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La renaissance du Céleste Empire : comment la Chine tente de changer le monde

Auteur : RT (Russie) | Editeur : Walt | Lundi, 11 Janv. 2016 - 20h34

En 2016, Pékin va chercher à réformer l’ordre international, mais à sa façon.

Pékin est conscient du fait que la « croissance pacifique » de la Chine et son expansion économique à travers le monde offrent une chance réelle au pays de passer du statut de puissance régionale à celui de superpuissance globale. Par conséquent, le monde entier suit de près les développements économiques et politiques en Chine, en essayant d’y voir les prémisses de la renaissance du Céleste Empire et, d’autre part, d’y identifier les méthodes et les instruments qu’elle utilisera pour réformer l’ordre mondial actuel.

Une dimension économique qui risque de se convertir bientôt en dimension stratégique, avec des conséquences politiques à l’échelle régionale et globale.

Washington, convaincu que la Chine veut défier et finalement renverser le système international actuel, garde un œil vigilant sur les tentatives de Pékin pour initier et établir un ordre régional, avec des projets tels que les initiatives « la Ceinture et la Route », la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (BAII) et la Nouvelle banque de développement (NBD) des BRICS, tous destinés à préserver les intérêts de la Chine et à assumer davantage de responsabilités internationales.

En 2015, la Chine s’est rapprochée du rôle de premier investisseur régional en Asie centrale avec un montant d’investissements déjà accumulés de 50 milliards de dollars. En Asie du Sud, les dirigeants chinois, au cours de récentes visites au Pakistan et en Inde, ont promis des investissements de 30 et 20 milliards de dollars respectivement. Des promesses similaires ont été faites à l’Afrique (200 Mds $) et à l’Amérique Latine (500 Mds $).

Europe : nouvel azimut

En 2015, Pékin a mis un accent particulier sur le développement de ses relations économiques avec les alliés de Washington : une atmosphère à l’odeur de dollars accompagnait par exemple les visites à Pékin, en septembre, de la chancelière allemande Angela Merkel (contrats signés pour un montant de 20 Mds $) et du président français François Hollande (commandes d’Airbus pour un montant de 18 Mds $). Et pour la bonne bouche, il ne faut pas oublier que la visite de Xi Jinping, en automne 2015, au Royaume-Uni, s’est soldée par une pluie d’investissements pour les entreprises britanniques, y compris des contrats pour la construction de la plus grande centrale nucléaire d’Europe et d’une ligne ferroviaire à grande vitesse, le tout pour une valeur de plus de 50 milliards de dollars. Lors du séjour du président chinois à Londres, les deux parties ont signé une série d’accords de collaboration bilatérale pour un montant de 50 milliards de dollars. Finalement, au cours de la visite de Xi Jinping, Pékin et Londres ont annoncé la signature d’un accord, aux termes duquel la Chine va participer au projet de construction de la centrale nucléaire de Hinkley Point, avec le concours d’Électricité de France (EDF). C’est la première centrale construite en Grande-Bretagne depuis 30 ans et la plus coûteuse de l’histoire. La participation de la Chine sera de 33,5% dans le projet (auparavant sa part dans les projets occidentaux ne dépassait pas 10%).

La Chine, à la différence d’autres pays-membres des BRICS, s’est abstenue d’adopter des positions solidaires, et a ainsi obtenu de bons résultats pour elle-même.

A présent, parmi les pays occidentaux, le Royaume-Uni joue un rôle unique dans la coopération avec la Chine. Ainsi, Londres, malgré la pression américaine, est devenu le premier partenaire occidental ayant exprimé l’intention d’adhérer à la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (BAII). Le Royaume-Uni est également devenu le premier pays, à lancer des obligations souveraines en yuan chinois. Le premier centre de compensation en monnaie chinoise, en dehors de l’Asie, a également été créé au Royaume-Uni.

Précautions mesurées

On voit ainsi que, pour réformer l’ordre régional et mondial, Pékin a recours, avant tout, à des méthodes exclusivement économiques, en évitant la confrontation directe avec États-Unis et l’Union Européenne. A ce propos, on peut citer un bon exemple de la conduite « mesurée » de la Chine au sein du Fonds monétaire international (FMI) sur la reconnaissance du yuan chinois comme devise internationale de réserve et l’acquisition des droits supplémentaires pour la prise de décision au FMI. Ici, la Chine, à la différence d’autres pays-membres des BRICS, s’est abstenue d’adopter des positions solidaires, et a ainsi obtenu de bons résultats pour elle-même : dès le 1er octobre 2016, le yuan chinois deviendra une devise internationale.

Il est évident qu’en participant à des groupements régionaux et globaux, comme l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) et les BRICS, la Chine ne s’empresse pas de quitter les structures créées par l’Occident sans attendre que les premiers soient reconnus internationalement.

Comment contourner l’ennemi principal ?

En 2015, la Chine a mené sa politique de réformes et d’ouverture afin de s’intégrer dans l’ordre international défini par Washington, en jouant un rôle de plus en plus important au sein de ce système. Cependant, les intérêts particuliers des États-Unis semblent s’opposer à ce que soit concédé plus d’espace à la deuxième plus grande économie du monde, comme l’illustrent les limites proposées par les États-Unis au rôle de la Chine au sein du Fonds monétaire international (FMI).

Il semble qu’en 2016, la Chine va continuer de jouer le rôle qui lui revient au sein du système international pour démontrer au monde entier, notamment aux États-Unis, que l’ordre régional proposé par la Chine est destiné à compléter, et non à remplacer, le système international actuel. Il faut également qu’elle démontre que ce qu’elle cherche, est de parvenir à un développement durable et d’assumer davantage de responsabilités régionales et globales pour le développement commun.

Dans ce contexte, il est temps pour la Chine de trouver un moyen plus efficace d’interagir avec d’autres pays, y compris les pays des BRICS, afin de remplacer ses anciennes réponses passives aux appréhensions de Washington.

Les faits ont prouvé que la Chine a tenu ses promesses, alors que les arrangements régionaux qu’elle a initiés ont servi de compléments plus ouverts et plus inclusifs aux mécanismes actuels. A ce regard, des projets tels que la BAII ont assumé les responsabilités que ne pouvaient assumer la Banque mondiale et la Banque asiatique de développement (BAD), étant donné les limites de leurs mandats.

Afin de réduire les pressions de la part de Washington, la Chine est obligée, au cours de l’établissement de ce nouvel ordre mondial, de promouvoir ses relations tous azimuts, même avec certains des alliés traditionnels des États-Unis qui n’ont pas avec elle de conflit direct en matière d’intérêts géopolitiques et qui souhaitent approfondir leurs relations économiques avec le marché chinois. Ainsi la Chine cherche à réformer l’ordre international actuel défini par les États-Unis, plutôt que le révolutionner.

Vladimir I. Zakharov

Vladimir I. Zakharov est un diplomate et enseignant russe. Pendant plus de 30 ans (1971-2004), il a travaillé au ministère des Affaires étrangères de l’URSS, puis de la Fédération de Russie. Plus tard, il a rempli des fonctions de sous-secrétaire de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS). Depuis 2014, Vladimir Zakharov est professeur à la Haute Ecole de l’Economie de Moscou. Auteur régulier de RT France, il a publié de nombreux articles au sujet des relations et de l’économie internationales.


- Source : RT (Russie)

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