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Vendredi, 22 Nov. 2024

L’avenir de l’Union européenne, vraiment?

Auteur : Olivier Frot | Editeur : Walt | Lundi, 18 Déc. 2023 - 11h55

Partie 1

Une personne âgée vit dans sa petite maison de famille dont elle est propriétaire, dans un village français. Une loi décidée par le gouvernement de l’Europe impose la rénovation énergétique après un contrôle obligatoire, aux frais du propriétaire. Disposant d’une petite pension de réversion, n’ayant pas connaissance de ce texte, la dame n’entreprend aucun contrôle ni travaux. Ses faibles revenus l’empêchent de se chauffer correctement pendant l‘hiver. Commanditée par l’administration pour des contrôles aléatoires, une équipe d’inspecteurs lui rend visite. Méfiante, elle leur refuse l’entrée de son domicile. Résultat: 5 000 euros d’amende pour non-respect de l’ordonnance sur les contrôles aléatoires des autorités, assortie d’une injonction de faire réaliser des travaux d’isolation du plafond de l’étage supérieur sous peine d’une amende de 50 000 euros…

Cela paraît fou, mais cela existe déjà en Allemagne : et demain pourrait être décidé par l’Europe sans que la France puisse s’y opposer.

La règle de l’unanimité et la majorité qualifiée

La “construction européenne” est, selon ses termes mêmes, “sui generis”, c’est-à-dire sans aucune autre organisation comparable. Mettant en avant des prétendues valeurs démocratiques, cette organisation se caractérise au contraire par la confusion des pouvoirs aux mains de technocrates non élus (la Commission) et un Parlement dont on peine à comprendre l’utilité réelle, dans la mesure où il n’a pas l’initiative des lois et où des partis apparemment de sensibilité différente votent le plus souvent dans le même sens (PPE, socialistes, Verts, libéraux…). Le Conseil européen, composé des chefs d’États ou de gouvernement, détient la compétence décisionnaire, soumise à la règle de l’unanimité. Certains domaines sont soumis à la décision de la majorité qualifiée: aujourd’hui, ils concernent la politique agricole commune, certaines politiques économiques et financières, la politique de la concurrence, l’environnement et certaines politiques sociales. Le vote à la majorité qualifiée est un système de voix pondéré: chaque membre se voit attribuer un certain nombre de voix en fonction de sa population, avec, au minimum, trois voix pour les pays les moins peuplés. La majorité qualifiée représente au moins 55 % des voix des États membres représentant au moins 65 % de la population de l’UE. De plus, la décision doit être soutenue par au moins quatorze pays. Ce système est supposé faciliter les décisions en évitant le blocage par le veto d’un pays. 

Une réflexion à propos de l’avenir de l’Europe s’est tenue en 2022, présidée par le député européen belge Guy Verhofstadt, les propositions ayant été élaborées par des “panels de citoyens européens”, déposées sur la plateforme en ligne de la conférence. 

Ces propositions ont été reprises dans un récent rapport présenté par Guy Verhofstadtet quatre autres députés, tous allemands, membres de la commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen (PE).

La Commission transformée en gouvernement…

Les perspectives annoncées, outre l’extension des décisions à la majorité qualifiée dans de nombreux nouveaux domaines, verraient la transformation de la Commission en un gouvernement, dont le président serait élu et choisirait ses commissaires. Ainsi, des domaines relevant encore de la compétence exclusive des États membres seraient remontés au niveau de l’UE. On trouve dans le rapport “les menaces sanitaires transfrontalières, y compris la santé et les droits sexuels et génésiques, la protection civile, l’industrie et l’éducation”. Mais également qu’il “faudrait développer davantage les compétences partagées dans les domaines de l’énergie, des affaires étrangères, de la sécurité extérieure et de la défense, de la politique des frontières extérieures et des infrastructures transfrontières”. De plus, un nouveau cycle d’élargissement serait initié, sans droit de veto possible, avec de nouveaux candidats tels que la Macédoine du Nord, le Kosovo (que pourtant cinq pays — Espagne, Grèce, Roumanie, Slovaquie, Chypre — de l’UE n’ont pas reconnu en tant qu’État), ou encore la Moldavie, l’Albanie, la Géorgie et… l’Ukraine.

Le Parlement européen a récemment voté en faveur de ces propositions visant à modifier les traités pour étendre les décisions relevant de la majorité qualifiée au détriment de l’unanimité et pour conférer au Parlement un rôle accru et notamment un droit d’initiative législative, ce droit relevant actuellement de la seule Commission… 

… et un Etat européen obsédé par le contrôle

Une telle modification des traités reviendrait à entériner la constitution d’un État européen, de nature fédérale dans les termes, mais plutôt jacobin, centralisé si l’on prend l’ensemble des compétences transférées. Un État autoritaire, sous une direction de fait, allemande, visant à tout contrôler en allant encore plus loin que la politique de censure récemment mise en place avec le Digital Service Act (DSA), initié par Thierry Breton, tout cela, bien évidemment, en mettant en avant de bons sentiments et des principes, maintenant habituels, d’inclusion, de développement durable, d’Etat de droit…

Il convient de noter que l’Assemblée nationale a voté une résolution validant ce processus. Le rapport a été présenté par le député Jean-Louis Bourlanges (Modem). Cette résolution a été votée par 123 votants, pour 118 suffrages exprimés dont 72 pour (Renaissance et le centre, deux socialistes présents), et 40 contre (essentiellement RN et LFI). Les députés LR présents se sont abstenus.
Même si le vote de cette résolution n’a qu’un caractère indicatif et symbolique, on peut s’étonner de la faible participation à ce vote (123 sur 577 députés…) et la facilité avec laquelle un tel bouleversement potentiel a été entériné, dans la plus grande discrétion.

Partie 2

Une évolution orwellienne 

L’Union européenne, évolution de la Communauté européenne avec le traité de Maastricht de 1992, renvoie une image de vocation impériale avec extension potentielle illimitée. Son obsession du contrôle révèle une dérive totalisante dont l’on devrait légitimement s’inquiéter.

Force est de constater aujourd’hui que toutes les promesses de la construction européenne peinent à convaincre tout esprit un peu critique.

“L’Europe c’est la paix”. Or, l’UE arme l’Ukraine, encourage la guerre et a envoyé à la mort des centaines de milliers d’Ukrainiens, et déploie toute son énergie pour mettre de l’huile sur le feu et éviter la paix, pendant que les dirigeants ukrainiens corrompus achètent des yachts de grande taille et des villas somptueuses sur la Côte d’Azur, à Marbella ou Miami. On se souviendra aussi des déclarations belliqueuses?d’Ursula von der Leyen en Israël, en dehors de son champ de compétence. Donc en toute illégalité.

“L’Europe c’est la prospérité” : or les pays de l’UE s’enfoncent dans la crise, le nombre de pauvres augmente, les usines ferment, les agriculteurs sont en grande difficulté, l’inflation gagne et les prix de l’énergie ont explosé, du fait des sanctions contre la Russie et d’une vision idéologique du marché européen de l’électricité.

“L’Europe c’est la transparence” : pourtant, on ne sait toujours pas dans quelles conditions madame von der Leyen aurait négocié en 2021, par SMS, le méga contrat de vaccins anti-Covid (10 doses par habitant européen) avec les sociétés Pfizer et BioNTech pour 35 milliards d’euros, ceci malgré les demandes de citoyens, de députés européens et même de la médiatrice et de la Cour des comptes européennes, la Commission s’étant refusée jusqu’ici à toute communication des pièces. La justice est saisie de cette question dans plusieurs pays et au niveau des juridictions européennes.

Le Parlement européen a été entaché d’une grave affaire de corruption, les enquêteurs ont retrouvé des valises de billets au domicile de sa vice-présidente, qui, après un bref passage en prison, a retrouvé son siège, comme ses acolytes concernés par cette affaire.

On pourrait continuer la litanie…. 

Un empire totalitaire sous commandement allemand

Certains disent que si l’Europe fonctionne mal c’est parce qu’il n’y a pas assez d’Europe, comme dans l’URSS de Brejnev, on affirmait ne surmonter les échecs du régime que par plus de communisme. L’UE est une nouvelle URSS.

Ce projet de révision des traités aurait donc pour conséquence la disparition des nations européennes au profit d’un empire, plus centralisé que fédéral. Les anciens États membres y auraient moins d’autonomie et de liberté que n’importe quel État fédéré des États-Unis. Un empire sans peuple, car il n’y a pas un, mais des peuples européens, ne peut qu’être un État totalitaire.

Le projet prévoit aussi une armée européenne, tout en restant alignée sur l’OTAN, instrument aux ordres des États-Unis: cette armée pourrait être utilisée pour réprimer des peuples en révolte qui seraient alors considérés comme des séparatistes, des indépendantistes. Concrètement, à quand des unités composées de soldats de pays de l’Est et du Nord, envoyés pour réprimer des révoltes dans le sud de la France ? Ce serait le retour des guerres coloniales, mais sur le territoire européen. Voici un avenir peu réjouissant si l’on regarde les conséquences de ce projet funeste qui, de plus, compte tenu des pays pauvres que l’UE entend intégrer, conduirait les pays contributeurs nets, la France en particulier, à la ruine. Aujourd’hui la France transfère déjà des crédits à l’Ukraine pour rénover ses voies ferrées, alors même que le réseau ferré français est dans un état peu reluisant. Et il ne s’agit que d’un petit exemple au milieu de nombreux autres de même nature.

Cet empire sera sous la direction allemande, comme c’est déjà le cas de l’UE d’aujourd’hui, l’Allemagne entendant continuer à profiter de son hinterland des pays de l’Est. Là aussi, les dirigeants allemands se bercent d’illusion car ils n’inventeront pas l’énergie pas chère dont ils ont besoin et dont ils ont privé leur industrie, en s’alignant sur Washington contre la Russie. Car, in fine, l’Europe sous la direction allemande n’est dans la pratique qu’une colonie des USA. Comme le disait Henry Kissinger, “Être l’ennemi des États-Unis peut être dangereux, mais en être un ami est fatal.”

Ce funeste traité sonnera-t-il la fin peu glorieuse de 1 500 ans d’histoire de la France?

Et désormais, que va-t-il se passer?

Fort heureusement, ce projet, qui est en partie une régularisation de l’évolution constatée avec les pratiques habituelles mises en œuvre par la Commission Von der Leyen qui s’est octroyée de nombreux pouvoirs au mépris des traités (voir notre précédent article sur le sujet), n’est pas encore bouclé. Le lancement est tout proche, car le Conseil européen des chefs d’États et de gouvernements s’est réuni les 14 et 15 décembre 2023: à cette occasion, la révision des traités sera enclenchée, cela ne fait aucun doute. Pour cette révision, la règle de l’unanimité reste en vigueur. L’Estonie s’est déjà prononcée en opposition à ce projet. Il est probable que la Hongrie et peut-être, la Pologne, la Slovaquie la rejoignent. Cependant, ces États membres sont des bénéficiaires nets des subsides européens: on peut facilement imaginer que des opérations de chantage puissent avoir raison de leur opposition. Des oppositions populaires sont prévisibles dans de nombreux États membres, les récents résultats électoraux de partis plus critiques, de droite ou de gauche dans divers pays (Pays-Bas, Slovaquie...) et même en Allemagne, la montée en puissance de l’AFD et celle de Sarah Wagenknecht issue de Die Linke devraient créer des difficultés et au moins retarder cette évolution. Une fois le projet agréé par le Conseil et le Parlement, élu en juin 2024, il reste la ratification par chaque État membre.

Et en France?

Un tel traité entraînerait des modifications profondes de la loi, voire de la Constitution.

Si le Président le décide, les français seront appelés à décider par référendum. Mais, compte tenu de l’expérience du référendum de 2005 ou les français ont refusé le projet de Constitution européenne à 55 % des voix avec une forte participation malgré le soutien majoritaire de la classe politique et une propagande incessante, il est peu probable qu’Emmanuel Macron, européiste convaincu, choisisse cette option, alors que la solution du Congrès réuni à Versailles serait de nature à l’assurer d’une ratification facile, comme l’avait fait Nicolas Sarkozy en 2007 pour annuler le résultat du référendum de 2005.

L’article 53 de la Constitution n’impose pas le recours au référendum. L’article 11 soumet celui-ci à la seule volonté du Président. À moins que l’on ne considère que l’article 86, traitant de la transformation du statut d’un État membre de la Communauté, soit applicable en l’espèce, bien qu’il ne s’agisse pas ici de la sortie de la Communauté, mais de l’effacement dudit État. Dans un tel cas, le référendum serait obligatoire.

Dans l’immédiat, il est surprenant que les grands médias restent si discrets sur ce thème, alors que les élections pour le Parlement européen sont la prochaine échéance électorale. Il est encore plus surprenant que les partis politiques engagés dans cette consultation, n’abordent pas le sujet, espérant peut-être une forte abstention, ce qui assurera des places de députés aux partis européistes.

L’effacement de la France par ses représentants serait une forfaiture gravissime et un acte de haute trahison.

L'auteur, Olivier Frot, est docteur en droit.


- Source : FranceSoir

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