Google Fake Maps
J’ai récemment repéré quelque chose d’étrange sur Google Maps : des photos liées au conflit armé en Syrie ont été rattachées aux emplacements géographiques de missions étrangères russes. Au lieu des photographies habituelles de bâtiments et d’ensembles architecturaux, de leurs intérieurs grandioses ou d’histoires sur les événements importants qui les ont impliqués, il y a des images de villes syriennes détruites, des portraits de civils blessés, des photographies les montrant tirés des décombres, et aussi des légendes insultant les présidents syrien et russe.
En y regardant de plus près, il s’avère que les lieux en question sont des ambassades et des consulats russes dans de nombreux pays d’Europe, d’Amérique du Nord et du Moyen-Orient. Et il ne s’agit pas seulement d’un ou deux fichiers, mais de dizaines de photos et de vidéos téléchargées en tant que photos (vidéos) publiques des consulats et ambassades russes.
Tromperie
On peut trouver ce genre d’images en annexe pour le Consulat Général de Russie à Istanbul, par exemple :
Elles ont également été rattachées à l’Ambassade de Russie à Berlin :
le Consulat Général de Russie à New York :
et l’Ambassade de Russie à Ottawa :
Le nombre de photos et de vidéos transférées suggère que cela n’a rien à voir avec une personne qui aurait accidentellement choisi le mauvais bâtiment ou appuyé sur le mauvais bouton. Il s’agit d’actions ciblées et coordonnées de nature ouvertement hostile.
Une simple analyse de la situation montre qu’une tentative a été faite pour discréditer l’image de la Russie dans l’espace mondial de l’information en utilisant les comptes d’utilisateurs Google. Après tout, attacher du matériel provocant à des bâtiments dans un système d’accès public électronique est, à tout le moins, un acte de vandalisme qui s’apparente à des graffitis sur les murs des bâtiments dans le monde réel (plutôt que virtuel) ou à la diffusion de messages et au lancement d’objets dans une zone en particulier.
En ce qui concerne les bâtiments qui représentent un pays d’outre-mer, de tels actes, surtout à une telle échelle, signifient sans aucun doute une démarche politique. Ils peuvent être comparés à des piquets de grève, des manifestations ou toute une série de ce type d’événements dans différents pays.
Cependant, la plupart des pays ont certaines règles concernant les piquets de grève et les manifestations devant les bâtiments des missions étrangères qui sont dictées par les conventions internationales. Conformément à celles-ci, les autorités locales doivent assurer leur sécurité, en particulier en cas de menace hostile.
Il n’existe pas de telles règles sur Internet. Alors que leurs services couvrent la planète entière et pénètrent pratiquement tous les aspects de la vie des gens, Google et d’autres géants de l’informatique font tout ce qu’ils peuvent pour empêcher l’établissement de toute sorte de règles. Ils affirment que de telles règles violeraient inévitablement les droits et les libertés des gens, mais, en réalité, ils protègent leurs propres intérêts commerciaux et stratégiques. Après tout, toute règle est une limitation qui ferait perdre des opportunités à Google, tant sur le plan commercial que sur celui de l’exercice d’une influence.
Les défenseurs des droits de l’homme contre Google
Ces dernières années, les affaires judiciaires impliquant Google et d’autres sociétés informatiques sont devenues de plus en plus courantes dans divers pays en raison de leur violation de la législation économique. En décembre 2019, la France a infligé à Google une amende de 150 millions d’euros pour violation des règles de la libre concurrence. Cette décision a été prise après que l’entreprise ait versé aux autorités françaises près d’un milliard d’euros en septembre pour clore une enquête sur une fraude. En janvier de la même année, la Commission Européenne a ordonné au géant de l’Internet de payer 1,49 milliard d’euros pour avoir abusé de sa position dominante sur le marché.
Mais le plus surprenant est le fait qu’à la fin de 2019, les soi-disant défenseurs des droits de l’homme se sont retournés contre Google (et aussi contre Facebook). « Le modèle économique de Google et de Facebook menace les droits de l’homme », écrit Amnesty International dans son rapport. « Le modèle économique de ces entreprises, basé sur la surveillance, force les gens à faire un pacte faustien, selon lequel ils ne peuvent jouir de leurs droits humains en ligne qu’en se soumettant à un système fondé sur la violation des droits humains ». Le rapport contient des recommandations aux États et aux entreprises sur la protection des droits de l’homme et la réglementation de l’industrie par l’introduction d’exigences strictes.
Cela soulève une question légitime : pourquoi une organisation de défense des droits de l’homme qui a toujours lutté contre l’influence de l’État sur la liberté d’expression appelle-t-elle maintenant furieusement à une réglementation gouvernementale plus stricte d’Internet, à l’analyse des algorithmes et des codes des plateformes médiatiques, à l’évaluation de leurs politiques et pratiques internes, etc.
Ce n’est un secret pour personne que les agences de renseignement américaines ont souvent porté Amnesty International comme un gant, un autre élément du « soft power » américain comme Greenpeace, la WWF et d’autres organisations de « droits de l’homme » et « environnementales ». Ainsi, si l’organisation s’est soudainement mise à se battre avec les leaders de l’industrie informatique aux États-Unis et à attaquer directement Facebook et Google, elle doit avoir de bonnes raisons.
Il est peu probable que les défenseurs des droits de l’homme n’aient pas lu la série de révélations d’Edward Snowden il y a quelques années ou qu’ils n’aient pas eu connaissance du matériel publié par Wikileaks concernant les activités de surveillance mondiale de la NSA et de la CIA ou de Vault 7. Ils ont défendu Julian Assange, qui a été enfermé dans une ambassade et accusé de viol de prostituées suisses sans préservatif.
Ils font en fait référence aux révélations de Snowden en 2013. Mais pourquoi ne l’ont-ils fait qu’à la fin de 2019 ? Où étaient-ils avant ?
Oui, Google, Facebook, Instagram, Whatsapp et YouTube gardent un œil sur le monde. Bien sûr qu’ils le font. Ils manipulent également leur public, en créant des « bulles d’information » autour de leurs utilisateurs. Cela était connu il y a dix ans. Ils surveillent également le gouvernement américain. Depuis 2001, conformément au Patriot Act, et depuis 2015, conformément au Freedom Act, ils transmettent des informations sur leurs utilisateurs aux services de renseignement américains.
Au cours des dix dernières années, cela n’a dérangé que peu de personnes aux États-Unis.
Mais il est apparu au cours des deux ou trois dernières années que l’Internet n’est pas entièrement sous le contrôle de ses créateurs américains. La liberté d’expression, déclarée comme l’une des valeurs fondamentales du monde occidental, semble toujours y exister. C’est à la fois extrêmement inattendu et dérangeant, d’autant plus qu’elle a été depuis longtemps purgée des médias occidentaux. Chaque journaliste et rédacteur en chef s’est vu dire comment faire son travail et ceux qui ne l’ont pas compris ont été chassés de la profession. Aujourd’hui, les médias centraux sont plus ou moins contrôlés et font ce qu’on leur dit : défendre les droits des LGBT, le réchauffement climatique, Greta Thunberg, l’arrivée de migrants en Europe, les attaques chimiques en Syrie, l’ingérence russe, les manifestations à Hong Kong et, en gros, tout ce qui correspond à l’agenda politique actuel.
Face à la détérioration rapide du « soft power » et à l’effondrement de l’idéologie libérale en Occident, nous commençons à voir s’imposer une censure assez stricte pour protéger la machine de propagande qui a été si laborieusement créée.
Censure ou lutte contre les fausses nouvelles
Il va sans dire que la censure ne peut pas être qualifiée de censure. Il s’agit d’un tabou vieux de plusieurs siècles. Il faut d’autres mots, des euphémismes. Par exemple, de nulle part est née une lutte généralisée contre les fausses nouvelles apparemment diffusées par de « mauvais » médias, le plus souvent soutenus par de « mauvais » gouvernements. Mais les médias occidentaux sont en fait les principaux producteurs de ces fausses nouvelles, et le nouveau terme « fake news » n’est qu’une étiquette destinée à discréditer tout ce qui ne cadre pas avec le modèle idéologique. C’est sous le prétexte de freiner les fausses nouvelles que la censure et une micro-gestion transparente de l’espace médiatique sont introduites en Occident.
En réalité, les géants de l’Internet ne sont pas des ennemis idéologiques des États-Unis. Ils sont eux-mêmes américains, sont assez loyaux envers le gouvernement américain et agissent comme porteurs et diffuseurs de l’idéologie libérale dans le monde entier. Leurs cadres supérieurs sont impliqués dans toutes les agences gouvernementales américaines qui s’occupent de sécurité, ils ont un grand nombre de contrats et de projets communs avec le Pentagone, la CIA et la NSA, ils remettent chaque seconde des téraoctets de données d’utilisateurs aux agences de renseignement, et ils sont impliqués dans des attaques d’information en dehors des États-Unis. Ils sont l’une des armes stratégiques des États-Unis et ils opèrent dans l’espace médiatique de manière continue et unie – contre la Chine, la Russie, l’Iran, la Syrie, le Yémen, l’Arabie Saoudite, la Turquie, la Corée du Nord, le Venezuela, et d’autres.
Mais il y a une division au sein même des États-Unis ; le pays est divisé. La victoire « numérique » inattendue de Donald Trump en 2016 (contre toutes les prévisions et les sondages hors ligne) et la possibilité d’une répétition en 2020 exacerbent la lutte. Il y a actuellement une bataille pour qu’Internet devienne l’outil d’influence politique le plus puissant.
Les acteurs des médias ne le comprennent que trop bien et tentent de s’attirer les faveurs de la population. Ils ont fait preuve d’un zèle particulier depuis la fin de l’année dernière. Facebook a déjà annoncé son étroite collaboration avec le FBI, qui lui a apparemment permis de traquer et de faire tomber plus de 50 réseaux pour « comportement inauthentique coordonné ». Google tente également de démontrer son engagement à relever de nouveaux défis. Il s’avère que, depuis au moins février 2019, l’entreprise met en œuvre un programme interne de lutte contre la désinformation. Google dispose également d’une équipe spéciale chargée d’identifier et de supprimer les faux comptes qui répandent la désinformation. En outre, le géant de l’Internet tente de limiter les fausses nouvelles dans les résultats de ses moteurs de recherche en affichant des panneaux de connaissances en pop-up de Wikipédia.
Mais il semble que Wikipedia ne puisse pas aider Google à combattre les fausses nouvelles dans son propre service Google Maps.
Traduit par Réseau International
- Source : Oriental Review (Russie)