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Roland Dumas : la France glisse «sous le chapeau américain»

Auteur : RT (Russia Today) interview de Roland Dumas | Editeur : Walt | Jeudi, 25 Juin 2015 - 21h16

Roland Dumas ne se fait aucune illusion sur ce que fera François Hollande et l’on peut partager son pessimisme. La France politique n’est plus. Les révélations de Wikileaks interpellent plutôt les Français que Hollande lui-même qui se voit poussé à réagir à une situation qu’il connaissait déjà, mais qu’il doit faire semblant de découvrir. François Hollande ne peut évidemment rien faire de concret, sinon demander un peu plus de discrétion de la part des agences américaines. Mais ce qu’il y a d’agaçant, c’est que cette affaire a été l’occasion d’en remettre une couche sur le fait que les Etats-Unis sont un allié. Si un jour des B-52 lâchaient leurs bombes sur Paris, n’ayez aucune inquiétude, c’est de la part d’un allié bien-aimé à qui l’on pourra demander de mieux cibler ses frappes. Les Normands pourront confirmer que ce n’est pas une exagération. RI

Ministre des Affaires étrangères sous François Mitterrand, Roland Dumas est persuadé que si le gouvernement de François Hollande ne change pas l’orientation de la politique étrangère, la France continuera «à aller droit dans le mur».

RT France : Quelle réaction faut-il attendre de la part du gouvernement français ?

Roland Dumas : Il faut d’abord attendre quelques heures ou quelques jours parce que la première réaction, je la trouve un peu faible. Quand je vois que le porte-parole du gouvernement français va envoyer un fonctionnaire pour faire le point avec son collègue américain sur les indiscrétions, je dis que c’est un rideau de fumée, cela ne veut rien dire. Ce fonctionnaire n’a pas de pouvoir politique. Il y aura simplement des consignes qu’il ne pourra pas trahir et donc, dans ce cas, cela sera juste de la poudre aux yeux, c’est inutile. Il aurait fallu envoyer un responsable politique, qu’une décision politique énergique soit prise. J’ai évoqué tout à l’heure le gouvernement du général de Gaulle dans les années 1960,  lorsqu’il a pris la décision de quitter le commandement intégré de l’OTAN et de mettre fin aux bases militaires qui étaient en France? C’étaient des actes, pas un discours.

RT France : La situation va-t-elle changer ? Ou des indignations ne restent que des indignations ?

Roland Dumas : J’espère que le gouvernement trouvera des ressources en lui. Mais je me permets d’en douter parce que, depuis des mois, nous voyons petit à petit que la politique française sur le plan international glisse de plus en plus sous le chapeau américain. Je l’ai déjà dit et le je répète : aujourd’hui la France est considérée comme un pays n’ayant pas de véritable politique étrangère. Sa politique c’est celle de l’OTAN, c’est celle des américains derrière l’OTAN. Donc, c’est cette politique là qu’il faut changer. Si le gouvernement ne la change pas, nous allons continuer à aller droit dans le mur.

RT France : Est-ce que l’opinion publique plaide en faveur d’une politique indépendante de celle des Etats-Unis ?

Roland Dumas : Alors, c’est toute la question. En effet, il y a en France tout un courant qui existe et il n’existe pas seulement en France, on a pu le voir en Suisse il n’y a pas longtemps. On peut constater qu’il y a une certaine opinion publique qui a changé d’orientation politique, notamment en Suisse qui n’est pourtant pas un pays révolutionnaire. Là-bas les gens se posent des questions et les interlocuteurs suisses avec qui j’ai eu l’occasion de parler me disaient qu’il leur devenait tout à fait insupportable de servir de petits serviteurs à la grande puissance américaine. C’est aussi ça que nous sentons en France, c’est un peu la même chose. C’est vrai que nous ne sommes pas majoritaires, c’est vrai qu’il y a encore des discussions, des hésitations, mais prenez y garde : ce mouvement existe et existera. Vous savez aujourd’hui, beaucoup de gens commencent à douter de la pertinence et du fondement de l’orientation de la politique que poursuit actuellement le parti socialiste au pouvoir.

RT France : Est-ce que l’espionnage est une nouvelle tendance?

Roland Dumas : Il ne faut non plus se faire d’illusions. L’espionnage existe depuis la nuit des temps. Ce qui est déloyal dans la situation actuelle c’est qu’on a un allié, un ami qui est l’Amérique. Ce pays envoie chez nous des commissaires, des ambassadeurs, des chefs du gouvernement, des chefs d’état qui s’embrassent régulièrement lorsqu’ils se revoient. Mais on apprend finalement qu’en réalité, ce pays-ami a mis en place tout un dispositif pour nous espionner. Ça ne se fait pas. Ce n’est pas convenable. Et ce n’est pas la première fois que cela se passe. Cela a été le cas avec madame Merkel et ça s’est produit dans d’autres pays européens. Je considère qu’aujourd’hui, le système qui est en train de se mettre en place vise à diminuer le rôle des alliés. C’est très nuisible à l’amitié entre les pays.


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