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La mystérieuse menace russe du Pentagone

Auteur : Pepe Escobar-Traduction jj, le Saker Francophone | Editeur : Walt | Dimanche, 30 Août 2015 - 18h37

Au Pentagone, personne ne peut expliquer comment et pourquoi la Russie est une menace, il sait juste que c’est comme ça! Le concept se porte bien pour nourrir la machine militaire américaine, mais les Russes ne restent pas les bras croisés.

Le chef d’état-major inter-armes US, Martin Dempsey, est entré en territoire certifié par Donald-connu inconnu-Rumsfeld, quand il a récemment essayé de conceptualiser la menace :

«Les menaces sont la combinaison, ou l’ensemble, des capacités et des intentions. Permettez-moi de mettre les intentions de côté pour le moment, parce que je ne sais pas quelles sont les intentions de la Russie.»

Donc Dempsey admet qu’il ne sait pas de quoi il parle. Ce qu’il semble savoir est que la Russie est une menace quoi qu’elle fasse – dans l’espace, le cyberespace, les missiles de croisière, les sous-marins.

Et surtout, une menace pour l’Otan :

«Une des choses que la Russie me semble faire est de discréditer, ou même plus inquiétant, de créer les conditions de l’échec de l’Otan.»

Donc, la Russie semble discréditer une Otan déjà largement auto-discréditée. Cela n’a pas grande allure pour une menace.

Tous ces jeux rhétoriques ont lieu tandis que l’Otan semble se préparer à une confrontation directe avec la Russie. Et ne vous méprenez pas : Moscou considère la belligérance de l’Otan comme une menace réelle.

PGS [Prompt Global Strike ou Première Frappe Globale, NdT] contre S-500

La menace surgit juste au moment où les cercles de réflexion Boum-Boum des Etats-Unis ressortent des placards de la Guerre Froide la notion de confinement de la Russie. L’homme-sandwich de la CIA, Stratfor, a colporté un morceau de propagande louant l’âme damnée de la Guerre Froide, George Kennan, en tant qu’auteur de la politique d’endiguement de la Russie.

L’appareil du renseignement US ne rigole pas ; avant sa mort, Kennan a déclaré que c’étaient les États-Unis qui devaient être contenus, pas la Russie.

Le confinement de la Russie – par l’intermédiaire de l’expansion de l’Otan et de l’UE – a toujours été à l’œuvre, car l’impératif géopolitique a toujours été le même ; comme le Docteur-Grand Échiquier-Brzezinski ne se lasse pas de le souligner, il s’agissait toujours de prévenir la menace émergente d’une puissance eurasiatique capable de défier les États-Unis.

En fin de compte, la notion de containment peut aller jusqu’au démantèlement de la Russie elle-même. Elle porte aussi en elle le paradoxe inhérent que l’expansion infinie de l’Otan vers l’est a fait de l’Europe de l’Est une région moins sûre, et non l’inverse.

En supposant même qu’il y ait une confrontation mortelle Russie–Otan, les armes nucléaires tactiques russes annihileraient tous les aéroports de l’Otan en moins de vingt minutes. Tout cela, Dempsey – énigmatique – l’admet.

Ce qu’il ne peut absolument pas admettre, par contre, c’est que si une décision avait été prise à Washington, il y a longtemps, d’empêcher l’expansion infinie de l’Otan, l’action concertée de la Russie pour mettre à niveau son arsenal d’armes nucléaires aurait été inutile.

Sur le plan géopolitique, le Pentagone a finalement vu dans quel sens souffle le vent du partenariat stratégique : vers la Russie et la Chine. Ce changement majeur dans le jeu de l’équilibre mondial du pouvoir se traduit également par le fait que les actifs militaires combinés de la Chine et de la Russie dépassent ceux de l’Otan.

En termes de puissance militaire, la Russie a, sur les États-Unis, une supériorité offensive et défensive dans le domaine des missiles, avec le système de nouvelle génération de missile surface–air, le S-500, capable d’intercepter des cibles supersoniques et d’étanchéifier totalement l’espace aérien russe.

En outre, malgré les turbulences financières à court terme, la stratégie combinée sino-russe pour l’Eurasie, une interpénétration de la Nouvelle Route de la Soie et de l’Union économique eurasienne (EEU), est appelée à développer leurs économies et la région dans son ensemble à un point qui peut dépasser l’UE et les États-Unis combinés d’ici 2030.

Ce qui reste à l’Otan est la mise en scène de la force militaire pour la télévision dans des émissions comme Atlantic Resolve pour rassurer la région, en particulier l’hystérie dont sont sujettes la Pologne et les pays baltes.

Moscou, quant à lui, a clairement fait savoir que les nations qui déploient des systèmes de missiles anti-balistiques américains sur leurs territoires devront faire face aux systèmes d’alerte antimissile déployés à Kaliningrad.

Et le major-général Kirill Makarov, chef adjoint des Forces de la défense aérospatiale de la Russie, a déjà fait savoir que Moscou modernise ses capacités de défense aérienne et de missiles pour écraser toute menace réelle d’une Première Frappe Globale US (PGS).

Dans la doctrine militaire russe de décembre 2014, le renforcement des capacités militaires de l’Otan et la PGS sont répertoriés comme des hautes menaces pour la sécurité de la Russie. Le ministre adjoint de la Défense Iouri Borisov l’a souligné, «la Russie est capable de faire, et devra développer, un système comme la PGS».

Où est notre butin?

Les jeux rhétoriques du Pentagone servent aussi à masquer de véritables enjeux très importants ; essentiellement une guerre de l’énergie – centrée sur le contrôle du pétrole, du gaz naturel et des ressources minérales de la Russie et de l’Asie centrale. Cette richesse sera-t-elle contrôlée par des hommes de paille, oligarques supervisés par leurs maîtres à New York et à Londres, ou par la Russie et ses partenaires d’Asie centrale? D’où l’implacable guerre de propagande.

On pourrait bien penser aussi que les Maîtres de l’Univers ont ressuscité les mêmes vieux alibis géopolitiques sur la menace et le confinement, colportés par ce que nous pourrions caricaturer comme une connexion Brzezinski–Stratfor, pour couvrir ou dissimuler, un autre fait frappant.

Et ce fait c’est que la vraie raison de la guerre froide 2.0 est la perte de milliards de dollars, et plus, que subiront les puissances financières de New York/Londres lorsque le président Poutine mettra la Russie, et ses alliés, à l’abri de leurs pillages.

Et la même chose vaut pour l’affaire du coup d’État de Kiev, forcé par les mêmes puissances financières de New York/Londres pour empêcher Poutine de contrecarrer leurs opérations de pillage de l’Ukraine (qui, soit dit en passant, continuent sans relâche, au moins dans le domaine agricole).

Le duo menace/confinement est également déployé en mode turbo pour empêcher par tous les moyens un partenariat stratégique entre la Russie et l’Allemagne – que la connexion Brzezinski/Stratfor voit comme une menace existentielle pour les États-Unis.

Le rêve glauque de la connexion, partagé d’ailleurs par les néo-cons, serait un retour glorieux à la phase de pillage de la Russie des années 1990, lorsque le complexe militaro-industriel russe s’était effondré et que l’Occident a pillé les ressources naturelles de Kingdom Come.

Cela n’arrivera plus jamais. Alors, quel est le plan B du Pentagone? Créer les conditions pour transformer l’Europe en théâtre potentiel d’une guerre nucléaire. Voilà une véritable menace – si jamais il devait y en avoir une.


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