Coût de production 6 euros, prix de vente 2.000 euros: le producteur du remdesivir sous le feu des critiques
Le remdesivir, un médicament qui peut aider les patients atteints d'une forme grave de la maladie, sera vendu à un prix qui serait 300 fois plus élevé que le coût de production. Gilead Sciences affirme que son prix est juste, mais l’entreprise pharmaceutique est sous le feu des critiques. Aux États-Unis, des démocrates et des républicains demandent au gouvernement de retirer le brevet de l’entreprise.
Une lettre ouverte du PDG d’une grande entreprise pharmaceutique, ce n’est pas courant. Mais fin juin, Daniel O’Day, le grand patron de Gilead Scienses, a sorti sa plume pour s’adresser au peuple américain. Le sujet? Le prix du remdesivir, le médicament dans lequel le monde entier place actuellement beaucoup d’espoir pour guérir plus rapidement les patients atteints d'une forme grave du Covid-19.
Le remdesivir est un médicament antiviral qui a été développé à l’origine pour contenir le virus Ebola et qui semble agir également contre le Covid-19. Les patients qui tombent gravement malades à cause du virus et qui sont hospitalisés guérissent, avec l’aide du remdesivir, quatre jours plus vite en moyenne que les patients hospitalisés qui ne reçoivent pas le médicament. “Le fait que les patients puissent rentrer chez eux plus rapidement réduit les coûts des soins de santé d’environ 12.000 dollars par patient”, explique le PDG de Gilead dans sa lettre. “Cependant, nous avons décidé de commercialiser le remdesivir bien en dessous de ce prix.”
“Ce prix sera le même pour tous”
Il a fièrement annoncé que Gilead ne ferait payer au gouvernement américain que 390 dollars par bouteille de Remdesivir. En moyenne, une cure dure cinq jours et il faut six flacons pendant cette période. Cela porte le prix total du traitement à 2.340 dollars par patient, soit environ 2.000 euros.
“Ce prix sera le même pour tous les gouvernements du monde entier”, déclare M. O’Day dans sa lettre. La Belgique devra donc également payer cette somme lorsque le médicament sera mis sur le marché européen à la fin du mois d’août. Gilead pense que cette tarification est plus qu’équitable.
La bouteille à un euro
Cependant, il y a ceux qui pensent différemment. Andrew Hill, directeur de recherche à l’université de Liverpool, affirme dans un article que le coût de la matière première nécessaire pour fabriquer une bouteille de remdesivir est d’environ 1 euro. Cela porterait le prix d’un traitement complet à 6 euros. En d’autres termes: plus de 300 fois moins que ce que Gilead veut faire payer aux gouvernements.
La firme conteste la conclusion d’Andrew Hill et affirme que ses calculs sont erronés. Cependant, ils semblent pouvoir produire en Inde à un prix beaucoup plus bas. Dans ce pays, le médicament n’est pas breveté et au moins une entreprise a déjà annoncé que son traitement avec une version générique du remdesivir ne coûterait que 360 euros.
Les chances de survie
L’Institut ICER, une organisation à but non lucratif spécialisée dans le calcul de la valeur des médicaments, arrive également à une conclusion différente de celle de Gilead. Comme il n’a pas encore été prouvé que le médicament a un impact significatif sur la survie des patients atteints du Covid-19, l’ICER estime la valeur d’un traitement pour la société à 260 euros pour le moment. Ce n’est que s’il était réellement prouvé que les chances de survie augmenteraient que l’ICER jugerait opportun de demander 2.000 euros et plus pour un seul traitement.
Cette dernière suggestion de tarification est également controversée. Premièrement, elle ne prend pas en compte les millions que Gilead a reçus du gouvernement pour développer le remdesivir. L’ONG Public Citizen a calculé qu’au moins 60 millions d’euros de l’argent des contribuables ont été utilisés pour réaliser des études qui ont bénéficié au développement du médicament.
Deuxièmement, des détracteurs pointent du doigt la méthode utilisée par l’ICER pour attribuer un prix aux médicaments. Pour chaque année de vie supplémentaire en bonne santé que génère un médicament, le prix peut être un peu plus élevé. Les opposants trouvent ce concept illogique. Selon eux, cela signifierait que désormais les constructeurs automobiles seraient également autorisés à faire payer 100.000 euros une voiture pour leurs airbags, car ils sauvent des vies.
“Pas le moment de faire de gros profits sur le dos des citoyens”
Les discussions sur le remdesivir relancent le débat sur le prix des médicaments. La crise du coronavirus leur donne même une toute nouvelle dimension. Vendredi, pas moins de 30 procureurs généraux américains (démocrates et républicains) de différents États américains ont envoyé une lettre enflammée au président Trump et au gouvernement fédéral, leur demandant de retirer le brevet de Gilead et d’organiser la production du remdesivir via le gouvernement.
“Notre législation prévoit cela”, écrivent-ils. Pour un pays où le marché libre est sacré, c’est une proposition radicale. Cependant, les procureurs publics sont très clairs: “Ce n’est pas le moment pour une entreprise de faire de gros profits sur le dos des citoyens”.
- Source : 7sur7 (Belgique)