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Dissidents: la vision impériale et la vision révolutionnaire

Auteur : Didas Kalos via Résistance Politique | Editeur : Stanislas | Dimanche, 04 Août 2013 - 12h25

Liu Xiaobo est chinois. Il a publié des ouvrages et donné des interviews dans lesquels il affirme que la colonisation occidentale a fait beaucoup de bien à la Chine, qu’il faudrait maintenant trois cents ans de colonisation occidentale en Chine pour rattraper Hong-Kong, et que l’intervention militaire en Irak a été une excellente chose car elle a rétabli la démocratie dans ce pays – ce qui lui a logiquement valu le prix Nobel de la paix en 2010. Il est actuellement emprisonné pour subversion. C’est un dissident. C’est un héros. Nos grands médias et nos hérauts des Droits de l’Homme, comme BHL ou Glucksmann, ont protesté à de nombreuses reprises contre son incarcération.
 
Gilberto Martinez est cubain. En 2003, avec soixante-quatorze autres compatriotes, il a été jugé, condamné et emprisonné pour avoir rencontré à plusieurs reprises James Cason, chargé d’affaires étasunien à La Havane, et discuté avec lui du renversement du pouvoir en place à Cuba, pour en établir un autre, qui conviendrait mieux à Georges Bush. C’est un dissident. C’est un héros. Nos grands médias et nos hérauts des Droits de l’Homme, comme Robert Ménard, ex-président de Reporters Sans Frontières, ont protesté vigoureusement contre son incarcération, comme contre celle des soixante-quatorze autres Cubains.
 
De même, tous ceux qui, pendant la guerre froide, fuyaient les pays socialistes – par exemple en se réfugiant dans des ambassades occidentales – étaient des dissidents, donc des héros, loués par nos grands médias et intellectuels amis des Droits de l’Homme.
 
Edward Snowden est étasunien. Il a transmis à la presse des preuves que la National Security Agency espionnait les messageries électroniques du monde entier sous prétexte de lutte contre le terrorisme. Poursuivi par les autorités de son pays pour trahison, il s’est réfugié fin juin à l’aéroport de Moscou, où il a demandé l’asile politique à l’Équateur, pays ami de Cuba. Ce n’est pas un dissident. C’est un « lanceur d’alerte ». Nos médias l’aiment bien, mais ils ne protestent pas franchement contre ce qui lui arrive. BHL, Glucksmann et Ménard n’ont rien à dire sur lui.
 
Bradley Manning est étasunien aussi. C’est un soldat. Il a transmis à Wikileaks des informations sur les exactions de l’armée étasunienne en Irak et en Afghanistan. Il risque 136 ans de prison. Ce n’est pas un dissident. Mais alors, qu’est-ce ? Le Monde.fr interroge ses lecteurs : « Bradley Manning : traître ou héros ? » BHL, Glucksmann et Ménard semblent ignorer son existence.
 
À la lumière de ces quatre exemples simples, on peut construire la vraie définition du mot « dissident ». La définition actuellement donnée par les dictionnaires est en gros : « qui se sépare à cause d’une opposition au système politique en place », et l’emploi du mot par les intellectuels et médias défenseurs des Droits de l’Homme sous-entend clairement que ledit système politique est « totalitaire ». Aujourd’hui, il devient clair qu’un dissident, c’est quelqu’un qui s’oppose au système politique de son pays pour soutenir celui des États-Unis. En revanche, quelqu’un qui s’oppose au système politique des États-Unis ne peut pas être un dissident.
 
Mais, me direz-vous, quid de Gilberto Martinez et des autres dissidents Cubains libérés en  2011, partis vivre en Espagne, et qui cherchent maintenant à retourner à Cuba tellement la vie en Espagne est insupportable  ? Pour eux il faudrait inventer un nouveau mot. Re-sident ? Ac-sident ? Désoc-sident ? J’ai demandé à BHL et Glucksmann ce qu’ils en pensent, mais ils n’ont pas l’air au courant…


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