Le baromètre de la diversité est en réparation

Pour veiller au métissage obligatoire de la télévision, le Conseil supérieur de l’audiovisuel s’est doté d’un instrument très décoratif et joliment nommé « baromètre de la diversité ». Le métis est l’aryen du XXIe siècle, comme disait l’autre. On est en plein dedans.

L’arme à double tranchant de la statistique ethnique étant interdite, voilà ces malheureux compteurs de Blancs, Noirs, Jaunes, Bleus contraints de recourir à des acrobaties langagières de haut niveau en introduisant le concept « d’origines perçues ». Un peu comme les températures de la météo. Par moins 10, le sujet en maillot de bain est content car il perçoit + 25°. Ce qui est son droit le plus strict.

En matière de coloration d’antenne, voilà donc qu’il y aurait 14 % de personnes perçues comme non blanches à l’image. Là encore, personne n’interdit de percevoir David Pujadas noir comme l’ébène. Un mauvais réglage du contraste, une soirée un peu arrosée et c’est l’intégralité des animateurs et des journalistes qui se retrouvent perçus on ne sait comment… D’où la fragilité dudit baromètre.

Au rayon de l’hallucination collective mesurée par cet outil indispensable, les jeunes voient 18 % de non-Blancs, tandis que les plus âgés n’en comptent que 4 %… Les premiers fument de la bonne en regardant la télé, les autres se contentent d’une infusion… Cela expliquerait le fossé perceptif entre les deux générations. Bref, la tâche est ardue, tant le paramètre de l’état dans lequel se trouve le téléspectateur influe sur le résultat.

Puis vient la phase de l’étude qui fait mal aux propriétaires du baromètre. Concernant les activités « marginales ou illégales », voilà que le taux de personnes perçues comme non blanches bondit à 37 %, là dis donc. Saleté d’appareil ! Et puis l’aiguille s’affole : en termes de rôle, le taux de « perçus » comme non-blancs n’est que de 9 % pour les héros alors que les attitudes négatives de cette même catégorie sont à 29 %. Double tranchant, vous dis-je ! Des chiffres à vous faire ramener le baromètre dans le magasin de souvenirs. « Ah, on n’en veut plus, de votre machin ! Tenez, à la place, on va prendre une petite poupée en coquillage ».

L’ineptie intégrale du concept repose sur la transformation d’une réalité via la mesure de la subjectivité qu’elle induit. Et si les téléspectateurs estimaient qu’il y a 85 % de gens de couleur à la télévision, rangeraient-ils leur baromètre ? Selon toute vraisemblance, les cerveaux du CSA ont tout mesuré sauf leur capacité à créer un outil à même de réduire à néant leur propre idéologie. De là à les percevoir comme « non pensants », il n’y a pas des kilomètres… Nous créerons ce baromètre en temps utile.