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Mercredi, 25 Déc. 2024

La loi du 21 juillet d’extension du pass sanitaire était déjà dans les tuyaux il y a 7 mois

Auteur : Charles-Maxence Layet | Editeur : Walt | Mardi, 20 Juill. 2021 - 08h43

Rappelez-vous, le 21 décembre 2020 (par ailleurs date d’anniversaire de notre président actuel), le premier ministre Jean Castex déposait un projet de loi souhaitant instituer un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires. Prévue au départ pour être débattue rapidement, la présentation de ce projet de loi a finalement été repoussée de quelques mois suite aux vives critiques du texte à droite, à gauche et à l’extrême droite, que certains interprétaient alors comme une obligation vaccinale détournée. Cette fois, ce n’est plus avant Noël, mais le 21 juillet 2021, soit une semaine avant le mois d’août que le Gouvernement revient à la charge. Au mot près. Sans susciter cette fois beaucoup de vagues au sein de la classe politique… Comparons.

Première tentative d’un « régime pérenne de gestion des urgences sanitaires »

21 décembre 2020, le projet de loi n°3714 arrive au bureau de l’Assemblée nationale. Son ambition, explique le premier ministre est de « bâtir un cadre robuste et cohérent à partir des dispositions qui préexistaient à la crise et de celles mises en place à cette occasion ». En clair « de substituer à ces dispositions, conçues dans des circonstances particulièrement contraintes et pour faire spécifiquement face à l’épidémie de Covid?19, un dispositif pérenne dotant les pouvoirs publics des moyens adaptés pour répondre à l’ensemble des situations sanitaires exceptionnelles ».

« La refonte prévue par le présent projet de loi distingue deux niveaux d’intervention selon la gravité de la situation et la nature des mesures à prendre pour y faire face : l’état de crise sanitaire, d’une part, et l’état d’urgence sanitaire, d’autre part. Ces deux régimes pourront rester parfaitement autonomes mais ils pourront également s’inscrire dans le prolongement l’un de l’autre, car l’état de crise sanitaire pourra être déclenché avant comme après l’état d’urgence sanitaire, soit pour juguler une crise naissante qui n’a pas encore l’ampleur d’une catastrophe sanitaire, soit pour mettre un terme durable aux effets d’une catastrophe qui n’aura pu être empêchée. Pendant la catastrophe sanitaire elle?même, c’est le régime de l’état d’urgence sanitaire qui s’appliquera avec ses prérogatives propres auxquelles s’ajouteront celles de l’état de crise sanitaire, applicables de plein droit », précise le premier ministre.

Qui ajoute : « Il est en outre proposé de bâtir un cadre pérenne des systèmes d’information de crise, une disposition législative étant nécessaire pour autoriser, dans la stricte limite nécessaire à leur objet, des dérogations au secret médical, comme c’est actuellement le cas pour les systèmes créés pour la crise de la Covid?19 ».

Exit le secret médical ?

Le projet de loi prévaut notamment l’ajout dans le Code de Santé publique d’un chapitre spécifique aux « Systèmes d’informations » comprenant une « sous-section qui établit un régime pérenne autorisant la création, par décret en Conseil d’État, après avis de la Commission nationale de l’Informatique et des Libertés, de traitements de données personnelles dérogeant au secret médical dans les situations sanitaires exceptionnelles qui le justifient ».

Mais c’est une autre disposition que celles « des dérogations au secret médical » ou celles, nouvelles, de la mise en quarantaine ou en isolement des personnes contaminées ou cas contact, qui va particulièrement faire débat et entrainer le report du projet de loi. Celle de « subordonner les déplacements des personnes, leur accès aux moyens de transports ou à certains lieux, (…) au suivi d’un traitement préventif, y compris à l’administration d’un vaccin ».

Retrait en décembre

Car fin décembre 2020, les réactions au projet de loi 3714 se sont multipliées au sein de la classe politique, certains n’hésitant pas à exprimer leurs craintes quant à la mise en place d’un « passeport sanitaire » pour pouvoir se déplacer ou pratiquer certaines activités, alors que l’expression ne figure pas dans le texte.

Ces critiques sont d’abord liées à une phrase qui cristallise l’opposition : « subordonner les déplacements des personnes, leur accès aux moyens de transports ou à certains lieux, ainsi que l’exercice de certaines activités à la présentation des résultats d’un test de dépistage établissant que la personne n’est pas affectée ou contaminée, au suivi d’un traitement préventif, y compris à l’administration d’un vaccin, ou d’un traitement curatif ».

Après les vives polémiques suscitées par son projet de loi sur la gestion pérenne des crises sanitaires, l’exécutif décide finalement le jour-même ou presque de mettre le pied sur le frein. Annonçant repousser de quelques mois l’examen de ce projet de loi. Et ces quelques mois… c’est maintenant !

… Retour en juillet ?

Le ton est donné avec l’article 1 du projet de loi sur l’adaptation de nos outils de gestion de la crise sanitaire. Présenté au conseil des ministres le 19 juillet, puis à l’assemblée nationale le 21 juillet 2021, ce texte prévoit de : « Subordonner l’accès des personnes à certains lieux, établissements ou événements à la présentation soit du résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, soit d’un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19, soit d’un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la covid-19 pour :
« a) Les activités de loisirs ;
« b) Les activités de restauration ou de débit de boisson ;
« c) Les foires ou salons professionnels ;
« d) Les services et établissements accueillant des personnes vulnérables, sauf en cas d’urgence ;
« e) Les grands établissements et centres commerciaux ».

La feuille de route a été divulguée le 12 juillet dernier. Et l’examen par le Conseil d’État de ce nouveau projet de loi est en cours.

Regardons les mots employés entre les versions de décembre et de juillet. C’est à dire à peine 7 plus tard. Les similitudes sont frappantes. Le procédé aussi. Exit en revanche la référence à une « gestion pérenne », place cette fois à « l’adaptation de nos outils de gestion ». Si l’intitulé a changé, le contenu des mesures restent étonnamment proche. Quand à la période choisie, il ne s’agit plus non plus de la période de Noël cette fois, mais bien du cœur des vacances d’été. Il est certain que cette période est la plus représentative d’une vie démocratique exemplaire.

Il est toujours question de pass sanitaire, mais aussi d’isolement. Ce qui concerne le secret médical a disparu en revanche de l’avant-projet de loi du 21 juillet 2021.

Un plan bien préparé ?

Premièrement, on l’aura compris, ce qui nous arrive est en fait tout sauf improvisé, ni fignolé à la va-vite.

Le cadre annoncé le 12 juillet s’avère en réalité proposé dès le 21 décembre 2020.

Et le projet de loi du 21 décembre 2020 soumis à l’avis du Conseil d’État le 3 décembre.

Et en ce qui concerne la dérogation au secret médical, le projet de loi du 21 juillet 2021 bénéficie fort opportunément de l’avis de la CNIL remis le 1er juillet dernier. Délibéré faisant suite à une demande de modification de décret datant du 12 mai 2021 et pour laquelle la CNIL rappelle, « qu’en principe, elle n’est pas favorable à la constitution, pour les médecins, de listes de leurs patients non vaccinés. » La CNIL « estime néanmoins que le contexte sanitaire peut justifier l’envoi aux médecins traitants, de façon sécurisée, de la liste de leurs patients non vaccinés à la COVID-19, mais uniquement s’ils en font la demande (…) l’obligation pour le médecin de détruire la liste à l’issue de la campagne de sensibilisation ».

Des mesures disproportionnées

Une autre réflexion porte sur la proportionnalité des mesures annoncées. L’avis du conseil d’état du 20 décembre 2020, ne cesse de le rappeler les mesures doivent être proportionnées, et que seule une menace ou une crise sanitaire « grave » peut justifier de telles décisions.

Alors que le nombre de décès ne cesse de diminuer, et que le taux de vaccinés « prémunis » contre les formes graves du virus augmentent, voire que les traitements précoces font de mieux en mieux la preuve de leur efficacité, sommes nous dans une situation sanitaire « grave » justifiant ces mesures autoritaires et restrictives ? La menace justifie-t-elle l’instauration d’un « État policier » pour reprendre les mots du philosophe et député européen François-Xavier Bellamy, chef de file des Républicains à Bruxelles ? Comme beaucoup, je le ne crois pas.

Et c’était aussi officiellement l’avis du gouvernement en décembre 2020. « À Matignon, on insiste sur le fait que ces mesures ne s’appliqueront pas forcément pour l’épidémie que nous vivons actuellement », rapportait, rassurant, le quotidien 20 minutes le 22 décembre dernier.

C’était aussi l’avis du Conseil d’État le 20 décembre 2020. « En repoussant l’étude de ce texte, le gouvernement a ainsi suivi les recommandations du Conseil d’État », expliquait Capital le 23 décembre 2020. Dans son avis publié en début de semaine, l’institution a jugé ce texte un peu prématuré. Elle  « estime que la réflexion engagée pour définir un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires devra être poursuivie à l’issue de l’épidémie afin de tirer les enseignements de l’évaluation de la gestion de la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19 ».

La suite, vous la connaissez. Elle a été annoncée sur les ondes le 12 juillet 2021. Elle s’appelle désormais « pass sanitaire », « incitation vaccinale » et « accompagnement à la vaccination », dans le silence aussi surprenant qu’assourdissant des ténors politiques pourtant vent debout sept mois plus tôt.

Sources :


- Source : Nexus

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