Traité de libre-échange Tafta : les négociations secrètes reprennent, la Commission européenne veut rassurer
Américains et Européens reprennent ce lundi 22 février les négociations sur le traité de libre-échange transatlantique. Alors que les termes du projet d'accord restent très secrets, suscitant de nombreuses inquiétudes, les commissaires européens aux Affaires économiques et au Commerce tentent de rassurer.
Le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP ou Tafta) vise à éliminer les barrières commerciales entre les deux continents et à réduire les obstacles aux échanges de biens et de services entre l'UE et les États-Unis. Les négociations ont débuté en juillet 2013 entre les États-Unis et l'Union européenne qui représente les 28 États membres.
Les deux parties se retrouvent ce lundi 22 février à la table des négociations pour un douzième round de discussion, qui durera une semaine. S'il voit le jour, ce texte sera le plus grand accord commercial au monde, touchant un marché de 850 millions de consommateurs et représentant 40% du PIB mondial.
ÉLEVEURS INQUIETS
En pleine crise agricole, ces négociations suscitent beaucoup d'inquiétudes chez les éleveurs français, qui craignent des "importations massives" de viande bovine si l'accord est signé. Le futur traité de libre-échange transatlantique "pourrait acter l'ouverture de notre marché à plusieurs dizaines, voire centaines de milliers de tonnes de viande américaine" a déploré Guy Hermouet, président de la section bovins de l’inter-profession Interbev, lors d'une conférence de presse au Sénat mardi 16 février. "Nous sommes favorables au libre-échange mais nous voulons des échanges commerciaux justes, basés sur une véritable réciprocité", a-t-il dit, "or c'est le contraire" qui se prépare selon lui.
Les États-Unis exportent environ 15.000 tonnes de viande par an vers l'Europe. Mais Interbev craint que ce chiffre grimpe à 300 voire 600.000 tonnes, après la signature du traité de libre-échange transatlantique entre le premier producteur mondial de viande bovine et l'Union européenne. "C'est un danger qui pourrait réduire à néant toutes nos chances de retrouver un niveau correct de rentabilité et de compétitivité", prévient Guy Hermouet.
Le commissaire européen aux Affaires économiques Pierre Moscovici (archive) ( AFP / JOHN THYS )
"Il n'y aura pas de traité transatlantique défavorable à l'agriculture européenne et française", a assuré commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici dimanche 21 février dans l'émission "C politique" sur "France 5". "Il est hors de question d'accepter un traité dans lequel les normes sanitaires soient atteintes, dans lequel les marchés publics soient déséquilibrés, dans lequel l'emploi soit menacé ou dans lequel l'agriculture soit mise en danger", a-t-il ajouté.
Selon le commissaire européen, l'Europe a toutefois en théorie "plus à gagner" que les États-Unis avec le Tafta, "le marché américain" étant "plus fermé que le marché européen".
"QUAND ON NÉGOCIE QUELQUE CHOSE D'UN PEU SENSIBLE, ON NE PEUT PAS LE FAIRE DEVANT LES CAMERAS"
Autre source d'inquiétude : l'opacité des discussions, car une partie des textes sont tenus secrets. En octobre dernier une manifestation d'opposants au Tafta avait rassemblé plus de 100.000 personnes dans la capitale allemande et 600 personnes avaient tenté "d'encercler" plusieurs sites du quartier européen de Bruxelles.
La commissaire européenne au Commerce Cecilia Malmström a assuré vendredi 19 février que l'Union européenne faisait "le maximum" pour garantir "la transparence" des négociations sur le traité de libre-échange transatlantique.
"Quasiment toutes les propositions européennes sont sur internet, donc tout le monde peut les lire", a ajouté la responsable européenne.
Cependant, elle expliqué que les autres documents, notamment ceux soumis par les États-Unis, ne pouvaient pas être rendus publics du fait des négociations en cours. "Certains textes ne nous appartiennent pas, nous ne pouvons pas publier des textes américains", a insisté Cecilia Malmström. Elle s'est dite favorable à une certaine forme de discrétion dans les négociations. "Quand on négocie quelque chose d'un peu sensible, on ne peut pas le faire devant les caméras", a-t-elle souligné.
"La transparence, c'est un peu le pêché originel de ces négociations", a regretté secrétaire d’État français au Commerce extérieur Matthias Fekl, estimant que les négociations ne pouvaient pas "se dérouler comme les négociations d'hier, c'est-à-dire derrière des portes closes".
Selon le secrétaire d’État, les parlementaires et les membres du gouvernement devaient il y a quelques semaines encore se rendre dans des salles de lecture sécurisées des ambassades américaines pour consulter les documents en négociation, une situation jugée "inacceptable". "Nous avons obtenu des salles de lecture dans les États membres, qui permettent aux parlementaires nationaux d'avoir accès à ces documents. C'est un progrès important, mais ça ne règle pas tous les problèmes", a-t-il jugé, appelant à "aller plus loin".
- Source : Boursorama