».

J’ai réalisé en 2019 pour la Unz Review un dossier sur le canular lunaire (Moon Hoax), et pour AULIS un dossier sur le rôle de Johnson, (1) Ici, je voudrais profiter de la dernière réplique de la bande annonce : «On aurait dû prendre Kubrick» (I think we should have gotten Kubrick), pour faire le point sur «l’hypothèse Kubrick». Avertissement préalable : en aucun cas cette hypothèse ne peut être prise pour un argument en faveur de la théorie du «canular lunaire». L’hypothèse Kubrick n’est qu’une thèse annexe, à n’aborder qu’entre personnes déjà convaincus par les nombreux arguments techniques prouvant qu’aucun homme n’est jamais allé sur la lune pour y planter le drapeau américain et ramasser quelques cailloux. Le meilleur résumé de ces arguments est le film de Massimo Mazzuco, American Moon, maintenant en libre accès en français.

L’hypothèse Kubrick suggère que le réalisateur Stanley Kubrick a collaboré avec la NASA dans la réalisation des films lunaires Apollo, dans les années mêmes où il tournait son film 2001 : L’Odyssée de l’Espace (1968). Kubrick a commencé à travailler sur 2001 dès 1964, aussitôt après la sortie de son film antimilitariste Dr Folamour, qui déplut fortement au Pentagone. Selon la rumeur, Kubrick aurait, de façon plus ou moins contrainte, conclut un pacte faustien avec la NASA en échange de financements et d’autres formes d’aide, ce qui expliquerait aussi certains aspects de sa carrière (comme le fait que la NASA lui ait cédé des lentilles astronomiques qui lui permirent les prouesses techniques de son film suivant, Barry Lyndon). Que Kubrick ait reçu le soutien de la NASA pour son film 2001 n’est en fait un secret pour personne : le scénario a été co-écrit par Arthur C. Clark, un contributeur enthousiaste aux aventures de la NASA, et plusieurs assistants pour le film, tels que Harry Lange et Frederick Ordway, avaient travaillé pour la NASA et des entreprises aérospatiales. Certains croient donc que 2001 faisait partie d’un programme de la NASA à la fois pour fasciner le public avec les voyages spatiaux et pour tester les techniques de production des films.

Cette hypothèse est d’abord apparue lorsque les sceptiques qui étudiaient les photos et les films d’Apollo se sont convaincus qu’ils avaient été réalisés dans des studios de cinéma en utilisant la technique appelée frontscreen projection (projection frontale) une technique qui, justement, avait été perfectionnée par Stanley Kubrick pour son film 2001.

La théorie circulait déjà depuis un certain temps, lorsqu’un «documenteur»  français intitulé Dark Side of the Moon, réalisé par le Franco-Israélien William Karel, a été diffusé sur Arte en 2002, dans une tentative futile de discréditer par contamination la théorie du complot lunaire. Ce faux documentaire, au milieu d’un montage trompeur d’interviews tronquées de Rumsfeld et de Kissinger et de témoignages de faux experts, contient la confession filmée d’un faux Kubrick. Le principe consiste à faire semblant de soutenir une théorie du complot avec une «preuve» frauduleuse, afin de fournir aux débunkeurs un moyen de dénoncer toute la théorie comme frauduleuse. À mon avis, le simple fait qu’un grand média institutionnel finance et diffuse un tel «documenteur», et obtienne de Rumsfeld et Kissinger l’autorisation de détourner leurs propos, est plutôt un indice de la vérité de la théorie combattue de manière si sournoise et peu scientifique.

L’hypothèse Kubrick repose en partie sur une bonne connaissance du parcours professionnel de Kubrick, de sa filmographie, de sa méthode de travail (son obsession pour les détails) et de sa personnalité (passablement paranoïaque). Je ne peux pas m’étendre ici sur ces aspects. Certains sont abordés dans cette émission de la chaîne RichPlanet TV de Richard Hall.

L’hypothèse Kubrick a gagné une nouvelle vigueur lorsque le réalisateur Jay Weidner y a ajouté son décryptage du film The Shining de 1980, dans lequel Kubrick aurait, selon Weidner, avoué de manière cryptée sa participation à l’imposture Apollo. Weidner présente ses arguments dans son documentaire Kubrick’s Odyssey: Secrets Hidden in the Films of Stanley Kubrick. Part One: Kubrick and Apollo. Il donne également un bref résumé de sa théorie dans le film documentaire Room 237 (2012), qui rassemble différentes interprétations du film. La partie consacrée à la théorie de Weidner est ici sur Youtube

Quand j’ai entendu parler de cette théorie pour la première fois et que j’ai regardé Room 237 (je n’ai pas regardé le film Kubrick’s Odyssey), je ne lui ai pas accordé beaucoup de crédit. Mais après avoir examiné à nouveau The Shining avec cette théorie à l’esprit, et après avoir étudié les autres films de Kubrick (en particulier son dernier, celui qui l’a tué, Eyes Wide Shut, sorti précisément le 16 juillet 1999, 30ème anniversaire d’Apollo 11, comme Kubrick lui-même l’avait exigé par contrat) et leurs couches de sens cachés, et après avoir appris son obsession perfectionniste pour chaque détail, je trouve cette théorie non seulement fascinante, mais aussi très plausible.

Le point de départ de Weidner est l’observation que, bien que le film The Shining soit prétendument basé sur le roman du même titre de Stephen King, Kubrick a ignoré le scénario adapté par King lui-même, et a changé tellement de choses dans l’histoire qu’on peut dire que c’est une histoire totalement différente—ce qui a d’ailleurs rendu King très amer. Kubrick semble avoir utilisé le roman de King comme couverture pour son histoire à lui. (Selon Weidner, en changeant la couleur de la VW de la famille Torrance dans le film de rouge à jaune, et en insérant une scène où l’on voit une VW rouge accidentée, aurait indiqué symboliquement sa volonté de détruire l’histoire de King pour en faire autre chose.)

Ce qui est donc intéressant, c’est de se concentrer exclusivement sur les éléments du film qui s’écartent du roman de King, et sur les détails qui ne semblent pas avoir d’incidence directe sur le récit principal. Weidner n’est pas le seul à adopter cette approche : de nombreux admirateurs de Kubrick pensent que le film a des significations cachées. Certains prétendent, de façon convaincante je crois, qu’il contient des références énigmatiques à l’exploitation sexuelle des enfants, un thème clairement sous-jacent également dans Eyes Wide Shut. Mais The Shining semble être une œuvre à multiples niveaux de sens. Weidner, pour sa part, lit dans le film une confession autobiographique cryptée du rôle de Kubrick dans la simulation des alunissages d’Apollo onze ans auparavant.

Stuart Ullmann (l’Etat) et Bill Watson (l’Etat profond)

Deux scènes en particulier donnent les clés de ce récit énigmatique. La première, c’est lorsque Danny (représentant l’enfant de Jack/Kubrick, c’est-à-dire les films Apollo) se lève en portant un pull Apollo 11, sur un tapis au design similaire au Launch Complex d’où furent lancées les fusées Apollo. Plus tard, Danny porte un pullover avec Mickey Mouse, ce qui est une manière d’associer Apollo 11 à Walt Disney (lequel contribua en effet à la propagande NASA).

Danny (l’enfant de Kubrick) est Apollo 11 (et une production Disney ?)

Peu après, Danny entre dans la chambre n°237, qui contient le secret de l’hôtel. Le numéro de chambre était 217 dans le roman de King, mais Kubrick l’a changé en 237 en référence à la distance de 237 000 miles qui sépare la terre de la lune (selon l’estimation courante à l’époque). La «chambre 237» est en fait la «chambre lunaire», car room ressemble à moon lu à l’envers, et Kubrick nous demande de lire les mots à l’envers dans la scène où le mot redrum se révèle être murder dans le miroir. La chambre 237, où Jack trouve une belle femme nue qui se transforme dans ses bras en horrible vieille, est le studio de la NASA où Kubrick a travaillé, pour produire la belle illusion Apollo, qui est en réalité un horrible mensonge.

La deuxième scène la plus importante du point de vue du sous-texte énigmatique de Kubrick est lorsque Wendy, l’épouse de Jack, découvre que son mari, qui est censé écrire un roman, n’a tapé qu’une seule phrase répétée indéfiniment : All work and no play makes Jack a dull boy («Le travail et le manque de loisir font de Jack un garçon ennuyeux»). Cette phrase, qui doit avoir été choisie par Kubrick dans un but bien précis, prend un sens secondaire une fois que l’on se rend compte que «All», dans la police des machines à écrire américaines, ne peut être distingué de A11, qui peut signifier Apollo 11.

La femme du réalisateur découvre qu’il travaille pour A(pollo) 11 (notez que, dans la première ligne, Kubrick attire l’attention sur le 11)

Lorsque Jack surprend Wendy en train de lire les pages, il lui dit à quel point son contrat est sérieux :

«As-tu déjà pensé un seul instant à mes responsabilités envers mes employeurs ? […] Est-ce important pour toi que les propriétaires m’aient fait entièrement confiance et que j’aie signé une lettre d’entente, un contrat, dans lequel j’ai accepté cette responsabilité ? […] T’es-t-il déjà venu à l’esprit ce que deviendrait mon avenir si je n’assumais pas mes responsabilités ?»

Outre ces deux scènes, il existe un certain nombre d’autres indices qui étayent cette lecture subliminale de The Shining. Pourquoi Kubrick, par exemple, a-t-il mis dans le grand salon de l’hôtel une tapisserie indienne dont les motifs ressemblent à des fusées ? Lorsque Jack les vise avec une balle, cela représente-t-il Kubrick «filmant» (shooting, verbe qui signifie en anglais à la fois viser et filmer) les films d’Apollo ?

Juste après cette séquence, Wendy et Danny vont dans le labyrinthe, tandis que Jack va observer une maquette du labyrinthe à l’intérieur du salon. La maquette se confond avec le vrai labyrinthe en fondu enchaîné, suggérant que le labyrinthe n’est qu’un décor. Le plan aérien de l’Hôtel Overlook, qui montre clairement qu’il n’y a pas de labyrinthe à côté de l’hôtel, semble conduire à la même idée. Venant de Kubrick, cela ne peut pas être une erreur de continuité.

Des impossibilités spatiales déconcertantes dans le film ont également été découvertes par des critiques avertis tels que Rob Ager. Là encore, ce ne sont pas des erreurs, car Kubrick s’est donné beaucoup de mal pour les produire. Par conséquent, elles doivent avoir un message à faire passer, qui peut-être : ce qui semble être à l’extérieur a en fait été filmé à l’intérieur.

Il y a aussi deux brèves allusions énigmatiques à la télévision, l’une dans les dialogues, et l’autre dans les images, qui s’inscrivent bien dans le sens caché que Weidner prête au film : la première allusion est une remarque sarcastique sur la notion que ce qui est vu à la télévision est «OK» (voir la scène ici), et l’autre est un poste de télévision mystérieusement sans fil (impossible en 1980) montrant le film Summer of 42.

«Tu vois, c’est tout bon, il l’a vu à la télévision»

Un autre indice possible laissé par Kubrick pour nous faire savoir qu’il avait caché un témoignage autobiographie dans The Shining, est le documentaire qu’il a demandé à sa fille Vivian de filmer durant le tournage (maintenant inclus comme bonus dans les DVDs). Il fait apparaître Kubrick comme un reflet de Jack Torrance.

Jack écrit une histoire d’horreur, tout comme Stanley, ici filmé par sa fille en train de taper le manuscrit.

Cela a été détecté même par des critiques qui ne portent aucun intérêt à la théorie d’Apollo, comme Rob Ager, qui écrit :

«La décision de Kubrick d’autoriser le tournage d’un documentaire sur le plateau de The Shining a constitué une rupture sans précédent par rapport à sa politique de travail ultra-secrète habituelle. Toutes les images des coulisses ont été filmées par sa fille Vivian. Sans s’en rendre compte, de nombreux critiques de cinéma et biographes ont accidentellement identifié la motivation de Kubrick pour livrer ce documentaire. À maintes reprises, ils ont décrit son comportement dans les coulisses comme étant comparable à celui du personnage principal du film, Jack Torrance. Une des biographies que j’ai lues […] affirmait même que des blagues circulaient durant le tournage sur les similitudes d’apparence et de comportement entre le personnage de Jack Nicholson et Stanley Kubrick. Ma théorie est que Kubrick a délibérément créé ces parallèles entre lui et Jack, à la fois dans le documentaire et aux yeux de son équipe. L’exemple le plus frappant de ce parallèle est la façon dégradante dont Kubrick traite l’actrice Shelley Duvall (Wendy) et l’acteur Scatman Crothers (Halloran), dont les personnages sont tous deux victimes de la folie de Jack Torrance.

Note:

(1) https://www.aulis.com/lbjmooned.htm.


- Source : RI

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